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Le parquet national financier est-il compétent pour enquêter sur François Fillon ?

Créé après l'affaire Cahuzac et en première ligne dans les affaires Fillon, le parquet national financier enquête sur des affaires de corruption, d'escroquerie, de fraude fiscale ou de trafic d'influence.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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François Fillon, le 6 février 2017 lors de la conférence de presse organisée à son siège de campagne organisé à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

Ils invoquent "l'état de droit démocratique auquel nous sommes profondément attachés" pour justifier leur démarche. Les avocats de Penelope et François Fillon ont demandé, jeudi 9 février, au parquet national financier (PNF) de se dessaisir de l'enquête sur les soupçons d'emplois fictifs concernant les proches du candidat à la présidentielle. Ils estiment que le PNF ne serait pas compétent pour enquêter sur François Fillon, en sa qualité de parlementaire. Qu'en est-il réellement ? Franceinfo récapitule.

Qu'est-ce que le parquet national financier ?

Le PNF est une institution judiciaire relativement jeune : elle a été créée par une loi du 6 décembre 2013 dans la foulée du plus retentissant scandale de la présidence Hollande, l'affaire Cahuzac, et a été officiellement mis en place en mars 2014.

Son domaine d'intervention est particulièrement large, relevait Le Monde (article payant) à l'époque. Le PNF est non seulement compétent pour enquêter sur les délits boursiers, mais il peut aussi se saisir des "délits de corruption d'agents publics étrangers, de corruption privée et toutes les atteintes à la probité (corruption, trafic d'influence, prise illégale d'intérêts, pantouflage, favoritisme, détournement de fonds publics), escroquerie à la TVA, fraude fiscale et blanchiment", énumère le quotidien.

En décembre dernier, il comptait 15 magistrats, dont 13 opérationnels, pour 376 affaires en cours, réparties à parts presque égales entre les atteintes à la probité (corruption, trafic d'influence) et la fraude fiscale sous toutes ses formes.

Est-il en mesure d'enquêter sur François Fillon ?

Il n'a en tout cas pas traîné à le faire. Le PNF s'était saisi de l'enquête, ouverte pour détournement de fonds publics et abus de biens sociaux, dès la parution du premier article du Canard enchaîné, le 25 janvier, révélant que Penelope Fillon avait occupé pendant des années un poste d'assistante parlementaire auprès de son mari quand il était député, puis de son suppléant. Mais pour les avocats du couple, "l'infraction de détournement de fonds publics ne peut être reprochée à François Fillon", car à leurs yeux ce délit n'est pas applicable à un parlementaire.

Lorsque les conseils du candidat de droite ont commencé à avancer cet argument, lundi, le PNF a assuré être dans son bon droit"Les investigations confiées par le parquet national financier le 25 janvier 2017 à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (...) sont diligentées conformément aux critères de compétence définis par l’article 705 du Code de procédure pénale", a ainsi indiqué l'institution dans un communiqué.

Mais ce sujet fait débat. "La question de l'applicabilité du détournement de fonds publics à des parlementaires n'a jamais été tranchée", confirme ainsi une source judiciaire à l'agence Reuters. Virginie Duval, présidente de l'Union syndicale de la magistrature (USM), estimait mercredi qu'il s'agissait "d'une question de droit importante et pertinente, mais ce n'est pas le moment de la traiter".

La demande des avocats du couple Fillon peut-elle aboutir ?

Il appartient au PNF de décider des suites qu'il entend donner à son enquête. Dans le cadre d'une enquête préliminaire, les avocats n'ont pas de voie de recours pendant les investigations, contrairement à une information judiciaire menée par un ou des juges d'instruction. Ils pourraient cependant contester la compétence du PNF lors d'un éventuel procès.

"Pour l’instant, il n’est rien reproché à François Fillon. Il n’est pas poursuivi par qui que ce soit, le PNF n’a pas pris de décision ni aucune autre juridiction. Et si l’enquête est classée sans suite, aucune juridiction ne sera amenée à trancher la question qu’ils soulèvent", abonde Jacky Coulon, secrétaire national à l'USM, interrogé par franceinfo.

François Fillon ou ses conseillers peuvent présenter une requête en nullité, mais seulement s'il est mis en examen ou placé sous le statut de témoin assisté. "Et si une information judiciaire est ouverte, et qu’un juge d’instruction est désigné, il peut décider, de son initiative, de saisir la chambre d’instruction de Paris pour statuer sur une éventuelle nullité", continue Jacky Coulon. Une hypothèse que l'avocat de Penelope Fillon, Pierre Cornut-Gentille, a clairement évoquée lors de la conférence de presse.

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