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Contrats aidés, ISF, nucléaire... Edouard Philippe a-t-il dit vrai durant "L'Emission politique" ?

Le chef du gouvernement a défendu les réformes de l'exécutif sur le plateau de "L'Emission politique", avec des arguments plus ou moins véridiques.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre, Edouard Philippe, le 28 septembre 2017, sur le plateau de "L'Emission politique", sur France 2. (THOMAS SAMSON / AFP)

Verdict ? Contrasté. Edouard Philippe était l'invité de "L'Emission politique", jeudi 28 septembre, sur France 2. En partenariat avec franceinfo, la rédaction du site d'information L'imprévu a vérifié les déclarations du Premier ministre. Budget, réformes fiscales, nucléaire... Le chef du gouvernement a tenu des propos à l'exactitude variable.

>> VIDEOS. Six séquences à retenir de "L'Emission politique" avec Edouard Philippe

Il exagère sur les contrats aidés

La diminution des emplois aidés est l'un des dossiers chauds de cette rentrée pour le gouvernement : en 2018, seuls 200 000 contrats aidés seront financés, contre 320 000 cette année. Le Premier ministre a justifié cette décision sur le plateau de "L'Emission politique", évoquant l'efficacité du dispositif : "Si on fait le compte de tous les contrats aidés qui sont utilisés une année, on obtient des résultats en matière d'insertion dans l'emploi assez faibles."

"Assez faibles" ? Pas vraiment, si l'on regarde l'étude sur le devenir des contrats aidés publiée par la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, en mars 2017 et relayée par Libération. Ainsi, dans le secteur marchand, 67% des personnes ayant bénéficié d'un contrat aidé ont trouvé un emploi dans les six mois suivant ce contrat. Et dans 57% des cas, cet emploi est durable. Le succès du dispostif est à nuancer, toutefois, dans le secteur non-marchand : seuls 41% des contrats aidés y débouchent sur un emploi, et dans un quart des cas seulement sur un emploi durable, comme l'a mentionné le Premier ministre lors de l'émission.

Il embellit la réalité sur le "13e mois" offert aux Français

Edouard Philippe a aussi voulu convaincre de l'engagement de son gouvernement à augmenter le pouvoir d'achat des Français, avec les effets de la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des foyers, la prime d'activité ou encore la revalorisation de certains minima sociaux. "Si je peux résumer, nous allons donner un 13e mois aux Français par les mesures économiques que nous prenons", avait déjà claironné le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Interrogé sur cette déclaration, Edouard Philippe l'a reprise (un peu plus prudemment) à son compte : "Oui, on a un certain nombre de Français, un grand nombre de Français, qui vont bénéficier d'un 13e mois."

Mais cette déclaration, en plus d'être floue, est exagérée. Déjà, le Premier ministre reste évasif sur le nombre de Français qui vont profiter d'une hausse du pouvoir d'achat. Ensuite, comme le relevait récemment Le Monde, ce "13e mois" ne va bénéficier en réalité qu'à une poignée de salariés. Ce sera par exemple le cas pour une personne célibataire au smic, mais pas vraiment pour ceux ayant des revenus plus confortables : un célibataire payé 1 770 euros net par mois ne toucherait que deux tiers d'un "13e mois" et à 2 600 euros net, seulement un cinquième, selon les calculs du journal.

Il force le trait sur l'ISF

C'est l'une des autres réformes fiscales du gouvernement : la transformation de l'ISF, l'impôt sur la fortune, en impôt sur la fortune immobilière, de façon à exempter de taxes les valeurs mobilières ([les] yachts, [les] jets, (...) [les] montres, [les] bijoux", a par exemple listé Edouard Philippeet les placements (actions, assurance-vie...). Le Premier ministre a justifié cette décision, en expliquant notamment que "depuis qu'on a l'ISF, depuis 2002, on estime que 10 000 contribuables français ont quitté le territoire français car ils étaient assujettis à l'ISF".

Une évaluation un peu exagérée : la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a publié en 2014 un rapport qui évalue à 7 542 le nombre de redevables à l'ISF partis à l'étranger entre 2002 et 2012. L'ordre de grandeur est plutôt bon, mais l'absence de chiffres pour les dernières années ne permet pas d'en être certain, tout comme, à moins de les interroger une par une, on ne peut affirmer que ces 7 542 personnes se sont exilées parce qu'elles étaient assujetties à l'ISF... De plus, toujours selon ce rapport, entre 2006 et 2012, 1 468 foyers redevables de l'impôt sur la fortune sont revenus en France, là encore sans que l'on connaisse leurs motivations.

Il fustige, à tort, un logiciel de l'armée

Le logiciel Louvois est attaqué de toutes parts. Ce système informatique, qui gère la paie des militaires français, est devenu tristement célèbre pour ses dysfonctionnements à répétition, entraînant des retards de paiement de plusieurs mois pour les soldats. Interrogé sur le logiciel, qu'il qualifie lui-même d'"échec",  Edouard Philippe en a profité pour justifier le report du prélèvement à la source,  mesure fiscale phare du quinquennat Hollande.

"Au mois de juillet, j'ai indiqué qu'on ne mettrait pas le prélèvement à la source en vigueur au 1er janvier 2018, a-t-il expliqué. Comment j'ai justifié cette décision, de ne pas le faire le 1er janvier 2018 mais de le faire le 1er janvier 2019 ? A cause de Louvois, parce que je ne voulais pas que, s'agissant de l'argent des Français, nous mettions en place un dispositif dont je n'étais pas certain qu'il fonctionnerait pleinement."

Une déclaration qui contredit ses propres mots, tenus quelques mois plus tôt dans les colonnes du Parisien. Le Premier ministre avait alors justifié le report du prélèvement à la source "pour garantir que le dispositif sera opérationnel et simple pour les employeurs et notamment pour les petites entreprises", ne mentionnant jamais le logiciel de paie des armées.

Il s'est tempéré sur Notre-Dame-des-Landes

C'était le pic d'intérêt des internautes de cette soirée sur Google : Edouard Philippe est revenu sur la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, qui fait actuellement l'objet d'une mission de médiation. Faisant référence au référendum tenu en juin 2016 en Loire-Atlantique, le Premier ministre a déclaré qu'il ne "[voulait] pas préempter ce que va dire cette mission".

Edouard Philippe a donc mis de l'eau dans son vin. Le 8 octobre dernier, alors qu'il était député Les Républicains, il déclarait sur franceinfo : "J'espère qu'on pourra engager les travaux avant mai ou juin 2017 [...] Au fond, rien n'a été fait depuis cinq ans sur ce dossier. [...] Ce qui est terrible dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, c'est le délitement du mécanisme de prise de décision dans une démocratie et dans notre République."

Il est au point sur les chiffres de l'énergie

En fin d'émission, le débat s'est porté sur le nucléaire et le démantèlement prévu de certaines centrales. Le Premier ministre s'est montré très précis sur la part de cette énergie dans la production d'électricité en France : 72%, ce que confirme RTE, le réseau de transport d'électricité dans ses données 2016.

A croire que la leçon a été retenue depuis la bataille de chiffres confuse à laquelle s'étaient livrés en 2007, lors du débat de l'entre-deux-tours, les candidats Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. L'un évaluait cette part à "environ la moitié", l'autre à "17%", alors qu'elle était à l'époque de... 78%.

Les vérifications réalisées par L'imprévu sont à retrouver en intégralité sur le compte Twitter de "L'Emission politique".

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