Procès d'Eric Dupond-Moretti : par qui le ministre de la Justice sera-t-il jugé ?

La Cour de justice de la République est la seule habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement. Elle est composée de trois magistrats de la Cour de cassation, six députés et six sénateurs de tous bords.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, au Sénat, le 11 octobre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Une situation inédite. A partir du lundi 6 novembre, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, sera jugé par la Cour de justice de la République (CJR), soupçonné d'avoir abusé de ses fonctions de ministre pour régler des comptes liés à son passé d'avocat. Poursuivi pour "prise illégale d'intérêts", le ministre, qui clame son innocence, encourt cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique.

La CJR est la seule habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement – Premiers ministres, ministres et secrétaires d'Etat – pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. Il s'agit d'une juridiction mi-juridique mi-politique, composée de quinze juges dont les noms sont publiés au Journal officiel : trois magistrats de la Cour de cassation, six députés et six sénateurs de tous bords. Les parlementaires sont élus par l'Assemblée nationale et le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel des assemblées. Les magistrats sont, eux, élus par la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire française.

Un président habitué des dossiers politico-financiers

Dans le détail, les juges professionnels qui siégeront lundi seront Ingrid Andrich, Sylvie Ménotti, et Dominique Pauthe, qui préside la CJR depuis décembre 2019. Ce dernier est un habitué des dossiers politico-financiers : il a successivement présidé le procès relatif à l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine en 2005, le procès Clearstream en 2009, celui de Jérôme Kerviel en 2010... C'est également ce magistrat qui avait prononcé, en 2011, la condamnation de Jacques Chirac dans le procès des emplois fictifs de la mairie de Paris.

La liste des députés élus compte trois élus de la majorité présidentielle et trois élus des oppositions. Il s'agit d'Emilie Chandler (Renaissance), Didier Paris (Renaissance), Laurence Vichnievsky (MoDem), Philippe Gosselin (Les Républicains), Danièle Obono (La France insoumise) et Bruno Bilde (Rassemblement national).

Du côté des sénateurs, il y aura deux élus de la majorité, et quatre de l'opposition – UDI comprise, bien que cette formation soit susceptible de voter avec la majorité sur un certain nombre de sujets. Il s'agit de Catherine Di Folco (Les Républicains), Gilbert Favreau (Les Républicains), Jean-Luc Fichet (Parti socialiste), Jean-Pierre Grand (Horizons), Thani Mohamed Soilihi (Renaissance) et Evelyne Perrot (Union des démocrates et indépendants).

Un juge parlementaire promet "sérieux" et "indépendance"

Au total, Eric Dupond-Moretti sera donc jugé par trois magistrats professionnels, cinq élus de la majorité et sept élus d'opposition. La présence de LFI fait grincer des dents dans l'entourage du ministre, l'insoumis Ugo Bernalicis ayant effectué un signalement – jugé irrecevable – contre Eric Dupond-Moretti dans ce dossier.

Les juges parlementaires sont, cependant, censés examiner les affaires qui leur sont soumises indépendamment de leur appartenance politique. Chacun d'eux a d'ailleurs prêté serment devant l'assemblée qui les a élus. "Ils jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats", précise la loi. En réponse aux doutes sur l'impartialité de ces juges face à un ministre-prévenu qu'ils conspuent ou soutiennent quand ils sont dans l'hémicycle, l'un d'entre eux assure à franceinfo qu'ils feront preuve de "sérieux" et d'"indépendance", "y compris quand ils ne sont pas dans le même camp".

La CJR se prononce à la majorité absolue (soit huit juges sur quinze) et à bulletins secrets sur la culpabilité du prévenu puis, en cas de culpabilité, sur l'application de la peine infligée, détaille le site vie-publique.fr. L'arrêt de la CJR peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation. Si cette dernière décide de casser la décision, la CJR doit être recomposée avant de rejuger l'affaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.