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Vous voulez plus de transparence en politique ? Suivez l'exemple de l'homme qui a eu la peau de la réserve parlementaire

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Hervé Lebreton, président de l'Association pour une démocratie directe, le 15 juillet 2013 à Lacépède (Lot-et-Garonne). (NICOLAS TUCAT / AFP)

Président de l'Association pour une démocratie directe, Hervé Lebreton, publie un livre-témoignage sur son action dans lequel il propose au lecteur de participer "à la plus grande ouverture des données publiques en France". Franceinfo l'a rencontré.

La réserve parlementaire, les retraites des élus, l'IRFM, les permanences parlementaires achetées avec l'argent du contribuable... Si vous avez entendu parler de ces sujets, c'est en grande partie grâce à lui. A la tête de l'Association pour une démocratie directe, depuis 2008, Hervé Lebreton a bataillé pour faire avancer –  avec succès – la transparence à l'Assemblée nationale. Un combat auquel rien ne prédestinait ce professeur de mathématiques de Lacépède (Lot-et-Garonne), comme il le raconte dans son livre, Je veux vivre en démocratie (Max Milo), en librairies jeudi 29 mars.

Sa "carrière" de lanceur d'alerte débute en 2008. En pleine réforme des retraites, la faible pension touchée par Santine, sa voisine agricultrice, le pousse à s'intéresser à celle, bien plus généreuse, perçue par les parlementaires. Le 20 octobre, il crée une association pour s'emparer du sujet. "C'est ainsi que toute l'histoire a commencé", se souvient-il dans son livre. Ses multiples courriers et pétitions ne feront pas bouger les députés, qui attendront 2010 pour réformer, a minima, leur régime spécial.

Coups d'éclats et plainte en justice 

Qu'importe, la machine est lancée. Armé de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qui établit que chaque citoyen a le droit de savoir comment l'argent public est dépensé, Hervé Lebreton trouve une nouvelle cible : la fameuse réserve parlementaire. Cette pratique opaque, encadrée par aucun texte de loi, permettait aux députés et sénateurs d'accorder des subventions aux communes et associations de leurs choix, jusqu'à sa suppression en 2017. A l'époque, ces sommes ne sont même pas publiées. Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, qu'il interpelle lors d'un colloque, lui lance même : "Jamais vous ne supprimerez la réserve parlementaire."

Une phrase que le militant associatif prend comme un défi et qui le pousse à multiplier les actions. Il se plante à l'entrée d'un meeting de Jérôme Cahuzac, député de sa circonscription, pendant les législatives de 2012 avec une pancarte réclamant la transparence sur sa réserve. Il alpague, l'année suivante, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, en visite à Villeneuve-sur-Lot.

C'est finalement la justice administrative, saisie par ses soins, qui lui permettra d'obtenir gain de cause en avril 2013 : l'Etat est condamné à lui transmettre la liste des subventions de la réserve parlementaire. "Les combats en justice peuvent sembler longs [un an et demi dans cette affaire], mais ils s'avèrent être au final les seuls moyens véritablement efficaces contre les mauvaises habitudes qui perdurent au détriment de la loi", relève Lebreton dans son livre.

Une longue nuit de travail

Le 25 juin 2013, le ministère de l'Intérieur lui envoie la liste des subventions de la réserve parlementaire par mail, un fichier de 1 038 pages. C'est la première fois que ces informations sortent des ordinateurs du ministère. Le professeur de mathématiques passe la nuit à triturer le fichier pour lui donner une forme exploitable. "J'ai passé une longue nuit à travailler mais j'y suis arrivé : le fichier est maintenant exploitable et je peux enfin en récolter les fruits", écrit Hervé Lebreton.

La boîte à secrets de la réserve parlementaire est ouverte et elle ne se refermera plus.

Hervé Lebreton

dans son livre "Je veux vivre en démocratie"

Le document – qu'il diffuse progressivement dans la presse (voir ici et ) – force l'Assemblée à évoluer. La réserve parlementaire est d'abord encadrée et publiée à partir de 2014, puis finalement supprimée en 2017. Le "petit prof qui fait peur aux députés", comme le surnomment certains médias, a gagné cette bataille. Sa méthode – obtention de documents officiels, saisie du tribunal administratif si nécessaire, transmission des informations aux journalistes – poussera deux ans plus tard l'Assemblée à changer les règles autour de l'achat des permanences parlementaires.

"La démocratie ne se résume pas au vote"

Aujourd'hui, ce père de famille aimerait que d'autres concitoyens prennent le relais et ne se disent plus "de toute façon, on ne peut rien y faire". C'est tout l'objectif de son livre. "Une démocratie, il faut se l'approprier. J'ai prouvé que c'était possible. Il y a plein de chemins pour s'engager, il n'y a pas besoin de connaître les institutions pour passer à l'acte", explique-t-il à franceinfo.

La démocratie ne se résume pas au vote. C'est extrêmement réducteur.

Hervé Lebreton

à franceinfo

A la fin de l'ouvrage, Hervé Lebreton propose une action concrète pour son lecteur qui ne saurait pas quoi faire pour s'engager : une lettre à découper, à signer et à adresser à Emmanuel Macron pour réclamer "un accès total et libéré" en open data à la liste des dépenses publiques. "Si on veut que les gens paient leurs impôts, il faut leur dire comment l'argent public est dépensé", assène-t-il. Dans son viseur, le fichier "@CTES", qui répertorie notamment les dépenses de toutes les collectivités locales. "Il est celui qui permettrait de connaître, de façon précise et exhaustive, l'usage et l'efficience de la dépense publique, sans avoir à recouper tous les budgets du mille-feuille administratif à la française", écrit-il.

Hervé Lebreton espère qu'un grand nombre de lecteurs participeront à ce qu'il qualifie de "plus grande ouverture des données publiques en France". "En le faisant, vous pourrez dire 'j'ai agi'", écrit-il en conclusion de son livre. "Avant, je vidais l'océan à la petite cuillère, retrace le prof de maths devant un chocolat chaud. Là, je montre l'océan et les cuillères. Maintenant, il faut y aller." Hervé Lebreton ne compte cependant pas lâcher son couvert : parallèlement aux moyens de pression citoyens, l'association prévoit d'engager des poursuites judiciaires pour mettre la main sur ce document.

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