Front national : pourquoi la rentrée politique de Marine Le Pen est difficile
La présidente du FN organise la rentrée politique de sa formation politique quelques mois après sa défaite au second tour de l'élection. Mais elle va devoir se battre sur plusieurs fronts.
Rien ne va plus pour Marine Le Pen. Au moment de sa rentrée politique, la présidente du Front national accumule les difficultés. Absente des médias tout au long du mois d'août, elle avait même quitté l'Assemblée nationale un peu plus tôt que ses collègues, avant la fin des travaux parlementaires. Son entourage expliquait que la députée du Pas-de-Calais était épuisée par la longue année électorale écoulée et elle-même a justifié son absence par un mal de dos, lors de son retour dans les médias, vendredi 7 septembre sur TF1.
Au-delà de cette discrétion, la responsable frontiste accumule les difficultés depuis plusieurs semaines, entre dissensions internes et problèmes de leadership. Retour sur les problèmes auxquels va devoir faire face Marine Le Pen, alors que celle-ci organise sa rentrée politique devant ses partisans samedi à Brachay (Haute-Marne).
Un problème de leadership
Depuis son arrivée à la tête du FN en 2011, l'autorité de Marine Le Pen a rarement été contestée. Mais depuis sa défaite à la présidentielle et sa prestation ratée lors du débat de l'entre-deux-tours face à Emmanuel Macron, le leadership de la cheffe est écornée. Le maire de Béziers, Robert Ménard, n'a pas hésité à la remettre en cause publiquement dans une lettre ouverte publiée à la fin de l'été par Le Figaro : "Après le débat calamiteux, (...) on est en droit de s'interroger : si Marine Le Pen a su sortir le FN de l'attitude uniquement protestataire où le cantonnait son père, est-elle aujourd'hui en position de le porter au pouvoir ?"
Certains sont 'En Marche', nous, on est en panne.
Un haut responsable frontisteà l'AFP
"La question est de savoir si ce débat est indélébile ou si Marine Le Pen peut rebondir", confie aussi à l'AFP un de ses lieutenants. Jean-Marie Le Pen en a remis une couche mercredi dans Le Parisien, en conseillant à sa fille d'avouer avoir "eu tort" pour changer son "fusil d’épaule pour l'avenir". Pire que l'avis de son père, un sondage Odoxa pour franceinfo révèle qu'elle apparaît comme un handicap pour son parti pour 52% des personnes interrogées. A l'inverse, sa nièce Marion Maréchal-Le Pen est jugée comme un atout pour le FN par 58% des Français, mais cette dernière a décidé de prendre de la distance avec la vie politique.
Pour tenter de retrouver sa légitimité, la députée du Pas-de-Calais a ouvert fin juillet le chantier de "refondation" avec un séminaire qui a modulé, via une synthèse, le programme du FN : la sortie de l'euro, sujet de divisions, est désormais renvoyée à la fin d'un éventuel quinquennat.
Des dissensions internes
Le sujet de la sortie de l'euro crispe les différents courants frontistes. Rien ne va plus entre Florian Philippot et certains cadres du FN. "Il faut que [Marine Le Pen] vire un certain nombre de types autour d'elle : (...) Philippot, la famille Philippot, un certain nombre de ses conseillers qui sont des gens néfastes", a ainsi affirmé Robert Ménard vendredi sur RMC. La hache de guerre est loin d'être enterrée entre les partisans d'une ligne plus économique axée sur la sortie de l'euro autour de Philippot et ceux qui souhaitent en revenir à une ligne plus traditionnelle autour des thèmes identitaires et de l'immigration.
Symptomatique de ces divisions, l'éviction de Sophie Montel de la présidence du groupe FN en région Bourgogne-Franche-Comté. Cette proche de Florian Philippot s'est vue reprocher par des élus frontistes certaines de ses positions considérées comme trop douces, sur l'IVG notamment. Marine Le Pen a prévenu elle-même l'intéressée avec des mots fleuris, selon L'Opinion (article payant) : "Tu fermes ta gueule, tu rases les murs, tu rentres dans le rang." Une décision qui provoque des remous, à l'image de ce message tweeté puis effacé par le néo-militant Franck de Lapersonne : "La reine est devenue folle."
Florian Philippot et Marine Le Pen, qui ont longtemps formé un couple politique fusionnel, s'éloignent de plus en plus. Le lancement en mai par le vice-président du parti d'une association, Les Patriotes, a été vu comme une tentative d'autonomisation. Lors d'une réunion interne, lundi, Marine Le Pen s'est interrogée devant Florian Philippot sur la compatibilité entre la présidence des Patriotes et une vice-présidence au Front national. "Confiance rompue", selon certains. "Rafraîchissement passager", pour d'autres. Dans tous les cas, le FN n'attaque pas ce nouveau quinquennat en ordre de marche.
Une place à trouver dans le débat politique
Le Front national a beau se vanter d'avoir fait rentrer huit députés à l'Assemblée lors des élections législatives, soit quatre fois plus que lors de la précédente législature, il se retrouve isolé dans l'hémicycle. Les députés frontistes ne sont pas assez nombreux pour former un groupe (contrairement aux députés de La France insoumise), et ne parviennent toujours pas à nouer des alliances à la droite de la droite. Après avoir accepté un ticket pour le second tour de la présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan a par exemple pris ses distances avec le FN.
En sa qualité de finaliste à l'élection présidentielle, Marine Le Pen cherche quand même à se présenter comme la première opposante à Emmanuel Macron. Mais la présidente du FN ne parvient pas à trouver sa place malgré son entrée au Palais-Bourbon. Jean-Luc Mélenchon a capté l'attention médiatique ces dernières semaines. Sur TF1, Marine Le Pen n'a d'ailleurs pas manqué d'égratigner le leader de La France insoumise, en le qualifiant qualifié d'"opposant officiel et idiot utile de la première partie du quinquennat".
Traditionnellement, le FN est fort en période électorale, mais peine à peser dans le débat public le reste du temps. Or, aucune élection au suffrage direct n'est prévue avant les élections européennes de 2019. Marine Le Pen a donc un défi de taille devant elle : réussir à donner une place à son parti en dehors des campagnes électorales.
Des problèmes judiciaires
Marine Le Pen n'est pas débarrassée de ses ennuis judiciaires non plus. Dans l’affaire des assistants parlementaires de députés européens FN, la présidente du Front national a été mise en examen fin juin pour abus de confiance et complicité d'abus de confiance, en sa qualité de députée européenne entre 2009 et 2016.
Cette affaire ne cesse d'empoisonner le parti frontiste. Ludovic de Danne, conseiller international de Marine Le Pen et secrétaire général du groupe à Strasbourg, a été ainsi poussé à la démission mercredi, a révélé Mediapart. Selon le site, il joue le rôle de fusible des mises en cause du parti d'extrême droite au Parlement européen. "Ça tangue un peu avec des eurodéputés des autres pays" qui s'inquiètent des affaires judiciaires, a confirmé à l'AFP un assistant parlementaire frontiste.
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