Affaire Abad, "prises de guerre", ministres battues aux élections… Le casse-tête d'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne face au remaniement
Le nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne est attendu sous peu mais les incertitudes planent sur le calendrier et l'ampleur du remaniement.
"J'entends des bruits mais comme à chaque fois, rien de solide", pianote sur Telegram – la messagerie fétiche de LREM – un cadre du mouvement. La macronie vit de nouveau au rythme des rumeurs, alors qu'un remaniement est attendu. De retour d'une séquence internationale qui l'a conduit aux sommets du G7 en Allemagne et de l'Otan en Espagne, Emmanuel Macron s'est entretenu, vendredi 1er juillet, avec sa Première ministre.
Elisabeth Borne doit lui présenter les conclusions des consultations qu'elle a menées cette semaine avec les partis politiques, a rapporté sur LCI la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire. "Il me semble à peu près normal que la Première ministre réserve au président de la République ses conclusions à la suite de ces échanges", a-t-elle affirmé.
Le calendrier fait l'objet de spéculations. Interrogée sur un éventuel remaniement avant la déclaration de politique générale d'Elisabeth Borne, mercredi 6 juillet, devant le Parlement, Olivia Grégoire a répondu : "Normalement cela devrait se passer comme ça, oui." Le week-end s'annonce très studieux et les téléphones devraient chauffer, car à ce stade, "tout est au conditionnel" et "tout est possible", glisse une source proche du dossier.
Damien Abad "nous a énormément coûté"
Il y a cependant des certitudes. Les trois ministres battues aux législatives (Amélie de Montchalin, en charge de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Brigitte Bourguignon, à la Santé et à la Prévention, et Justine Bénin, secrétaire d'Etat à la Mer) vont sortir du gouvernement, selon la règle réaffirmée par l'exécutif. Ces trois femmes seront restées jusqu'au bout en poste en sachant qu'elles allaient partir, ce qui a occasionné quelques inquiétudes dans les secteurs concernés par leur périmètre. Ce n'est pas le cas de Yaël Braun-Pivet. Nommée ministre des Outre-mer, elle est sortie du gouvernement mardi 28 juin pour devenir présidente de l'Assemblée nationale. Son poste étant donc aussi vacant, quatre portefeuilles sont à pourvoir.
Reste le cas épineux de Damien Abad. Le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, est visé par une enquête pour tentative de viol après la plainte d'une femme dénonçant des faits qui se seraient déroulés lors d'une fête en 2010. Après la publication par Mediapart d'autres témoignages accusatoires, la judiciarisation de cette affaire qui dure depuis plusieurs semaines déjà rend la position du ministre difficilement tenable.
Au sein de la majorité, son départ n'est pas un tabou. "Au-delà de la question judiciaire, il y a le symbole, glisse un député Renaissance. Dans une période politique aussi complexe, nous devons avoir un gouvernement qui apaise les tensions." Damien Adam, député Renaissance de Seine-Maritime, n'y va pas par quatre chemins : "Politiquement, il n'a rien rapporté et il nous a énormément coûté. Je ne vois pas comment il peut assumer ses responsabilités de ministre des Solidarités compte tenu de la situation."
"J'espère qu'il comprendra qu'il dessert l'intérêt général en s'accrochant à son poste et que pour qu'il puisse se défendre il doit se mettre en retrait."
Damien Adam, député Renaissance de Seine-Maritimeà franceinfo
Pour cet autre député du MoDem, Damien Abad est tout simplement "cramoisi" et il s'agit de "s'éviter les boulets supplémentaires".
"Des personnes de dialogue"
Au-delà du cas Abad et des autres postes vacants, le gouvernement sera-t-il profondément remanié ? "Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de changements à part les remplacements", croit savoir un conseiller ministériel. "Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout changer et ce n'est pas un gouvernement remanié qui changera l'absence de majorité absolue, d'autant que les oppositions ont indiqué qu'elles ne souhaitaient pas intégrer le gouvernement", embraye Damien Adam.
Néanmoins, la nouvelle donne à l'Assemblée doit être intégrée dans la composition du gouvernement. Mais comment ? Denis Masséglia, député Renaissance du Maine-et-Loire, imagine "un gouvernement élargi, qui doit intégrer les différentes sensibilités politiques de gauche comme de droite – à l'exception des extrêmes – qui pourraient travailler avec la majorité présidentielle". Jérémie Peltier, directeur des études à la fondation Jean-Jaurès, y voit toutefois des limites. "Chercher une prise de guerre symbole de la droite ou de la gauche, ça ne marche plus", explique-t-il.
"Le grand public est suffisamment mature pour comprendre que les débauchages sont des coups tactiques et qu'ils créent plus d'animosité avec la gauche et la droite."
Jérémie Peltier, directeur des études à la fondation Jean-Jaurèsà franceinfo
Pour cet expert, la période est plutôt favorable aux "profils non dogmatiques, capables de discuter sans trop d'animosité avec la droite comme la gauche", typiquement des personnes venues de la société civile. Les membres de la majorité sont bien conscients qu'il va falloir se reconnecter avec le pays. "Il faut des personnes de dialogue qui vont permettre d'incarner la nouvelle méthode du gouvernement", assure un parlementaire influent de la majorité. "Il est primordial que les profils de ce nouveau gouvernement soient capables de parler des réalités des Français, de parler aux Français", plaide Denis Masséglia.
"Empathie" et "chaleur humaine"
Pour cela, d'autres évoquent les notions d'"empathie" et de "sympathie" que devraient susciter les futurs ministres. "Le pays est devenu tellement épidermique et instable d'un point de vue émotionnel que c'est maintenant devenu un critère important pour les futurs ministrables : il faut avoir un certain degré d'empathie et de chaleur humaine", détaille Jérémie Peltier.
Au-delà de ces considérations presque philosophiques, l'exécutif devra – outre le respect de la parité – veiller à l'équilibre des portefeuilles ministériels au sein de sa propre majorité. Renaissance, Horizons, MoDem, Agir… Les différentes composantes du camp présidentiel ne vont pas manquer de compter leurs pions dans la prochaine équipe. Au MoDem, les lieutenants de François Bayrou sont sur le qui-vive. "On n'avait plus qu'un seul ministre [deux si l'on compte Marc Fesneau et Justine Bénin] alors qu'on en avait cinq avant, c'est un déséquilibre sérieux, le rééquilibrage est obligatoire", prévient un parlementaire. La politique n'est jamais bien loin.
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