: Infographies Remaniement : Ecologie, Intérieur, Travail… Quels sont les ministères les plus instables depuis vingt ans ?
Alors que le remaniement gouvernemental a été annoncé lundi matin, franceinfo revient sur la fréquence de renouvellement des ministres. Et tous les portefeuilles ne sont pas logés à la même enseigne.
Un sixième ministre de l'Ecologie en six ans. A la suite des élections législatives qui ont vu les soutiens d'Emmanuel Macron échouer à obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, la Première ministre, Elisabeth Borne, présente une nouvelle équipe, lundi 4 juillet. Battue dans sa circonscription, la ministre de la Transition écologique, Amélie de Montchalin, a notamment quitté ses fonctions. Elle est remplacée par le maire (Horizons) d'Angers, Christophe Béchu.
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Le sixième ministre depuis l'arrivée à la présidence d'Emmanuel Macron est nommé à un des postes les plus instables du gouvernement, comme le montre l'analyse des remaniements de ces vingt dernières années.
Instabilité à l'Ecologie, à l'Intérieur et au Travail
Depuis 2002, 16 ministres se sont ainsi succédé à l'Ecologie, 14 à l'Intérieur et 13 au Travail. Sur la même période, ils ne sont que huit à avoir détenu le portefeuille des Finances, et dix à avoir œuvré à la Justice, à l'Education ou aux Affaires étrangères.
Champion de la stabilité, le ministère de la Défense a été dirigé, à 90% du temps sur ces vingt dernières années, par un ministre resté à son poste pendant plus de deux ans. Cela n'a été le cas que pendant un tiers du temps pour les ministères de l'Intérieur, de l'Ecologie ou du Travail.
Les raisons de ces changements de ministres varient et peuvent répondre à des logiques propres au titulaire du poste. Mais ces chiffres sont toutefois loin d'être dus au hasard, selon Daniel Boy, chercheur émérite à Sciences Po. "Etre ministre de l'Environnement est un poste difficile, dans un ministère qui a relativement peu de budget et de pouvoir", explique-t-il.
"Les ministres de l'Ecologie sont souvent ceux qui perdent les arbitrages interministériels."
Daniel Boy, politologueà franceinfo
Ils doivent aussi composer avec des pressions extérieures. En 2012, Nicole Bricq a occupé le poste pendant un mois et deux jours. "Elle avait annoncé la suspension des permis de forages exploratoires d'hydrocarbures en Guyane, et a fait les frais des pressions du lobby pétrolier", explique Daniel Boy. Peu avant, Delphine Batho avait attribué son limogeage à des "forces économiques" liées au gaz de schiste et au nucléaire. Quant à Nicolas Hulot, il avait en partie justifié sa tonitruante démission au poids très important du lobby de la chasse.
Pour Daniel Boy, ce renouvellement fréquent tient aussi aux personnes choisies pour le poste. "Il est difficile de trouver des profils qui ont à la fois des compétences dans l'environnement et un poids politique fort", avance-t-il. A l'exception de Jean-Louis Borloo et de Ségolène Royal, les ministres ont souvent manqué d'assise politique, selon le chercheur.
Conflictuel, le ministère du Travail l'est aussi. Seulement deux ministres sont restés à sa tête pendant plus de deux ans depuis 2002. Pour Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et au Cevipof de Sciences Po, ce chiffre tient notamment au caractère "technique" du secteur et aux "risques importants de conflits dans le cadre du dialogue social".
La situation est à peine meilleure au ministère de l'Intérieur, où seuls trois ministres ont exercé pendant plus de deux ans. "C'est un poste exposé et qui traite de sujets qui peuvent devenir de gros problèmes politiques si la situation dérape", explique ainsi Luc Rouban.
Palme de la stabilité pour la Défense
Le tableau est bien différent pour le ministère de la Défense. Quatre ministres y sont restés plus de trois ans depuis 2002. Ils ont été en poste 2 ans et 7 mois en moyenne, soit deux fois plus longtemps que les titulaires du portefeuille de l'Ecologie. Les ministres de la Justice, de l'Education ou des Affaires étrangères font également état d'une durée moyenne d'exercice de plus de deux ans.
Pour Luc Rouban, la stabilité des ministères de la Défense et de la Justice s'explique notamment par leur caractère régalien. Ceux-ci sont en situation de force et n'ont pas de concurrent direct sur leur domaine. Ces ministères, tout comme celui de l'Education ou des Affaires étrangères, sont aussi caractérisés par un certain "corporatisme", selon le chercheur. "La magistrature, par exemple, est une profession très organisée, mue par une forme d'autogestion. Cela permet une plus grande stabilité", développe-t-il. Dans le cas de la Défense ou des Affaires étrangères, notamment, il s'agit aussi de ministères qui ont une dimension gestionnaire plus qu'organisationnelle, de nombreuses décisions étant prises par l'Elysée.
Une stabilité bien illustrée par le dernier quinquennat : les portefeuilles des Affaires étrangères, de l'Education, de l'Economie, de la Défense n'ont ainsi connu qu'un seul ministre, quand la Transition écologique en connaissait quatre et la Culture et l'Intérieur trois.
"Il ne faut pas surestimer le rôle et le pouvoir des ministres"
Ce n'est pas sans conséquences sur les politiques publiques. Car faire une loi prend du temps. "Or, si un ministre reste six mois, il n'a pas le temps d'imprimer des lois importantes. Les politiques publiques environnementales sont donc affaiblies par le changement fréquent de ministres", souligne Daniel Boy.
Pour autant, un changement à la tête d'un ministère n'est pas non plus synonyme de déstabilisation générale. "Il ne faut pas surestimer le rôle et le pouvoir des ministres. On observe en fait une forme d'inertie de l'administration, même face à une volonté de changement politique", juge Luc Rouban. Si le cabinet du ministre change à chaque nomination, il peut parfois conserver certains éléments du cabinet précédent. Quant à l'administration centrale du ministère, celle-ci n'est pas touchée par les remaniements.
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