Cet article date de plus d'onze ans.

Affaire Cahuzac : quatre questions embarrassantes pour le gouvernement

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à l'occasion d'un déplacement à l'Ecole nationale de la magistrature, à Bordeaux, le 15 février 2013.  (JEAN PIERRE MULLER / AFP)

Après la deuxième audition de l'ex-ministre du Budget par la commission d'enquête parlementaire, de nouveaux points à éclaircir émergent.

Jérôme Cahuzac n'a pas beaucoup aidé la commission d'enquête parlementaire sur les éventuels dysfonctionnements du gouvernement dans l'affaire de son compte suisse, mardi 23 juillet. Ni ses anciens collègues ministres. Lors de sa deuxième audition, l'ancien ministre du Budget a assuré ne pas se souvenir de certains faits, pourtant confirmés par le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici. A mesure que l'enquête avance, les questions embarrassantes s'accumulent pour le gouvernement, aussi bien sur le déroulement des faits que sur la suite des auditions.

Le refus d'entendre Jean-Marc Ayrault va-t-il avoir raison de la commission ?

"Cette commission n'aura servi à rien si nous n'avons pas l'éclairage du Premier ministre", avait affirmé le député UMP Georges Fenech à l'issue de la deuxième audition de Jérôme Cahuzac. Avant Nathalie Kosciusko-Morizet, mercredi matin, des membres UMP de la commission d'enquête avaient déjà proposé d'"inviter" Jean-Marc Ayrault à témoigner. Mais les députés PS ont voté contre cette audition. 

"Peut-être qu'un certain nombre de [ses] collègues de l'actuelle majorité pensent qu'il serait bon d'auditionner le Premier ministre, avait indiqué le président de la commission, Charles de Courson (UDI), "ne serait-ce que pour qu'il nous explique est-ce que oui ou non la réunion du 16 janvier a eu lieu a l'Élysée et est-ce que Jérôme Cahuzac y était bien"

Pourquoi c'est embarrassant.  Pour témoigner leur désapprobation, les parlementaires UMP ont claqué la porte de la commission. La question de la convocation du Premier ministre risque désormais de tourner au clivage politique au sein de cette instance censée faire la lumière sur l'affaire Cahuzac. 

Christiane Taubira en savait-elle plus qu'elle ne le dit ?

Christiane Taubira a eu un échange tendu avec la commission d'enquête, le 16 juillet. La ministre de la Justice, qui assure que la "justice [a] bien fait son travail", ajoute qu'elle n'a jamais cherché à en savoir davantage sur le compte en Suisse de Jérôme Cahuzac, "aussi surprenant que cela puisse paraître".

Pourtant, la ministre de la Justice était en contact permanent avec le parquet sur ce dossier, selon les informations du Canard enchaîné, confirmées par l'intéressée, interrogée mercredi par i-Télé. Entre le 6 décembre 2012 et le 2 avril 2013, 54 comptes-rendus du procureur général de Paris sur l'affaire Cahuzac ont été transmis au cabinet de la garde des Sceaux : soit un compte-rendu toutes les 48 heures. Christiane Taubira avait d'abord récusé ces informations, mercredi : "Je comprends que cela bouleverse considérablement de constater (...) que même pour un membre du gouvernement, la justice fait son travail", avait-elle dit, avant de reconnaître avoir eu connaissance de ces comptes-rendus. Cependant, "quand les informations nous remontent, il n'y a pas d'ingérence", a-t-elle précisé à i-Télé. 

Pourquoi c'est embarrassant. La ministre assure ne s'être intéressée que tardivement aux révélations de Mediapart sur la détention d'un compte en Suisse par Jérôme Cahuzac. Si un mensonge est découvert, la défense du gouvernement peut s'effondrer.

Y a-t-il eu une réunion à l'Elysée le 16 janvier ?

Jérôme Cahuzac a dit n'avoir aucun souvenir d'une rencontre dans le bureau du chef de l'Etat, réunion évoquée dans le livre de la journaliste Charlotte Chaffanjon, Jérôme Cahuzac, les yeux dans les yeux. "Dès lors que je n'ai aucun souvenir dans le bureau présidentiel, pour moi, cette réunion n'a pas eu lieu", a-t-il déclaré.

Devant la même commission, le 16 juillet, Pierre Moscovici avait reconnu la tenue de cette réunion, pas dans le bureau présidentiel, mais dans une salle voisine de la salle du Conseil des ministres. Il avait dit y avoir informé François Hollande et Jean-Marc Ayrault, en présence de Jérôme Cahuzac, de la possibilité d'utiliser la procédure d'entraide administrative avec la Suisse pour obtenir des informations sur un éventuel compte caché.

Pourquoi c'est embarrassant. Si cette réunion a bien eu lieu, en janvier, elle constitue une fissure dans la "muraille de Chine" que le gouvernement dit avoir érigée à partir du 10 décembre autour de Jérôme Cahuzac. Une "quarantaine" qui avait pour objectif de l'exclure de toutes les questions concernant les mesures à prendre à la suite des révélations de Mediapart. Et elle fait vaciller toute la défense du gouvernement.

 

Y aura-t-il une confrontation Cahuzac-Moscovici ?

"Puisqu'il y a une contradiction totale entre les déclarations de monsieur Cahuzac et celles de monsieur Moscovici, on ne peut pas faire l'économie de les entendre ensemble", estime Philippe Houillon, député UMP. Les membres de la commission d'enquête doivent également voter mercredi soir sur cette audition croisée.

Pourquoi c'est embarrassant. La divergence entre les deux versions des faits étant contradictoire, une confrontation peut être explosive et révéler les mensonges de l'un ou de l'autre des intéressés, voire de nouvelles informations sur le rôle du gouvernement dans l'affaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.