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Quatre signes qui montrent que François Bayrou est fragilisé au sein du gouvernement

Le ministre de la Justice et président du MoDem est sous le feu des critiques depuis qu'a éclaté l'affaire des assistants parlementaires du parti centriste au Parlement européen.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le ministre de la Justice, François Bayrou, le 1er juin 2017 à Paris, lors d'une conférence de presse sur le projet de loi de moralisation de la vie publique. (MAXPPP)

François Bayrou porte une double casquette de plus en plus inconfortable. Le ténor centriste, à la fois président du MoDem et ministre de la Justice, est critiqué pour son attitude face à l'affaire des assistants parlementaires du parti qu'il a fondé. Mercredi 14 juin, alors que les révélations s'accumulent, en pleine campagne législative, le garde des Sceaux semble plus que jamais sur la sellette.

Selon RTL, le remplacement de François Bayrou serait désormais envisagé par l'exécutif. "François Bayrou fait de la vieille politique et le président n'aime pas ça", déclare un proche d'Emmanuel Macron, cité par la radio. Interrogée par Reuters, la présidence s'est refusée à tout commentaire, précisant que "l'Elysée n'a pas à se mêler des échanges entre le chef du gouvernement et les ministres". Matignon n'était pas joignable dans l'immédiat.

"Le jour où le garde des Sceaux serait mis en examen, s'il devait être mis en examen, il démissionnera immédiatement, c'est la règle qu'a fixée Edouard Philippe et nous la tiendrons", a prévenu Christophe Castaner sur BFM TV. Voici les indices qui montrent à quel point la situation de François Bayrou est devenue délicate.

Il est entouré de soupçons

Le MoDem, le parti fondé par François Bayrou en 2007, est visé par une enquête préliminaire, ouverte par le parquet de Paris pour "abus de confiance" et "recel" de ce délit. Selon les informations révélées par franceinfo, une dizaine d'assistants parlementaires d'eurodéputés MoDem sont soupçonnés d'avoir en réalité travaillé pour le parti centriste, alors qu'ils étaient rémunérés par le Parlement européen entre 2009 et 2014. C'est un véritable "système" de fonctionnement du parti centriste et de financement de ses salariés qui est suspecté.

Des très proches de François Bayrou sont mis en cause : son bras droit depuis des années, l'actuelle ministre déléguée aux Affaires européenne et candidate aux législatives Marielle de Sarnez, la ministre des Armées, Sylvie Goulard, mais aussi Jean-Luc Bennahmias, ancien vice-président du MoDem, ou encore Nathalie Griesbeck, déjà engagée aux côtés de François Bayrou au sein de l'ex-UDF.

Dernière révélation en date : la propre secrétaire particulière de François Bayrou aurait bénéficié de ces procédés présumés. Le MoDem, François Bayrou et les différents protagonistes contestent ces accusations et assurent avoir respecté scrupuleusement les règles.

Il incarne une affaire embarrassante de plus pour l'exécutif

Le MoDem se voit suspecter des mêmes faits que le Front national, également soupçonné d'avoir mis sur pied un système de rémunération frauduleuse de ses salariés avec de l'argent du Parlement européen. C'est d'ailleurs par une dénonciation, en mars, de Sophie Montel, eurodéputée FN, que l'affaire a débuté.

Avec cette affaire MoDem, l'exécutif voit s'ouvrir un second front dans une période stratégique : la campagne des législatives. Or la jeune présidence Macron et le gouvernement Philippe débutant sont déjà embarrassés par l'affaire Richard Ferrand. L'actuel ministre de la Cohésion des territoires est au cœur d'une enquête préliminaire sur un montage immobilier remontant à l'époque où il dirigeait les Mutuelles de Bretagne. 

Le scandale vise cette fois un parti allié de La République en marche. Pis, elle éclabousse trois ministres importants du gouvernement d'Edouard Philippe. Et tout particulièrement François Bayrou, dont le soutien à Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle avait été mis en scène par le candidat dans une étape-clé de sa marche vers l'Elysée.

Il porte un projet de loi de moralisation tout en étant mis en cause

En apportant son soutien à Emmanuel Macron, François Bayrou avait posé ses conditions. Dans cette campagne présidentielle perturbée par l'affaire Fillon, le président du MoDem avait clamé son intention de voir la vie politique française moralisée. Une fois le candidat d'En marche ! élu, le centriste s'était vu confier le prestigieux ministère de la Justice. Et celui qui s'était posé en chantre de la moralisation s'était attelé à son projet.

Mais c'est désormais dans un climat troublé par les soupçons d'emplois fictifs pesant sur son propre parti que le garde des Sceaux doit présenter mercredi en Conseil des ministres trois projets de loi sur la moralisation de la vie publique

Or ces textes s'attaquent justement à des décennies de pratiques politiques qui ont nourri le sentiment du "tous pourris" et la montée du populisme dans l'opinion. Objectif : rétablir la confiance des citoyens dans leurs représentants et dirigeants. Ce qui devait être un débat consensuel risque dorénavant d'être terni par les premières ombres au tableau du nouveau quinquennat.

Il s'oppose frontalement au Premier ministre

L'affaire MoDem est en train de provoquer la première crise d'autorité au sein du gouvernement, moins d'un mois après sa formation. Face aux accusations, le ministre François Bayrou défend coûte que coûte sa "liberté de parole" de "citoyen", y compris sur une enquête en cours et alors qu'il est ministre de la Justice. Et ce, en dépit des rappels à l'ordre répétés de son Premier ministre, Edouard Philippe, et du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.

"Quand on est ministre on ne peut plus réagir comme quand on est un simple citoyen", a cinglé le Premier ministre, mardi, sur CNews. Mais François Bayrou ne l'entend pas de cette oreille et le fait savoir, quelques heures plus tard, en marge d'un déplacement dans le Pas-de-Calais. Le lendemain, il souligne dans Le Monde qu'il n'a pas l'intention de porter "un bâillon"

"Quand on devient ministre, notre parole nous oblige beaucoup plus que quand on est citoyen", a de nouveau insisté Christophe Castaner sur BFM TV. "Le Premier ministre lui a rappelé qu'aujourd'hui, il n'était plus un simple citoyen." Car François Bayrou a téléphoné au directeur de l'investigation de Radio France pour se plaindre des appels de ses journalistes à des collaboratrices du MoDem. Un coup de fil qui peut être interprêté comme un moyen de faire pression sur la presse. Une vingtaine de société des journalistes se sont alarmées mardi, sur Mediapart, de "signaux extrêmement préoccupants" envoyés par le gouvernement en matière d'"indépendance des médias" et de "protection des sources", visant notamment François Bayrou.

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