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Congrès LR : comment Xavier Bertrand a manqué son rendez-vous avec l'élection présidentielle

En arrivant quatrième derrière Michel Barnier, mais surtout Valérie Pécresse et Eric Ciotti, qualifiés pour le second tour du congrès des Républicains, le président des Hauts-de-France a dit adieu à ses ambitions nationales. On vous explique comment l'ex-favori des sondages à droite a raté le coche.

Article rédigé par Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Xavier Bertrand participe à une réunion publique avant le congrès LR, le 29 novembre 2021, à Rillieux-la-Pape, près de Lyon.  (NORBERT GRISAY / HANS LUCAS / AFP)

Xavier Bertrand pensait être "le candidat le mieux placé pour battre Emmanuel Macron" au second tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2022. Son rêve de devenir le nouveau locataire de l'Elysée s'est arrêté net, jeudi 2 décembre à 14h30, à l'annonce des résultats du premier tour du congrès des Républicains. Arrivé en quatrième position (22,36%) derrière Michel Barnier (23,93%), Valérie Pécresse (25%) et Eric Ciotti (25,59%), l'ancien ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy a perdu gros. Tellement gros que celui qui se préparerait "depuis plus de dix ans à ce rendez-vous avec les Français" est passé en quelques semaines du statut de troisième ou quatrième homme du scrutin présidentiel à celui de candidat incapable de convaincre suffisamment de militants de son propre parti. Comment expliquer ce crash que personne n'avait vu venir ?

L'erreur de la candidature solitaire

La stratégie assumée par Xavier Bertrand de mener une candidature solitaire en dehors de sa famille politique, et donc d'enjamber le principe d'une primaire, n'a pas fonctionné. Le président de la région Hauts-de-France, qui était parti en campagne très tôt, dès le mois de mars, avait fait le pari de s'imposer comme le candidat naturel à droite. "La primaire n'est pas mon affaire parce que je veux un contact direct avec les Français", martelait-il encore à la fin de l'été sur Europe 1. Mais il n'est jamais parvenu à tuer le match, à rassembler derrière lui les principaux cadres LR comme Laurent Wauquiez ou Valérie Pécresse et, surtout, à convaincre les instances du parti de soutenir sa candidature.

En organisant finalement un congrès interne, la direction des Républicains a mis un coup d'arrêt à la dynamique Bertrand. Elle a en effet contraint l'ancien ministre, crédité de 18% d'intentions de vote il y a cinq mois, à une primaire fermée pour éviter que la droite ne se retrouve avec deux candidatures à l'élection présidentielle. "Valérie Pécresse avait tout de suite dit qu'il fallait passer par une primaire. L'erreur de Xavier Bertrand, c'est de ne pas l'avoir dit et d'avoir cru jusqu'au bout qu'il pourrait rassembler, seul, derrière lui", analyse Bruno Cautrès, politologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

Le piège du congrès et du retour au sein du parti

Mais ce que les militants LR ont encore moins digéré, c'est le retour forcé de Xavier Bertrand au bercail. Alors qu'il avait "définitivement" quitté, en décembre 2017, une famille politique dans laquelle "il ne se reconnaissait plus", le candidat a finalement décidé de reprendre sa carte au parti il y a quelques semaines pour participer au congrès. Ce qui ne semble pas avoir séduit.

Si l'on se base sur les résultats du premier tour, le militant LR semble en effet rancunier, préférant avant tout récompenser la fidélité de ses représentants. "C'est vrai qu'il y a des gens qui n'ont jamais pardonné à Xavier son départ du parti", reconnaît Cyril Pellevat, sénateur LR de Haute-Savoie et soutien de Xavier Bertrand. "Son faux départ du parti l'a aussi empêché d'avoir des soutiens de poids au sein du bureau politique des LR. Des parlementaires l'ont soutenu, mais du côté de la direction du parti, il était totalement isolé", rappelle un proche d'Eric Ciotti, le grand gagnant de ce premier tour.

Un positionnement politique flou

Son positionnement politique affiché en début de campagne a aussi fini par faire défaut au président des Hauts-de-France. En voulant s'opposer à la ligne dure du parti, représentée par Laurent Wauquiez lors de son élection à la tête de LR il y a quatre ans, l'ancien assureur de 56 ans avait stratégiquement décidé d'incarner une candidature proche de la droite sociale et modérée. Mais progressivement, ce sont bien les thèmes conservateurs comme "la restauration de l'autorité" ou encore "la valeur travail" qu'il été obligé de marteler malgré lui.

"Xavier Bertrand voulait plutôt jouer une partition proche du gaullisme social, mais les adhérents ne sont pas les sympathisants. Ils recherchent avant tout un candidat capable d'incarner une posture droitière sur des sujets comme l'économie ou les évolutions de la société, mais aussi quelqu'un qui a une stature d'homme ou de femme d'Etat", explique le chercheur Bruno Cautrès.

Une "radicalisation" forcée de ses idées que les militants LR n'ont, là encore, pas vraiment comprise. "A chaque fois qu'on organise des primaires, ce sont les extrêmes et les moins politiquement corrects comme Eric Ciotti qui l'emportent. C'est bien pour cela qu'on était contre des primaires avec Xavier", regrette Cyril Pellevat.

La bonne campagne de Valérie Pécresse

Autre raison de la descente aux enfers du candidat Bertrand dans cette aventure pré-présidentielle : "La montée en puissance progressive de Valérie Pécresse, soutenue par tout le camp sarkozyste", dixit plusieurs soutiens du président des Hauts-de-France contactés par franceinfo. 

Selon certains d'entre eux, Valérie Pécresse se serait en effet mieux entourée et aurait surtout mieux structuré ses équipes. L'objectif ? Engranger un maximum de nouvelles adhésions en sa faveur, notamment en Ile-de-France, son fief. "Le fait que le plus gros des 70 000 nouvelles adhésions chez LR ait eu lieu en région parisienne, donc chez Valérie Pécresse, peut aussi expliquer son avance sur Xavier", confirme le sénateur Cyril Pellevat, qui n'a "pas hésité un instant" à se rallier à cette dernière pour le second tour face à Eric Ciotti. 

Bruno Cautrès partage ce constat, soulignant "une bonne campagne sur la fin" menée par l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur. Pour le politologue, Valérie Pécresse aurait aussi mieux utilisé son statut de présidente de la plus puissante région de France. "Elle a su mettre en avant ses fonctions de grande élue en insistant notamment sur les coupes qu'elle a réalisées dans les finances du conseil régional. Et puis, c'est vrai que, globalement, même s'il a été très bon lors de réunions avec les militants, Xavier Bertrand n'a pas vraiment réussi à s'imposer lors des quatre débats", assure le chercheur. 

Avec cette lourde défaite dès le premier tour d'une primaire dont il ne voulait pas, Xavier Bertrand met sans doute un coup d'arrêt définitif à ses velléités présidentielles. "Oui, c'est la fin de mes ambitions nationales, mais je me battrai toujours pour mes idées et ma région", a-t-il déclaré en annonçant dans la foulée son ralliement pour le second tour à Valérie Pécresse.

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