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"On a sous-estimé le vote des jeunes" : un chercheur explique la percée des Verts aux européennes

Franceinfo a interrogé Daniel Boy, spécialiste en sociologie électorale et en écologie politique.

Article rédigé par Camille Adaoust - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Yannick Jadot répond aux journalistes après les résultats aux élections européennes, le 26 mai 2019. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

C'est la surprise du scrutin. La liste d'Europe Ecologie-Les Verts menée par Yannick Jadot a obtenu 13,42% des voix, dimanche 26 mai, lors des élections européennes. Elle est ainsi arrivée troisième derrière le Rassemblement national (23,31%) et La République en marche (22,41%). C'est plus qu'en 2014 (8,95%), mais moins qu'en 2009 (16,48%).

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En Europe, d'autres partis écologistes ont réalisé une poussée, comme en Allemagne où ils sont arrivés deuxième du scrutin. Peut-on parler d'une percée verte en France comme en Europe ? Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof de Sciences Po et spécialiste en sociologie électorale et en écologie politique répond aux questions de franceinfo.

Franceinfo : Ces élections sont-elles une véritable victoire pour les partis écologistes ?

Daniel Boy : Les gens ont fait confiance aux "verts". On savait qu'il y avait un mouvement écologiste, à travers toutes les manifestations, qui pouvait pousser à ce vote. Mais rapidement, tous les partis se sont mis à présenter un programme écolo. Pourtant devant ces résultats, le vote écologiste ne s'est pas dispersé.

Au niveau européen, les résultats de l’écologie politique peuvent être très différents. Les pays qui y sont traditionnellement attachés sont l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, le Luxembourg ou la Suède. Les pays du Sud, comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou la Grèce, ne le sont pas. A l’Est, ça commence tout doucement. Pour l’instant, il n’y a pas de grands bouleversements.

Le dernier sondage donnait EELV à 9%. Pourquoi cette différence ?

On a sous-estimé le vote des jeunes. Dans certains sondages, lorsque l'on posait la question de l'enjeu le plus important, l'environnement arrivait souvent dans les premières réponses des électeurs. C'était notamment massif chez les 18-25 ans, et très récent. Mais il était difficile de savoir comment ça allait se traduire dans les urnes. Les jeunes ne sont généralement pas intéressés par les élections européennes. On pensait qu'ils allaient peu voter. Les sondages n'ont pas vu venir cette mobilisation et il y a eu une erreur de plusieurs points. Pour EELV, les sondages qui leur accordaient un score à deux chiffres étaient rarissimes.

Ils font toutefois moins bien qu’en 2009 ?

Si on rajoute les résultats d'Urgence écologie [1,82%] et les animalistes [2,17%], on arrive environ à 16%. C'est précisément ce qu'ils avaient fait en 2009. C'est un résultat assez similaire et honorable. 

Pourquoi le vote écologiste est-il plus important lors des européennes, par rapport à d'autres élections ?

Les européennes sont toujours des bonnes élections pour les "verts". L'Europe est un lieu de décision important sur les politiques environnementales. On reproche souvent à l'Europe d'être inefficace, mais sur l'environnement, on sait que les directives européennes sont efficaces et ont fait avancer la cause.

De plus, le mode de scrutin proportionnel avec une circonscription unique favorise les écologistes. Le système majoritaire à deux tours est une catastrophe pour eux. Ils n'ont aucune chance de passer au second tour. La seule solution pour eux, c'est un accord avec un parti. Là, ils peuvent y aller seuls, ils n'ont pas besoin d'un partenaire.

Que change ce résultat pour la suite ?

Premièrement, cela leur assure des fonds. Les eurodéputés vont toucher des salaires dont une partie sera reversée au parti. Ça tombe bien parce qu'ils ont des problèmes financiers depuis leurs mauvais résultats aux dernières législatives. 

Ensuite, cela va jouer un rôle pour les élections municipales de 2020. Le PS n'est pas en forme. Les deux partis vont peut-être trouver des accords dans lesquels les "verts" pourront réclamer davantage. Cela change le rapport de force avec les socialistes et les enjeux environnementaux pèseront peut-être plus dans les programmes communs.

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