Conférence de presse d'Emmanuel Macron : comment le président "s'est attaqué" au Rassemblement national en vue des européennes

Article rédigé par Clément Parrot - avec Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
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Marine Le Pen aux côtés d'Emmanuel Macron après des entretiens à l'Elysée, le 21 juin 2022, deux jours après les législatives. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Le chef de l'Etat a longuement évoqué le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella, en détaillant les solutions qui selon lui permettront de battre "les extrêmes" dans les urnes.

"Je me battrai jusqu'au dernier quart d'heure", a assuré Emmanuel Macron, mardi 16 janvier, lors d'une conférence de presse. Interrogé sur son engagement pris en 2017 de détourner les électeurs du Rassemblement national de leur vote, le chef de l'Etat a longuement plaidé contre les solutions apportées par le parti d'extrême droite. Il a refusé de se plier à un exercice de "politique-fiction" en imaginant l'échec que représenterait pour lui l'arrivée de Marine Le Pen à l'Elysée en 2027, mais il a lancé la bataille des élections européennes.

Le président de la République n'a pas nié la dynamique du RN dans les sondages d'opinion, mais il a cherché à sonner la révolte de ses troupes. Selon un sondage d'Harris Interactive, la liste menée par Jordan Bardella devancerait de neuf points celle de la majorité présidentielle.

"Je ne suis pas heureux de les voir en tête des sondages, parce que moi, j'ai beaucoup fait pour qu'on soit plus forts, nous Français, en Europe."

Emmanuel Macron

lors de sa conférence de presse

Evoquant la montée des populismes qui touche plusieurs pays européens, il a accusé le Rassemblement national d'être le "parti de l'appauvrissement collectif" et "du mensonge", appelant également à "s'attaquer à ce qui fait voter pour eux".

"Le président a conscience des enjeux"

La nomination de Gabriel Attal à Matignon avait déjà été perçue comme une riposte à la popularité grandissante de Jordan Bardella, âgé de 28 ans. "Il est impératif de faire un score aux européennes, c'est la dernière élection du président de la République, cela correspond nos valeurs", rappelait récemment un proche du chef de l'Etat. "Il faut être très inquiet des sondages, mais le président a conscience des enjeux et des risques que l'on encourt. Ce n'est pas la même chose si on fait 15 ou 25%", estimait aussi une députée Renaissance juste avant l'intervention présidentielle. "Pour la tête de liste de la majorité, est-ce que ce n'est pas Macron qui est le plus à même de mobiliser notre électorat ?"

Le président s'est en tout cas lancé dans la bataille. Lors de sa conférence de presse, il a cherché à répondre sur le fond au parti d'extrême droite et a appelé à ne pas combattre le Rassemblement national "avec des leçons de morale", mais "en regardant le pays tel qu'il est, en essayant de convaincre avec des arguments, des actions et du réel".

"Ils disent des trucs faciles... L'opposition, c'est beaucoup plus facile que le gouvernement."

Emmanuel Macron

lors de sa conférence de presse

Le chef de l'Etat a mis avant la lutte contre le "chômage de masse", "la désindustrialisation" ou encore le "sentiment de dépossession" que peuvent ressentir les Français, assurant que son gouvernement était en train de répondre à ces enjeux. "Lutter contre l'immigration clandestine, c'est, je pense, une des réponses au Rassemblement national", a-t-il poursuivi, évoquant en creux la loi immigration votée en décembre. "J'assume totalement la politique au niveau européen et français qu'on a menée. Pas de naïveté, mais le faire dans le cadre de notre République, nos principes, ce que je défends."

Le président de la République a donc d'abord cherché à combattre le RN sur son programme économique et social, évoquant des promesses non financées comme la retraite à 60 ans ou l'augmentation du smic – un "programme qu'il a complètement piqué à l'extrême gauche", selon le chef de l'Etat.

"Le Rassemblement national, c'est le parti qui continue à vous expliquer des choses impossibles sur le plan économique et social pour affaiblir."

Emmanuel Macron

lors de sa conférence de presse

Le président a aussi dénoncé un "Frexit caché" dans les intentions du RN, pointant une volonté de rester dans l'UE sans en respecter les traités. Emmanuel Macron a donc appelé ses troupes à s'attaquer "pied à pied" à "l'incohérence" du programme lepéniste. "On retrouve pratiquement mot pour mot les mêmes arguments que ceux du débat de l'entre-deux-tours, c'est-à-dire le fait de tacler la non-crédibilité économique du Rassemblement national", analyse le politologue Bruno Cautrès.

"J'ai vu beaucoup de fébrilité"

"Sur l'Europe et les enjeux des élections à venir, il s'est montré convaincant, on sent qu'il joue à domicile, que ce sont ses thèmes de prédilection, observe aussi Bruno Cautrès. Il y a un autre aspect qu'il a beaucoup martelé hier, en appelant à la vigilance sur le fait de ne pas se laisser berner par la nouvelle respectabilité du RN." Avec l'arrivée des 89 députés RN à l'Assemblée lors des dernières législatives, le parti de Marine Le Pen poursuit sa stratégie de normalisation en se présentant comme une opposition constructive.

"Si tout le monde s'habitue, en se disant 'Ils sont devenus sympathiques, ils ne disent plus des choses qui nous heurtent', (...) on rentre dans une forme de zone de danger."

Emmanuel Macron

lors de sa conférence de presse

S'il critique le programme et le style du RN, Emmanuel Macron emprunte aussi des thématiques qui lui sont chères. En insistant sur l'"ordre", sur le "réarmement civique" à l'école et dans la société, sur la lutte contre "l'islam radical", ou encore sur le "réarmement démographique" pour lutter contre la baisse de la natalité, il a même cherché à occuper le terrain de la droite et de l'extrême droite. "Avec l'ordre, la loi, le patriotisme, on voit qu'il choisit des thématiques globalement de droite, ce qui ne veut pas dire qu'il emprunte nécessairement les idées du Rassemblement national, puisque ce thème du retour de l'autorité est également très présent chez Les Républicains", explique Bruno Cautrès.

Le RN y voit cependant une victoire idéologique. "Sur La Marseillaise à l'école, l'uniforme, l'éducation civique, on dit 'Bravo' parce qu'en fait, on voit que toutes nos mesures sont au fil des années reprises", mais "les Français préfèrent l'original à la copie", assure le député RN Philippe Ballard sur franceinfo. "Le fait de l'entendre parler de valeurs, de limites, de cadres, d'autorité et de reprendre des propositions du RN, j'y vois une forme d'hommage au RN et de reniement par rapport au début du macronisme, ajoute le député RN Julien Odoul. Il sent bien que l'opinion publique est réceptive à nos propositions. J'ai vu hier chez Emmanuel Macron beaucoup de fébrilité, une crainte de voir notre arrivée au pouvoir à l'issue de son deuxième quinquennat."

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