Quand Laurent Fabius utilisait la réserve parlementaire pour subventionner le village de ses vacances
Francetv info a pu consulter un document qui révèle que l'ancien député de Seine-Maritime a alloué 50 000 euros de subventions à un village ariégeois en 2011.
Grand-Quevilly, Petit-Couronne, Saint-Pierre-lès-Elbeuf, Val-de-Reuil, Moulineaux et... Le Carla-Bayle. Dans la liste des subventions allouées en 2011 par le député Laurent Fabius au titre de la réserve parlementaire, que francetv info a pu consulter, une commune attire l'attention. Le petit village ariégeois de Carla-Bayle se trouve en effet à plus de 800 kilomètres de la circonscription du député de Seine-Maritime.
En 2011, selon ce document du ministère de l'Intérieur obtenu par Hervé Lebreton, un citoyen du Lot-et-Garonne, l'actuel ministre des Affaires étrangères a versé à ce village deux subventions, pour un total de 50 000 euros. Soit le quart de sa réserve parlementaire. Une enveloppe légale mais opaque, qu'il a distribuée aux collectivités locales cette année-là.
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La première, de 28 653 euros, a financé à hauteur de 49,99% "la réhabilitation des Flots Bleus", la salle des fêtes du complexe touristique qui se monte alors près du lac. La seconde, de 21 347 euros (37,37% du budget du chantier), a permis "la réfection des façades de la maison Couloumiès', sur la place de la mairie.
Pourquoi ce coup de pouce d'un élu normand à un village pyrénéen de 800 habitants ? En réalité, Laurent Fabius connaît bien l'endroit. Comme l'attestent des coupures de presse, il y possède depuis le début des années 2000 une résidence secondaire, évaluée lors de sa déclaration de patrimoine en 2013 à 680 000 euros.
Ancien ministre cherche village avec vue sur les Pyrénées
Jean-Luc Couret, le maire de la commune, se souvient de l'arrivée de l'ancien Premier ministre. "Il avait vendu sa maison secondaire dans le Gers. Il cherchait une résidence secondaire en Ariège, plutôt dans un village qu'à l'extérieur pour des raisons de sécurité, et avec une belle vue sur les Pyrénées, raconte-t-il à francetv info. Un samedi matin, il a débarqué à Carla, on a discuté et il a acheté" quelques jours plus tard.
Interrogé sur les subventions de 2011, ce soutien de Laurent Fabius pour la présidentielle de 2007 confirme et indique "qu'il y en a eu d'autres" les années précédentes, sans donner plus de détails. C'est lui qui est allé solliciter l'ex-Premier ministre. "Chaque parlementaire a son secteur, et comme je n'ai pas de parlementaire dans mon secteur direct, je n'y arrivais pas", justifie-t-il aujourd'hui. Et d'expliquer qu'"autant le financement des chemins, c'est simple, autant on a du mal à se faire financer quand on sort un peu des clous".
"Une commune rurale pauvre"
"Sortir des clous", ici, c'est développer "un village autour du tourisme et de l'art plastique". Il présente donc son dossier à celui qu'on aperçoit parfois dans la campagne environnante, "torse nu avec ses deux chèvres", selon le magazine allemand Der Spiegel (en allemand). Laurent Fabius accepte. "Il aime bien l'art et il connaît notre situation financière, justifie Jean-Luc Couret. Nous sommes une commune rurale que je qualifierais de pauvre". "Il a aidé ce qui n'était pas finançable par ailleurs", ajoute-t-il.
Contacté, le cabinet du ministre répond que ce dernier a simplement joué les bons samaritains. "A la demande du maire de cette commune pauvre, ces subventions ont aidé au financement d'équipements ou d'aménagements municipaux", explique-t-on, éludant au passage la question des autres subventions.
Tags et clous tordus
L'histoire ne dit pas si la générosité de Laurent Fabius a permis d'apaiser ses relations avec les habitants du village. Même si le maire assure qu'il s'est très bien intégré, Der Spiegel racontait en 2008 que le riche homme politique parisien avait été accueilli par des inscriptions murales peu sympathiques et des clous tordus.
Alors qu'il venait d'habitude pour "les vacances d’été, les fêtes de Noël, Pâques et les week-ends prolongés", Laurent Fabius ne se rend de toute façon "quasiment plus" dans la commune depuis qu'il a été nommé aux Affaires étrangères, en juin 2012. La faute à "son emploi du temps de ministre".
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