Procès d'Eric Dupond-Moretti : "C'est une infamie", déclare le ministre de la Justice devant la CJR

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Eric Dupond-Moretti à la sortie du Conseil des ministres, à l'Elysée, le 18 octobre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Le garde des Sceaux, ancien avocat surnommé "Acquittator", est jugé devant la Cour de justice de la République à partir de lundi : il lui est reproché d'avoir fait primer son intérêt particulier sur l'intérêt public dont il a la charge.

Ce qu'il faut savoir

C'est du jamais-vu sous la Ve République. A partir du lundi 6 novembre, et pendant dix jours, le ministre de la Justice en exercice, Eric Dupond-Moretti, se trouve sur le banc des prévenus de la Cour de justice de la République. "Pour moi et pour mes proches, ce procès est une infamie", a déclaré le ministre de la Justice lors de sa première prise de parole. L'audience a débuté à 14 heures et s'est terminé peu après 16 heures. 

Le garde des Sceaux est accusé de prise illégale d'intérêts, dans le cadre de ses fonctions. Il encourt cinq ans d'emprisonnement, 500 000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique.

>> Ce direct est terminé. 

Deux affaires distinctes. Eric Dupond-Moretti est soupçonné d'avoir usé de sa fonction de ministre de la Justice pour régler ses comptes avec des magistrats, dans deux affaires où il officiait comme avocat. Dans l'une d'elles, il lui est reproché d'avoir ordonné une enquête administrative à l'encontre de trois magistrats du Parquet national financier (PNF), alors qu'il avait vivement critiqué la décision du PNF, en marge de l'affaire Bismuth. L'autre affaire concerne une enquête administrative menée contre Edouard Levrault, un juge détaché à Monaco, contre lequel Eric Dupond-Moretti avait porté plainte au nom d'un client pour violation du secret de l'instruction.

Il se dit innocent. Eric Dupond-Moretti se dit "innocent" et répète n'avoir fait que suivre "les recommandations" de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre les quatre magistrats. Pendant l'enquête, l'ancien ténor du barreau, qui a toujours entretenu des relations houleuses avec les magistrats, a dénoncé une instruction "biaisée" visant à "salir la réputation d'un ancien avocat" et nourrir son procès en "illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux".

Toujours ministre pendant le procès. Pendant deux semaines, Eric Dupond-Moretti sera justiciable et ministre de la Justice en même temps. Comment va-t-il gérer son temps ? Selon les informations recueillies par franceinfo, il y aura des aménagements : le garde des Sceaux sera, par exemple, excusé pour le Conseil des ministres du mercredi 8 novembre. "Il veut maintenir ses activités de ministre le plus possible pendant son procès", a confié à franceinfo un de ses collègues. Il avait été envisagé qu'Elisabeth Borne assure l'intérim, mais cette option n'a pas été retenue car le ministre "s'est battu contre cette idée", selon un macroniste. ll "a toute ma confiance", a déclaré la Première ministre, lundi matin, sur France Inter.

Une vingtaine de témoins attendus. Une vingtaine de témoins se succéderont à la barre, dont l'ancien Premier ministre Jean Castex et l'ex-ministre de la Justice Nicole Belloubet. Seront aussi appelés à témoigner les quatre magistrats visés – et blanchis après leurs procédures disciplinaires –, des syndicalistes à l'origine des plaintes contre le ministre et l'ex-procureur général près la Cour de cassation François Molins. Ce dernier a un rôle particulier dans ce dossier, puisque Eric Dupond-Moretti lui reproche une forme de conflit d'intérêts et affirme qu'il n'a "jamais accepté [s]a nomination". Tous seront entendus devant quinze juges : trois magistrats de la Cour de cassation, six députés et six sénateurs de tous bords.