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Ce qu'il faut retenir de l'audition d'Alexandre Benalla par la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat

L'ancien collaborateur du chef de l'Etat, mis en examen pour "violences en rĂ©union" aprĂšs avoir frappĂ© un manifestant le 1er-Mai, a Ă©tĂ© entendu mardi par la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat, sur son rĂŽle dans la protection d'Emmanuel Macron. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Alexandre Benalla lors de son audition au SĂ©nat, Ă  Paris, le 19 septembre 2018. (BERTRAND GUAY / AFP)

"Je vais vous le dire trĂšs prĂ©cisĂ©ment", a rĂ©pĂ©tĂ©, presque systĂ©matiquement, Alexandre Benalla lors de son audition devant les sĂ©nateurs, mercredi 19 septembre. Pendant plus de deux heures, l'ancien chargĂ© de mission de l'ElysĂ©e a rĂ©pondu aux questions des parlementaires qui composent la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat. Alexandre Benalla, licenciĂ© en juillet, a Ă©tĂ© mis en examen pour "violences en rĂ©union", aprĂšs avoir Ă©tĂ© filmĂ© en train de frapper un manifestant, lors d'un rassemblement du 1er-Mai, place de la Contrescarpe Ă  Paris.

>> Alexandre Benalla a répondu aux questions du Sénat : revivez son audition

Cette audition sénatoriale, particuliÚrement attendue, ne portait pas sur les violences commises par Alexandre Benalla, mais sur les conditions qui ont pu amener l'ancien chargé de mission à participer à des missions de maintien de l'ordre. Il s'agissait de la 23e audition de la commission des lois du Sénat dans le cadre de l'affaire Benalla, depuis le mois de juillet. Voici les temps forts de cette audition.

Sur ses critiques des sénateurs : "Je vous présente mes excuses"

VIDEO. "Petit marquis" : Alexandre Benalla présente ses excuses au sénateur Philippe Bas
VIDEO. "Petit marquis" : Alexandre Benalla présente ses excuses au sénateur Philippe Bas VIDEO. "Petit marquis" : Alexandre Benalla présente ses excuses au sénateur Philippe Bas

Alexandre Benalla a tenu, lors de son introduction face Ă  la commission d'enquĂȘte sĂ©natoriale, Ă  prĂ©senter ses excuses au prĂ©sident de la commission des lois, le sĂ©nateur LR de la Manche, Philippe Bas. L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron avait qualifiĂ© l'Ă©lu de "petit marquis", dans une interview Ă  France Inter. "Le SĂ©nat français, trĂšs sincĂšrement, je vous le dis franchement, je n'ai aucun respect pour eux", avait-il ensuite lĂąchĂ©. 

Evoquant des propos "sortis du contexte", Alexandre Benalla a assuré la commission de son "profond respect pour le Sénat, pour les sénateurs". "J'ai un profond regret pour les propos que j'ai tenus à votre encontre. Je voulais vous assurer de mon respect total, et vous présenter mes excuses, monsieur Bas", a déclaré l'ancien chargé de mission à l'Elysée. 

Mon propos, c'Ă©tait celui d'ĂȘtre instrumentalisĂ© Ă  des fins politiques. (...) J'ai ressenti Ă  un moment un acharnement mĂ©diatique, politique.

Alexandre Benalla

devant la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat

Sur sa rencontre avec Macron : "J'ai été séduit" 

"J'ai été sollicité ... et j'ai été séduit par le personnage"
"J'ai été sollicité ... et j'ai été séduit par le personnage" "J'ai été sollicité ... et j'ai été séduit par le personnage"

Alexandre Benalla est d'abord revenu sur son parcours : un master 1 de droit, son passage par la réserve opérationnelle de la gendarmerie, son expérience au service d'ordre du PS, sa courte mission au cabinet d'Arnaud Montebourg, son travail dans une société de conseil et de sûreté, puis dans une organisation internationale.

Il a ensuite évoqué son arrivée dans la campagne présidentielle : "J'ai été sollicité par un camarade qui avait rejoint La République en marche. Il m'a demandé si j'étais intéressé pour organiser des déplacements du candidat et des meetings. J'y suis allé et j'ai été séduit par le personnage [Emmanuel Macron]." Recruté en décembre 2016, il assure alors la sécurité des déplacements du candidat Macron : "Mon rÎle était de coordonner tout ça, c'était de mettre en musique le meeting et le déplacement du candidat. Nous avons commencé à quatre et nous avons fini avec un service d'ordre de 400 personnes."

Sur son arrivée à l'Elysée : "J'ai été recruté en tant que chargé de mission"

"J'avais quatre missions à l'Elysée"
"J'avais quatre missions à l'Elysée" "J'avais quatre missions à l'Elysée"

"Quand vous arrivez à la fin d'une campagne présidentielle, qui plus est victorieuse, vous avez pu voir les compétences des uns et des autres (...). C'est normal que vous ne claquiez pas la porte à des gens", a d'abord expliqué Alexandre Benalla. "Jean-Marie Girier, directeur de campagne d'Emmanuel Macron, m'a demandé ce que je souhaitais faire. Mes compétences, c'était l'organisation et la sécurité. J'ai été appelé par le service RH de l'Elysée, j'ai eu un entretien avec Patrick Strzoda qui recrute le personnel." Il est alors embauché comme chargé de mission. "Le niveau le plus bas de ce qu'on peut trouver au cabinet du président de la République", assure-t-il. 

Alexandre Benalla est ensuite revenu longuement sur ses missions au sein de l'Elysée. "Les quatre missions qui m'incombaient : l'organisation des déplacements nationaux, l'organisation des événements au Palais, l'organisation des déplacements privés du président de la République et la coordination des services de sécurité". Il a ajouté qu'il avait aussi accepté de gérer les cadeaux diplomatiques reçus et donnés par la présidence de la République. 

Sur ses fonctions à l'Elysée : "Je n'étais pas le garde du corps d'Emmanuel Macron"

Ni policier ni garde du corps du président de la République
Ni policier ni garde du corps du président de la République Ni policier ni garde du corps du président de la République

"Je n'Ă©tais pas le garde du corps d'Emmanuel Macron, je n'ai jamais Ă©tĂ© son garde du corps. Sur les meetings, j'Ă©tais proche de lui physiquement, mais comme un certain nombre de personnes", a assurĂ© Alexandre Benalla. Il a certifiĂ©, Ă  plusieurs reprises, n'avoir occupĂ© aucune fonction dans la sĂ©curitĂ© du chef de l'Etat : "Ce n'Ă©tait pas une fonction opĂ©rationnelle de sĂ©curitĂ©, mais une fonction administrative. (...) Vous ĂȘtes une sorte de metteur en scĂšne, de chef d'orchestre des dĂ©placements et des Ă©vĂ©nements du Palais."

"je n'ai jamais été le siÚge d'Emmanuel Macron ni son épaule"
"je n'ai jamais été le siÚge d'Emmanuel Macron ni son épaule" "je n'ai jamais été le siÚge d'Emmanuel Macron ni son épaule"

L'affirmation a beaucoup étonné les parlementaires, mais l'ancien chargé de mission ne s'est pas laissé démonter. "Je n'ai jamais été son siÚge, ni son épaule d'ailleurs", a-t-il encore martelé au sujet de son rÎle auprÚs du président de la République, en utilisant des termes techniques du domaine de la sécurité. Pour justifier sa proximité avec le président sur de nombreuses photos, il répond qu'il était là pour ses fonctions d'organisateur de ses déplacements : "La fonction d'un officier de sécurité, ce n'est pas de porter les dossiers, de faire passer des messages (...). Les officiers de sécurité, ce ne sont pas les valets des personnes qu'ils protÚgent."

Sur les dĂ©placements privĂ©s du chef de l'Etat : "Les mĂȘmes fonctions que sur un dĂ©placement officiel"

Déplacements privés, exemple du "théùtre"
Déplacements privés, exemple du "théùtre" Déplacements privés, exemple du "théùtre"

L'ancien collaborateur du président de la République s'est également expliqué sur sa présence lors de déplacements privés d'Emmanuel Macron. "Il y a une notion de confort", a défendu Alexandre Benalla, prenant l'exemple d'une sortie du chef de l'Etat au théùtre. "L'idée, c'est que le président de la République ne se déplace pas avec 50 personnes quand il est sur du privé. Il a le droit d'aller au théùtre", a-t-il expliqué.

"Vous vous rendez au thĂ©Ăątre, vous repĂ©rez son siĂšge... Avant son arrivĂ©e, vous ĂȘtes prĂ©sent sur place pour vĂ©rifier que ce que vous avez prĂ©parĂ© en amont est appliquĂ©", a dĂ©taillĂ© Alexandre Benalla. "Il peut avoir un moment besoin de vous, car vous ĂȘtes le point de contact. Il peut recevoir un coup de tĂ©lĂ©phone, et vous allez le voir. (...) Vous ĂȘtes lĂ  pour les mĂȘmes fonctions que sur un dĂ©placement officiel", a dĂ©fendu l'ancien chargĂ© de mission.

Sur le port d'arme : "Ma sécurité personnelle"

"J'ai fait une demande (de port d'arme) pour ma sécurité personnelle"
"J'ai fait une demande (de port d'arme) pour ma sécurité personnelle" "J'ai fait une demande (de port d'arme) pour ma sécurité personnelle"

La question du port d'arme dĂ©livrĂ© Ă  Alexandre Benalla a beaucoup agitĂ© les rangs de la commission d'enquĂȘte parlementaire. "J'ai fait une demande Ă  titre personnel d'autorisation de port d'arme pour ma sĂ©curitĂ© personnelle (...) La prĂ©fecture de police a considĂ©rĂ© que mes missions Ă©taient exposĂ©es et m'a dĂ©livrĂ© cette autorisation de port d'arme", a-t-il expliquĂ©. Il a ensuite citĂ© d'autres exemples de collaborateurs qui ont obtenu le mĂȘme droit par le passĂ©, Ă  l'image de Michel Charasse lors du mandat de François Mitterrand.

Le port d'arme n'était pas lié à la sécurité du président de la République, mais à ma sécurité personnelle.

Alexandre Benalla

devant la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat

Les sĂ©nateurs ont demandĂ© des prĂ©cisions sur les moments oĂč l'ancien chargĂ© de mission portait son arme. "La mission, quand vous ĂȘtes Ă  la chefferie du prĂ©sident, elle ne s'arrĂȘte pas. Donc, je rentrais chez moi avec mon arme, un Glock 43, sur moi jusqu'Ă  mon domicile", a-t-il expliquĂ©. "Je venais de chez moi avec mon arme Ă  la ceinture, et je repartais chez moi avec mon arme Ă  la ceinture." Il a aussi reconnu avoir portĂ© son arme "deux fois" au sein du palais de l'ElysĂ©e et quelques fois en dĂ©placement avec le prĂ©sident de la RĂ©publique. Il a assurĂ© que, dans ces cas-lĂ , sa hiĂ©rarchie Ă©tait au courant.

Sur son accÚs à l'Assemblée nationale : "Un caprice"

Badge d'accĂšs  d'A.Benalla
Badge d'accĂšs d'A.Benalla Badge d'accĂšs d'A.Benalla

Alexandre Benalla est revenu sur le badge qui lui permettait d'accĂ©der Ă  l'AssemblĂ©e nationale. "Ça peut paraĂźtre surrĂ©aliste. Quand vous ĂȘtes collaborateur Ă  l'ElysĂ©e et que vous sollicitez un badge, on vous le dĂ©livre automatiquement. C'Ă©tait un caprice personnel pour aller Ă  la salle de sport et Ă  la bibliothĂšque", a-t-il reconnu.

Sur les sanctions à son encontre : "J'ai vécu ça comme une humiliation"

Les sanctions d'A.Benalla
Les sanctions d'A.Benalla Les sanctions d'A.Benalla

"J'ai été convoqué par Patrick Strzoda une premiÚre fois, il m'a dit qu'il me tiendrait au courant des suites. C'est lui qui m'a annoncé la sanction. J'ai été suspendu pendant quinze jours", a détaillé Alexandre Benalla au sujet de la sanction qui a suivi les faits du 1er-Mai. "La rétrogradation est intervenue à mon retour de maniÚre verbale. On m'a dit que je n'allais plus participer aux déplacements du président, j'ai vécu ça comme une humiliation. On m'a enlevé des missions pour m'en rajouter d'autres (...). Je synchronisais les cortÚges", poursuit-il. 

Sur son logement de fonction : "Je ne l'ai jamais occupé"

Le logement de fonction d'A.Benalla
Le logement de fonction d'A.Benalla Le logement de fonction d'A.Benalla

Alexandre Benalla a Ă©galement Ă©tĂ© questionnĂ© par les sĂ©nateurs sur son logement de fonction, situĂ© palais de l'Alma, Ă  Paris. "Il n'y avait pas de logement libre au moment oĂč je suis arrivĂ©. Je n'ai pas fait de demande Ă  ĂȘtre logĂ© dĂšs mai 2017", a assurĂ© l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, face Ă  la commission d'enquĂȘte sĂ©natoriale.

"Ensuite, vous vous rendez compte que vous commencez le matin à 6h30, vous finissez, il est 23 heures, voire minuit, 1 heure...", a-t-il poursuivi. "Vous faites vingt minutes de trajet pour rentrer chez vous, vous ne voyez pas votre femme... Et surtout, on vous demande beaucoup de disponibilité, de capacité de réagir", a défendu l'ex-chargé de mission. "J'ai donc fait la demande sur le tard." Alexandre Benalla a précisé qu'il avait fait cette demande "dans un cadre normal, au directeur de cabinet". Ce dernier lui a, selon ses dires, "tout de suite attribué ce logement pour nécessité absolue de service". "Je ne l'ai jamais occupé", a assuré l'ancien chargé de mission.

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