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L'affaire Benalla, Emmanuel Macron, le contrat russe... Ce qu'il faut retenir des déclarations de Vincent Crase aux médias

L'ex-collaborateur de l'Elysée sort un livre jeudi, dans lequel il revient sur son rôle et sur les conséquences des violences du 1er-Mai. Il s'est confié auprès de plusieurs médias.

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
Vincent Crase, lors de son audition par la commission du Sénat en janvier 2019, et Alexandre Benalla, lors de la levée de sa détention provisoire, le 26 février dernier.  (ALAIN JOCARD / AFP)

"C'est une petite connerie qui n'aurait jamais dû prendre ces proportions." Pour la première fois depuis des mois, Vincent Crase s'est exprimé en accordant des interviews à plusieurs médias. L'ex-collaborateur de l'Elysée est mis en examen pour violences en réunion, comme Alexandre Benalla avec qui il est soupçonné d'avoir frappé des manifestants le 1er mai 2018 à Paris, place de la Contrescarpe.

L'ancien chef de la sécurité de la La République en marche (LREM) s'est confié dans le quotidien Paris-NormandieLe Parisien et sur RTL jeudi 4 avril à l'occasion de la sortie de son livre, Présumé coupable (Plon). Franceinfo vous résume ce qu'il faut retenir de ces interventions. 

Sur Alexandre Benalla : "On ne s'est jamais quittés"

Les deux acolytes se rencontrent en avril 2009 sur la base aérienne d'Evreux (Eure). Alexandre Benalla est alors stagiaire dans le cadre d'une formation pour réservistes que dirige Vincent Crase. "Je l'ai repéré ce jeune parce que quelque chose d'assez incroyable émanait de cet adolescent. Il est sorti major de promotion, explique Vincent Crase à Paris-NormandieUne amitié est née. On ne s'est jamais quittés."

Vincent Crase passe ensuite sous les ordres d'Alexandre Benalla pour la sécurisation d'Emmanuel Macron, alors candidat, avant d'être embauché pour assurer la sécurité du siège d'En marche !, en juillet 2017 : "Je lui ai dit 'je suis légitimiste. C'est toi le chef maintenant, c'est toi qui vas me donner des instructions'", raconte-t-il au Parisien.

On va dire que j'étais l'élément temporisateur du duo. La plupart du temps, c'était moi qui disais : 'Du calme, ça ne sert à rien de s'énerver.'

Vincent Crase

au Parisien

Comme l'y oblige son placement sous contrôle judiciaire, Vincent Crase assure ne plus être en contact avec Alexandre Benalla depuis le 19 février dernier. "Entre les gouffres et les sommets où il m'a emmené, ça s'équilibre, confie-t-il aujourd'hui au sujet de son ami. Il est attiré par les objets du pouvoir. C'est un petit gars qui vient de nulle part, avec une enfance compliquée. Il a parfois une maturité extrême. Et parfois, c'est encore un gamin dans sa tête."

Sur Emmanuel Macron : "Les présidents veulent avoir leur sécurité en main"

Vincent Crase rencontre pour la première fois le futur chef de l'Etat dans les coulisses d'un meeting d'En marche !, à Strasbourg, en 2016. Il exprime une forte admiration pour Emmanuel Macron dans son livre. Aujourd'hui, il le trouve "de plus en plus seul" et se dit "désolé de cette histoire complètement folle, qui lui a fait du tort", avant d'ajouter au Parisien : "En même temps, je n'y suis pas pour grand-chose."

Dans ses déclarations sur le chef de l'Etat, Vincent Crase revient à plusieurs reprises sur les liens entre Emmanuel Macron et Alexandre Benalla. Son ami était "une courroie de transmission très importante au Château", assure-t-il au Parisien. Le président et son chef de sécurité étaient proches, glisse-t-il avant de confier une anecdote qui l'a marqué.

Je l'ai vu entrer dans le bureau du "PR" [président de la République] et lui dire : 'Il faudrait peut-être aller se couper les tifs !'

Vincent Crase

au "Parisien"

Pour Vincent Crase, l'affaire Benalla repose sur le fait que "les présidents veulent avoir leur sécurité en main. Ils aiment avoir à leur côté des gens hors de la caste des fonctionnaires de l'Intérieur, qui peuvent leur débrouiller un truc très vite, sans toute la lourdeur administrative".

Sur les violences du 1er-Mai : "J'aurais dû laisser faire les CRS"

Depuis le 22 juillet, Vincent Crase est mis en examen pour violences en réunion, avec Alexandre Benalla. A Paris-Normandie, il admet avoir commis "une erreur" en sortant muni d'un Glock 17, une arme qu'il détenait au siège du parti La République en marche. Le port de ce pistolet semi-automatique avait été autorisé, le temps de la campagne présidentielle mais circonscrit au siège de LREM. Il assure aujourd'hui que c'était "une bêtise de l'en sortir". "Le seul truc que je me reproche, c'est d'avoir porté mon arme. Mais depuis 2015, on est en guerre en France." Cependant, depuis la fin de la campagne, l'autorisation du port de cette arme n'était plus valable.

Le 1er mai 2018, Alexandre Benalla et Vincent Crase sont autorisés à assister les forces de l'ordre qui sécurisent la manifestation, en tant qu'observateurs. "Ça m'intéressait de voir comment la police gérait une si grosse manif avec des blacks blocs", se justifie Vincent Crase. En fin de journée, place de la Contrescarpe à Paris, les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants se font plus violents. Alexandre Benalla et Vincent Crase sont filmés alors qu'ils malmènent des manifestants. "On est juste deux types qui, croyant bien faire, ont dérapé devant quelqu'un qui filmait. Je n'ai même pas mis une claque !, raconte-t-il au ParisienAlexandre et moi, comme observateurs déclarés et accueillis par la préfecture de police, on aide la police dans un moment particulièrement violent."

Au cours de ses interviews, il mentionne à plusieurs reprises l'article 73 du code de procédure pénale pour justifier sa tentative de participer à l'interpellation de manifestants jugés violents. "J'aurais dû laisser faire les CRS", concède Vincent Crase, tout en maintenant avoir "eu le sentiment de se faire agresser"

Sur la gestion de l'affaire Benalla : "J'ai l'impression que tous savaient"

L'affaire Benalla éclate le 18 juillet à la suite des révélations du Monde. "Sans cette vidéo, il n'y aurait pas eu de problème", tranche Vincent Crase. Il assure que lui et son ami savaient dès le 1er mai que des vidéos où on les voit en train de molester des manifestants avaient été tournées et que le président de la République était au courant. Le délai de réaction de l'Elysée étonne toujours l'ancien chef de sécurité de LREM. "J'ai l'impression que tous savaient et qu'ils se sont refilés la patate chaude. S'il y avait eu une sanction directe, ferme, définitive, il n'y aurait pas eu d'affaire Benalla. Ils ont pataugé dans la semoule", déclare-t-il au Parisien. Il tient toutefois à dédouaner le chef de l'Etat. 

Ce n'est pas au président qu'il faut le reprocher mais à ses communicants.

Vincent Crase

à RTL

Vincent Crase insiste également sur la responsabilité des médias, qui ont donné selon lui des "proportions folles" à ce qu'il assume être une faute de sa part et de celle d'Alexandre Benalla. 

Sur l'affaire du contrat russe : "294 000 euros" pour assurer la sécurité d'un oligarque

Après avoir été débarqué par LREM le 31 juillet à la suite du scandale, Vincent Crase décroche un emploi via une société privée de sécurité, Velours, pour laquelle a déjà travaillé Alexandre Benalla il y a quelques années. Vincent Crase signe un contrat de l'ordre de "294 000 euros", selon lui, pour assurer la sécurité d'Iskander Makhmudov.

Cet oligarque russe a été régulièrement décrit comme un "proche de Poutine", ce que conteste Vincent Crase auprès de Paris-Normandie. Son contrat, explique-t-il, "prévoyait d'assurer la sécurité et l'accompagnement des enfants de ce monsieur, scolarisés à Monaco, ainsi que la sécurité et l'accompagnement de M. Makhmudov – que je n'ai jamais rencontré et donc, a fortiori, Alexandre Benalla non plus – lorsqu'il viendrait en France. Chose qu'il n'a jamais faite durant les trois mois de ce contrat."

Sur son séjour en prison : "C'est un autre monde"

Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été placés en détention provisoire pendant une semaine pour violation de leur contrôle judiciaire en février. Un séjour en prison consécutif à la diffusion d'enregistrements dévoilés par Mediapart où l'on peut entendre les deux hommes discuter de l'affaire, alors que leur contrôle judiciaire le leur interdit. Le 19 février, le premier est incarcéré à la prison de la Santé à Paris quand Vincent Crase rejoint le centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy (Yvelines) pendant la nuit.

Un court séjour sur lequel revient l'ex-responsable de la sécurité de LREM. "C'est un autre monde. J'avais fait des transfèrements judiciaires en tant que gendarme. Et là, je passe de l'autre côté du miroir", raconte Vincent Crase à Paris-Normandie. "La semaine qu'a duré mon incarcération s'est passée aussi bien que cela pouvait se passer. Je pouvais aller à la bibliothèque, au sport, à la douche tous les jours, télé dans la petite cellule, nourriture correcte... Je me disais que quatre mois, ça allait être très long surtout pour ma femme et mes enfants", poursuit le père de trois enfants.

Les avocats d'Alexandre Benalla et Vincent Crase déposent une demande de libération conditionnelle, une semaine plus tard. Le mardi 26 février, la chambre d'instruction valide la requête et décide de lever leur incarcération. "Quand j'ai appris que je sortais au bout d'une semaine, c'était la joie. Ce qui est fou, c'est que je l'ai appris par la télé", se rappelle Vincent Crase. Les deux hommes sont toujours placés sous contrôle judiciaire et ont interdiction de se parler.

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