Bruno Le Maire, un renouveau en demi-teinte
L’ancien ministre se veut le candidat du changement dans la campagne pour la primaire de la droite. Son slogan, “Le renouveau, c’est Bruno”, donne le ton. Mais sur le fond comme la forme, l’incarne-t-il vraiment ? Eléments de réponse.
Vesoul, 23 février 2016. Face à 800 personnes, Bruno Le Maire cesse de laisser planer le doute. “Oui, je suis candidat pour devenir le prochain président de la République française” clame-t-il, confirmant ainsi sa participation à la primaire de la droite. Sans cravate, l’ancien ministre se présente comme une alternative — celle du changement. “Vous en avez assez de cette classe politique qui ne s’est pas renouvelée depuis trente ans ?” lance-t-il aux militants. Le message est clair. Lors du lancement de sa campagne à Sète, sept mois plus tard, Bruno Le Maire insiste : “L’ancien régime ou le renouveau ? Ce sera le vrai débat de la primaire.”
Casser l’image du technocrate
C’est la première carte qu’il compte jouer. Pour se démarquer d’Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, Bruno Le Maire cultive depuis des mois l’image du politique jeune, différent, capable de porter ce “renouveau”. L’ancien ministre, député de l’Eure, joue sur son âge — à 47 ans, il est le deuxième candidat le plus jeune de la primaire après Nathalie Kosciusko-Morizet. Et multiplie les tacles contre ses rivaux plus âgés. “Pour devenir Premier ministre, il faudrait avoir 80 ans. Et pour devenir président de la République… Il faudrait être mort !” plaisante-t-il lors d’une réunion publique.
Bruno Le Maire travaille son image. Il arrive sans cravate au premier débat de la primaire à droite et cultive un côté décontracté dans sa campagne. Il veut se montrer proche des Français, lui qui est né à Neuilly-sur-Seine et a grandi dans un milieu bourgeois. L’ancien ministre suit les conseils de son ancien mentor, Dominique de Villepin. En 2011, ce dernier lui soufflait : “Débarrassez-vous de votre côté bon élève. Moi, à votre place, je mettrais des bottes, une vieille parka et je ferais le tour de la France.” Depuis, Bruno Le Maire sillonne le pays. Il a réalisé plus de 300 déplacements dans l’Hexagone en trois ans.
Pur produit de l'élite française
Malgré ces efforts, l’ancien ministre garde encore une image de technocrate, de pur produit de l’élite française. Agrégé de lettres, normalien, diplômé de Sciences-Po Paris et de l’ENA, Bruno Le Maire a suivi le parcours parfait des politiques français. Il compte aussi près de vingt ans de carrière politique derrière lui, du Quai d’Orsay au ministère de l’Agriculture. Le candidat promet désormais de “torpiller le régime”, de “torpiller les technocrates” car il “en est un”. Son expérience, dit-il, lui fait comprendre que la politique n’est plus en phase avec la réalité. Mais peut-il vraiment représenter la nouveauté, lui qui connaît de si près les rouages du système ?
Bousculer la pratique politique
Pour cela, Bruno Le Maire tient des propositions plutôt fortes sur les institutions. La première ? Supprimer l’ENA, l’Ecole nationale d’administration qui a formé tant de dirigeants français. Une idée pour le moins surprenante de la part du candidat, ancien diplômé de l’école. Convaincu que le système politique “est à bout”, l’ancien ministre propose une série de mesures pour insuffler un renouveau démocratique. Il s’oppose au cumul des mandats, souhaite que les élus démissionnent de la haute fonction publique et compte sensiblement réduire le nombre de parlementaires. S’il est élu, la France compterait 400 députés contre 577 aujourd’hui, et 210 sénateurs au lieu de 348.
Dans la pratique, Bruno Le Maire a voulu montrer l’exemple en 2012, lorsqu’il a démissionné de son corps d’origine dans la fonction publique, celui des conseillers des Affaires étrangères. Il a également déposé un projet de loi obligeant les députés et sénateurs à démissionner de la fonction publique une fois élus. Mais en 2013, l’ancien ministre a refusé de voter la loi sur le non-cumul des mandats portée par le gouvernement socialiste. Il ne souhaitait pas, dit-il, aller à l’encontre de son parti. Désormais en campagne, Bruno Le Maire fait pourtant de cette idée l’un des piliers de son projet.
Promesses d'autorité
Concernant la méthode pour gouverner, le candidat innove quelque peu. S’il est élu, il propose de “rendre des comptes régulièrement sur la mise en œuvre du contrat présidentiel”. Tous les six mois, ses ministres devront donc faire état de l’avancée des mesures promises pendant sa campagne. Mais le programme de l’ancien ministre montre aussi une forme d’autorité, pas forcément dans le sens du renouveau. Bruno Le Maire a déjà annoncé qu’il ne négocierait pas avec les syndicats, et entend adopter huit ordonnances dès l’été 2017. S’il est élu, il se passera du Parlement pour renforcer le dispositif antiterroriste ou encore limiter les flux migratoires.
Des propositions vraiment nouvelles ?
Face à six autres candidats à droite, le député de l’Eure tente de se démarquer sur plusieurs sujets. Il a notamment affirmé qu’il ne reviendrait pas sur la loi Taubira, qui autorise depuis 2013 les personnes de même sexe à se marier. A droite, la question fait débat. Bruno Le Maire se différencie aussi sur plusieurs propositions “choc”. Parmi elles, la privatisation de Pôle emploi, la suppression d’un million d’emplois publics en dix ans ou les renouvellements multiples de CDD. Il prône également l’expulsion immédiate de l’ensemble des ressortissants étrangers visés par une fiche S — une décision pourtant impossible à appliquer.
Des idées vraiment différentes ? A droite, Bruno Le Maire rejoint tout de même ses rivaux sur bon nombre de sujets. Réduction des dépenses publiques, durcissement des conditions du regroupement familial, suppression de l’ISF ou report de l’âge légal de départ à la retraite : l’ancien ministre peine encore à incarner la nouveauté.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.