Et maintenant. On oublie tout le reste ?
Chaque samedi, franceinfo avec Alexandre Kouchner réinvente le présent après la crise sanitaire. Aujourd’hui, il est question de l’actualité de 2020 qui a été marquée par de grandes marches et manifestations.
Et maintenant, on oublie tout le reste ? Dans l’actualité, une crise chasse l’autre et on est souvent enclin à oublier les tendances de fond qui traversent nos sociétés.
franceinfo : Ne risque-t-on pas de réduire 2020 à la seule crise
sanitaire ?
Alexandre Kouchner : Le virus a écrasé l’actualité, le confinement, nos débats, et la crise, nos mémoires. Mais la longue traversée de salon en solitaire, qui nous a été imposée, ne doit pas masquer que 2020 est une année tectonique. Oublions donc deux minutes le coronavirus et souvenons-nous du reste.
En un an, notre pays a connu sa plus grande marche pour le climat, sa plus grande manifestation pour le droit des femmes et son plus grand rassemblement contre les violences policières depuis très longtemps. Il a aussi connu sa plus véhémente demande de justice sociale et la plus longue grève depuis 30 ans. Et ce n’est pas une opinion, quoiqu’on pense du (Il ne me revient pas de me prononcer sur le) bien-fondé des "Gilets jaunes" ou de l’opposition à la réforme des retraites. C’est une constatation.
Constatation qui nous amène où, Alexandre ?
À la fin du fantasme du monde d’après. Philosopher sur demain ne sert à rien, tant que nous ne prendrons pas à bras le corps, les problèmes du monde actuel. Ce monde d’après ne sera pas tenable socialement, politiquement, écologiquement et humainement, si l’on n’écoute pas toutes ces demandes. Le coronavirus ne les a pas éteintes, mais exacerbées. Et, dès la fin du confinement, sont revenus les cortèges et les revendications.
La première et la deuxième ligne contre le virus ne rentreront pas dans le rang. La génération climat, MeToo et Adama, ne sera pas démobilisée par la crise. Elle y verra la justification de ses actions. Le problème, c’est que chacun voit dans cette crise l’incarnation de ses idées. Et que toutes les descriptions du monde d’après révèlent surtout les opinions d’hier.
Au fond, ce débat n’est-il pas tout simplement ce qu’on appelle la politique !
La politique est aussi l’art de décider ensemble. Et c’est toute la difficulté pour une France fracturée et rongée par la défiance. Les Français sont le peuple le plus pessimiste d’Europe, le plus critique de la gestion de la crise sanitaire, et la France se classe au dernier rang parmi 35 pays sur la qualité des relations dans l'entreprise.
Nous n’avons plus confiance en rien : pas dans nos représentants, ni dans la presse, ni dans nos collègues, et pas même en la science, puisque nous venons d’inventer le populisme médical. Défiance partout, dialogue nul part, voilà la difficile équation à résoudre aujourd’hui avant de parler du monde d’après. Car il reste une question primordiale : et maintenant, on fait quoi ?
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