: Vidéo Un lanceur d'alerte qui avait signalé de graves problèmes dans les usines Boeing témoigne dans "Envoyé spécial"
Depuis deux crashs à quelques mois d'intervalle qui ont fait 346 morts, Boeing n'est plus du tout synonyme de fiabilité. Tous deux impliquaient le 737 Max, conçu en un temps record pour faire face à la concurrence d'Airbus. Un ancien responsable qui a assisté à sa fabrication témoigne dans "Envoyé spécial".
Ed Pierson a travaillé pendant dix ans chez Boeing, où il était cadre dirigeant. Désormais à la retraite, il enquête sur les problèmes de sécurité chez son ancien employeur. "Une sorte d'obsession" pour celui qui s'est mué en lanceur d'alerte, qui l'occupe "jour et nuit depuis cinq ans".
Dans la banlieue de Seattle, Ed Pierson a emmené l'équipe d'"Envoyé spécial" devant les ateliers d'où sont sortis les deux avions qui se sont écrasés. Dans cette usine, il affirme avoir constaté de graves problèmes dès 2017 : multiplication du nombre de sous-traitants pour réduire les coûts, cadences de production accélérées (jusqu'à 52 avions par mois)...
"Les ouvriers faisaient des heures supplémentaires à un rythme fou. Plus de 50 heures par semaine, non stop, le samedi et le dimanche aussi. Et on a vu le taux d'anomalies grimper en flèche."
Ed Pierson, ancien cadre dirigeant chez Boeingà "Envoyé spécial"
A tel point qu'en juin 2018, il décide d'alerter le directeur général de l'usine. Il lui signale les pannes et les violations des procédures de sécurité, et conclut même : "On doit fermer cette usine." Impossible, lui répond le directeur. "A ce moment-là, poursuit Ed Pierson, ce que je ne savais pas, c'est qu'un des deux avions qui s'est écrasé ensuite sortait à peine de l'usine."
Quelques semaines plus tard, il a quitté l'entreprise à la faveur d'un plan de départ. "J'ai fait beaucoup d'insomnies depuis, confie-t-il, se demandant ce qu'il aurait "pu faire de plus".
Selon l'enquête officielle, les deux accidents sont dus au logiciel MCAS, chargé de stabiliser l'avion, mais susceptible de le faire piquer vers le sol. Boeing assure que ce logiciel a été révisé. Ed Pierson, lui, affirme que les problèmes dans les usines sont bien plus graves, et loin d'être réglés.
Les événements de ces derniers mois semblent lui donner raison. En janvier 2024, un Boeing 737 Max flambant neuf d'Alaska Airlines a perdu une porte en plein décollage. Quatre boulons étaient manquants. Des inspections ont révélé des problèmes similaires sur d'autres avions. Dans la foulée, le Congrès des Etats-Unis a lancé une commission d'enquête. Ed Pierson est venu témoigner sous serment, et un ancien ingénieur a livré un témoignage glaçant sur deux autres modèles long courrier, le 777 et le 787.
"J'ai vu des ouvriers littéralement sauter sur des pièces pour les faire s'aligner. J'appelle ça 'l'effet Tarzan'. Ils produisent des avions défectueux."
Sam Salehpour, ancien ingénieur chez Boeingdevant le Congrès des Etats-Unis, en avril 2024
Ce n'est plus seulement le 737 Max, le dernier modèle, qui est mis en cause, mais presque toute la gamme Boeing. Soit potentiellement 1 400 avions en service.
Extrait de "Boeing dans la tourmente", un reportage diffusé dans "Envoyé spécial" le 17 octobre 2024.
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