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On vous explique pourquoi le gouvernement se prépare à passer en force sur la loi de programmation des finances publiques

Les députés se penchent cette semaine sur ce texte qui avait été rejeté par l'Assemblée nationale en octobre 2022. Avec une possible nouvelle utilisation de l'article 49.3 dès ce début d'année parlementaire.
Article rédigé par Margaux Duguet, Thibaud Le Meneec - avec Alice Galopin
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Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 14 février 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

C'est le texte qui lance officiellement l'année parlementaire. Après la traditionnelle pause estivale, les députés vont examiner, à partir du lundi 25 septembre, la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Pour l'occasion, l'Assemblée nationale tiendra une session extraordinaire de quelques jours, avant la session ordinaire, d'octobre à juin. Franceinfo revient sur ce texte à l'issue incertaine pour le gouvernement en l'absence de majorité absolue pour le camp présidentiel.

Parce qu'il doit donner des gages à Bruxelles

Attention, texte très technique en vue. La loi de programmation des finances publiques 2023-2027 définit la trajectoire budgétaire du gouvernement pour les prochaines années. "C'est un peu une loi-cadre, résume le constitutionnaliste Benjamin Morel. Ces objectifs permettent d'orienter les grandes politiques de l'Etat et cela va servir d'orientation sur les prochains textes budgétaires." C'est en cela que cette loi diffère des budgets annuels, votés chaque automne au Parlement.

Le texte présenté par le gouvernement prévoit de ramener à l'horizon 2027 le déficit budgétaire sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB), comme le souhaite la Commission européenne. La loi de programmation des finances publiques "doit nous permettre de revenir à un niveau de dette publique de 108% en 2027, contre plus de 112% aujourd'hui", explique Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, dans Le Figaro.

Si elle définit des objectifs, "la LPFP n'est pas contraignante dans le sens où l'Etat pourra toujours y déroger, précise Benjamin Morel. Mais il faut la voter parce que c'est une exigence constitutionnelle et une exigence européenne."

"Si jamais la loi n'est pas votée, ça veut dire que la France ne prend pas d'engagement en la matière."

Benjamin Morel, constitutionnaliste

à franceinfo

Ce n'est pas la première fois que la loi de programmation des finances publiques est en discussion au Parlement. A l'automne 2022, le texte avait été rejeté en commission puis en séance, par 309 voix contre 243. Les groupes d'opposition avaient tous voté contre, hormis quelques abstentions. Ensuite, en décembre 2022, la commission mixte paritaire de sénateurs et de députés n'était pas parvenue à un compromis. L'exécutif espère cette fois-ci une issue favorable, afin de conserver son capital politique auprès de Bruxelles. Si la loi n'est pas votée, un cadre de la majorité avertit :

"On passerait pour des rigolos face à nos partenaires européens."

Un cadre de la majorité

à franceinfo

Ce n'est pas tout : ce même responsable macroniste alerte sur un manque à gagner de "19 milliards d'euros", à travers deux lots de subventions, "11 milliards cette année et 8 milliards l'année prochaine". Un chiffre que l'opposition remet toutefois en cause.

Parce que sa majorité est toujours aussi incertaine

Pour obtenir un vote favorable, la partie s'annonce très compliquée pour le gouvernement. Sans surprise, l'ensemble de la Nupes s'apprête à rejeter cette loi de programmation. "Nous allons rester cohérents avec nos votes précédents, annonce la députée Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Europe Ecologie-Les Verts. La trajectoire n'a pas changé, notre vote non plus." Le groupe de députés indépendants Liot compte lui aussi voter "largement contre", selon les informations de franceinfo.

Du côté des Républicains, cela semble également compromis. Pourtant, Bruno Le Maire a appelé dans Le Figaro à conclure "des accords avec toutes les forces politiques qui croient dans la nécessité de désendetter la France, en particulier LR". Réponse d'Olivier Marleix, le patron des députés LR, dans le même journal : "Il est hors de question de donner [à Emmanuel Macron] quelque quitus que ce soit." Contacté par franceinfo, le groupe LR fait savoir qu'il devrait voter contre le texte et qu'une réunion est prévue prochainement pour arrêter cette position.

C'est du côté du Rassemblement national que la balance pencherait plus favorablement. Selon plusieurs sources du camp présidentiel, le groupe présidé par Marine Le Pen pourrait s'abstenir sur le texte et faciliter ainsi l'obtention de la majorité pour les macronistes. "Bruno Le Maire se bat comme un taré pour ne pas mettre un 49.3", livre une cadre de Renaissance.

"Elisabeth Borne est très réticente à utiliser le 49.3, l'abstention du RN peut la faire vaciller dans la perspective de ne pas le dégainer."

Une cadre de Renaissance

à franceinfo

Cependant, "rien n'est décidé", confie un cadre du parti d'extrême droite. "On reste ouverts si la majorité arrive à nous prouver qu'il y a vraiment un blocage qui pénalise les finances publiques. S'ils en font une loi politique, ils auront un vote politique" et donc un vote contre, avertit le député Jean-Philippe Tanguy. Dans la majorité, certains restent d'ailleurs sur leur garde. "Le RN fait croire qu'il veut s'abstenir, c'est potentiellement du bluff", glisse un stratège macroniste.
 

Parce qu'il pourra utiliser un autre 49.3 après

Reste donc sur la table l'option – très solide – de l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution. "Sur le projet de LPFP, on part sur un 49.3 dès jeudi prochain, a priori", croit savoir un ministre. Et le même d'ajouter : "On sera encore en session extraordinaire. Ça évite de cramer une cartouche." D'autres plaident pour l'utilisation de cet article pour ne pas faire passer le texte grâce au camp de Marine Le Pen. "Il est hors de question que l'on se satisfasse de l'abstention du RN pour faire passer le texte", avance une députée Renaissance, qui dénonce la stratégie de normalisation du groupe d'extrême droite. "Ils veulent montrer qu'ils peuvent être conciliants."

Malgré son nom, la loi de programmation des finances publiques n'est pas considérée comme un texte budgétaire. Théoriquement, l'exécutif grillerait son joker en engageant la responsabilité du gouvernement. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, ce dernier n'a en effet le droit qu'à une seule utilisation de l'article 49.3 par session parlementaire, hors textes budgétaires où il n'y a pas de limite. C'est pourquoi le gouvernement a choisi d'examiner d'abord la loi en session extraordinaire. "Si vous avez une session extraordinaire, ça remet les compteurs à zéro", explique Benjamin Morel. 

Le texte repassera néanmoins en seconde lecture à l'Assemblée lors de la session ordinaire, qui débute le 2 octobre. Mais, là encore, pas de problème. "Le moment où le 49.3 est réputé activé, ce n'est pas le moment où le gouvernement le dégaine à l'Assemblée nationale, c'est le moment où il est délibéré en Conseil des ministres, poursuit le constitutionnaliste. Donc si vous le délibérez en amont, même si ensuite vous en utilisez deux de suite sur deux sessions ordinaires, ça marche puisqu'il aura été délibéré en amont en Conseil des ministres."

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