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Les cinq chantiers de Jean-Christophe Cambadélis à la tête du PS

Le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste, qui succède à Harlem Désir, hérite d'un parti divisé et affaibli après sa défaite aux municipales. Comment rebondir, à seulement six semaines des élections européennes ?

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Jean-Christophe Cambadélis, député PS de Paris, lors d'une conférence de presse sur les élections européennes, le 3 mars 2014. (  MAXPPP.)

Un nouveau patron, et déjà de nombreux chantiers à engager. Jean-Christophe Cambadélis, élu par le conseil national du Parti socialiste, mardi 15 avril, aura fort à faire comme premier secrétaire. Arrivé à ce poste à 62 ans, après trois candidatures ratées, il hérite d'un parti "en déconfiture", selon l'expression d'un député socialiste : débâcle aux municipales, élections européennes à haut risque, majorité divisée, chef de l'Etat au plus bas dans les sondages... Voici les cinq grandes tâches qui l'attendent pour tenter de réformer le PS et lui donner un nouveau souffle.

Remettre le parti au travail

Les élus socialistes ne se montrent pas tendres envers leur formation politique. "Nous devons commencer par redonner une utilité au Parti socialiste, estime Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère proche de Manuel Valls, contacté par francetv info. Aujourd'hui, on se demande à quoi il sert, alors qu'il devrait constituer la colonne vertébrale de la majorité." 

Pour Olivier Dussopt, député PS de l'Ardèche, cette relative transparence s'explique par un manque de dynamisme au sein du parti. "Ces deux dernières années, le parti n'a pas assez travaillé, regrette-t-il, contacté par francetv info. Pourquoi, par exemple, le laboratoire des idées mis en place par Martine Aubry n'a-t-il pas perduré ? On revit les problèmes de 2003-2004, quand le parti avait disparu des écrans radar après la défaite à l'élection présidentielle. Seul un débat global sur le fond et une plus grande consultation des militants nous redonneront une impulsion."

Conscient de ces lacunes – "nos arguments ne portent pas", a-t-il déploré mardi soir –, Jean-Christophe Cambadélis a promis d'organiser rapidement des "états généraux" au sein du PS. Objectif : "Reformuler concrètement notre socialisme", a martelé mardi le nouveau patron.

Faire le ménage dans les rangs

Luc Carvounas, sénateur PS du Val-de-Marne, le dit sur France Bleu : "Le vrai danger, c'est que le désordre gagne tous les étages, que nos fédérations, qui ont perdu bon nombre de villes, d'élus et de collaborateurs [aux municipales], ne soient pas en ordre de marche pour préparer la présidentielle." Une façon de remettre de l'ordre serait, comme pour le récent remaniement ministériel, de "resserrer" l'équipe dirigeante. Mardi, Jean-Christophe Cambadélis a promis de faire passer le nombre de secrétaires nationaux de 90 à 30. 

Certains députés espèrent tourner définitivement la page du congrès de Reims, en 2008, à la suite duquel Martine Aubry avait été élue première secrétaire. "Ce Congrès a été dramatique d'un point de vue de son organisation, avec une accumulation de motions, vilipende Pascal Terrasse, autre député PS de l'Ardèche, contacté par francetv info. Quand vous avez autant de courants de pensée que de responsables politiques, ça pose problème." Selon lui, les différents courants du PS sont superflus. "Deux écuries, ce serait bien : l'une plutôt d'inspiration jacobine, centralisatrice et interventionniste, et l'autre plutôt girondine, décentralisatrice et sociale-démocrate. Ça nous suffirait." 

Retrouver "un grand récit" pour la gauche

C'est le vœu de Jean-Christophe Cambadélis que de "retrouver du corpus idéologique" et "un grand récit" pour la gauche, comme il le défendait dans un livre, cité par le JDD. Dans son discours d'intronisation, mardi, il s'est dit ouvert à "un débat sur la ligne" idéologique du PS, "mais à un débat maîtrisé". "Les militants seront consultés", a-t-il ajouté. Avant de lancer un mot d'ordre : "Refaire parti, par et pour les militants". "Ni coup de barre à gauche, ni coup de barre à droite : penser militants, militants, militants", avait-il précisé mardi matin dans Libération

Membre du Bureau national du PS depuis 1994, Jean-Christophe Cambadélis a été le théoricien de la "gauche plurielle" sous le gouvernement Jospin. Il maîtrise l'art des équilibres d'appareil... Au risque d'opter pour une synthèse molle ? "Il a un esprit de synthèse, mais brillant, assure Olivier Dussopt. Il est en capacité de mettre les gens en ordre de marche autour d'idées. C'est un très bon animateur, un très bon organisateur et un débatteur redoutable."

Réconcilier le parti et l'exécutif

Quatrième chantier, et pas des moindres : redonner de la cohésion dans la majorité et apaiser ses relations avec l'exécutif. Membre du Bureau national du PS depuis 1994, le nouveau premier secrétaire n'a pas été soutenu par François Hollande et Manuel Valls en 2012 contre Harlem Désir.

"Jean-Christophe Cambadélis est strauss-kahnien, donc c'est un social-démocrate décomplexé", comme François Hollande, analyse Pascal Terrasse. "Je ne pense pas que d'un point de vue de l'orientation, il y ait de souci. Et sur la forme, c'est un homme qui a une réelle autorité. J'espère qu'il saura mettre un terme à la défiance qui s'est installée entre le parti, l'Elysée et Matignon."

La tâche du député de Paris sera de rassurer l'aile gauche du PS, divisée en plusieurs courants, tout en défendant les réformes de l'exécutif. "Par essence, le premier secrétaire est quelqu'un de loyal, garantit Jean-Jacques Urvoas. Je suis convaincu que Jean-Christophe Cambadélis va réussir dans cette mission." Olivier Dussopt glisse, de son côté : "Il faudra que le PS soit dans un soutien constructif, mais aussi vigilant sur certains dossiers", notamment le pacte de responsabilité

Eviter un désastre aux européennes

Le premier test électoral pour le nouveau patron du PS aura lieu six semaines après son élection. Un délai très court, qui laisse présager le pire pour les socialistes. Comment éviter un cataclysme ? "Si je vous dis qu'il n'y a pas de solution, vous me croyez ?", ironise Olivier Dussopt. Puis, plus sérieusement : "La vraie bataille sur l'Europe, c'est la réorientation politique, reprend-il, avec en ligne de mire l'austérité imposée par Bruxelles. Les gens savent que c'est la politique de rigueur qui est la première marche vers la réduction des services publics et des niveaux de vie moyens. Notre campagne devra prendre en compte tout cela."

A 100 jours des élections européennes, les listes UMP arrivaient en tête des intentions de vote avec 22%, devant le FN (20%), selon un sondage. Les candidats du PS n'étaient crédités que de 16% d'intentions de vote. Le défi est de taille, mais pas insurmontable, selon Jean-Jacques Urvoas : "On ne perd que des combats qu'on ne mène pas", dit-il tranquillement. Réponse dans les urnes le 25 mai.

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