Ce que l'on sait de l'enquête qui vise la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, soupçonnée d'avoir reçu des cadeaux non déclarés

Selon Mediapart, Agnès Firmin Le Bodo a reçu en tant que pharmacienne l'équivalent de 20 000 euros de cadeaux de la part des laboratoires Urgo, entre 2015 et 2020.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
La ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, à l'Assemblée nationale, le 18 octobre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Tout juste promue ministre de la Santé par intérim, Agnès Firmin Le Bodo est rattrapée par une affaire judiciaire. Dans une enquête publiée jeudi 21 décembre, le site d'information Mediapart affirme que la successeure d'Aurélien Rousseau a perçu des cadeaux non déclarés d'une valeur de 20 000 euros de la part des laboratoires Urgo lorsqu'elle exerçait son métier de pharmacienne. La ministre a confirmé vendredi être visée par une enquête judiciaire. Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire.

Du champagne et des montres parmi les cadeaux reçus

Selon Mediapart, Agnès Firmin Le Bodo "est soupçonnée de s'être fait livrer à 21 reprises, de 2015 à 2020, des produits de luxe" pour "un montant total évalué à 20 000 euros, de la part des laboratoires Urgo". Pharmacienne de profession, elle dirigeait alors une officine au Havre (Seine-Maritime). Le site d'information évoque des livraisons de magnums de champagne, des bouteilles de vin, des smartphones, une télévision, des montres ou encore des coffrets pour des week-ends. Une partie de ces cadeaux ont été perçus après l'élection en tant que députée d'Agnès Firmin Le Bodo en 2017, selon le site.

En janvier, les laboratoires Urgo ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Dijon à une amende de 1,12 million d'euros, dont 625 000 avec sursis, pour avoir offert des cadeaux à des pharmaciens, en contrepartie de l'abandon de remises commerciales. Le parquet de Dijon explique que ce système a "permis aux laboratoires de fidéliser une clientèle avec des marges commerciales plus conséquentes et aux professionnels de santé d'obtenir des avantages personnels"

A la suite de cette condamnation, la répression des fraudes a mené des investigations auprès des pharmacies impliquées. En Normandie, elle est saisie d'une quarantaine de dossiers, selon les informations de Mediapart. "Les cas les plus légers (moins de 1 000 euros de gratification) sont classés. Tandis que les autres dossiers donnent lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire, en juin 2023", explique le journal. 

Une enquête ouverte par le parquet du Havre

Selon Mediapart, c'est dans ce cadre que la ministre "est visée par une enquête judiciaire ouverte en juin 2023 pour avoir reçu des cadeaux, sans les déclarer". Le procureur de la République du Havre, Bruno Dieudonné, a confirmé jeudi à l'AFP qu'une enquête avait été ouverte "du chef de 'perception non autorisée par un professionnel de santé d'avantages procurés par une personne produisant ou commercialisant des produits sanitaires', dans le prolongement de l'affaire qui a abouti à la condamnation des laboratoires Urgo en janvier 2023 par le tribunal correctionnel de Dijon".

En raison du "secret de l'enquête", le procureur n'a pas communiqué l'identité des pharmaciens visés. Le magistrat assure toutefois auprès de Mediapart que "sur la quarantaine de pharmaciens concernés [en Normandie], 19 ont perçu des avantages compris entre 1 000 et 10 000 euros, trois entre 10 000 et 20 000 euros et trois entre 20 000 et 32 000 euros". 

Les avantages aux professionnels de santé sont strictement encadrés

La loi dite "anti-cadeaux" de 1993, renforcée par l'ordonnance du 19 janvier 2017, interdit aux professionnels de santé de percevoir des avantages de la part des industries de santé. Ainsi, les pharmaciens ne peuvent pas "recevoir des avantages en nature, ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations de santé, produisant ou commercialisant des produits de santé (à l'exception des produits cosmétiques et de tatouage) ou assurant des prestations de santé", affirme l'Ordre national des pharmaciens sur son site

Des dérogations existent dans certaines situations précises, comme la rémunération ou le défraiement pour des activités de recherche, ou encore la prise en charge des frais de déplacement pour assister à un congrès médical par exemple, précise l'ordre. Ces avantages, accordés à titre dérogatoire, doivent être inscrits dans des déclarations consultables sur la plateforme Transparence-Santé. Sur cette base, "il n'y a aucune mention de liens d'intérêt avec les laboratoires Urgo" et Agnès Firmin Le Bodo, avance Mediapart.

La ministre répondra aux "autorités compétentes"

"Dans le cadre de ma fonction de pharmacienne, effectivement une enquête est en cours", a confirmé Agnès Firmin Le Bodo, vendredi au micro de France Bleu Normandie. La ministre n'a pas donné davantage de détails, expliquant qu'elle répondra aux "autorités compétentes dans les jours suivants". Sollicitée par Mediapart, sa conseillère presse précise qu'une audition doit se dérouler "en janvier".

Au sein du gouvernement, le ministre des Comptes publics a estimé vendredi que "l'exemplarité est indispensable et non négociable en politique". Interrogé sur ce sujet par franceinfo, Thomas Cazenave rappelle qu'"une enquête est en cours". "Sur ce sujet-là, comme sur tous les autres sujets, il faut laisser la justice faire son travail et dire sa vérité", ajoute-t-il. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.