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"On ne peut pas laisser passer ça" : une association LGBT+ chrétienne "déçue" des propos du pape sur les enfants aux "tendances homosexuelles"

Selon le souverain pontife, "il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie" pour les enfants dont l'homosexualité est décelée durant leurs jeunes années. Une déclaration dénoncée par de nombreuses associations de défense des droits LGBT+.

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le pape François salue la foule à son arrivée à la Rencontre mondiale des familles, à Dublin, en Irlande, le 26 août 2018. (HANNAH MCKAY / REUTERS)

Son intervention fait déjà polémique. Le pape Françoisrecommandé dimanche 26 août le recours à la psychiatrie aux parents dont les enfants montrent des "tendances homosexuelles". "Quand cela se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses, a estimé le souverain pontife, dans l'avion qui le ramenait d'Irlande à RomeIl a aussi estimé que "le silence" n'était pas un "remède""Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité."  Des propos qui ont "déçu" Anthony Favier, coprésident de l'association LGBT+ chrétienne David & Jonathan.

Franceinfo : Comment réagissez-vous aux propos tenus par le pape ?

Anthony Favier : C’est dur de réagir sur une phrase, mais on est déçus de la réponse du pape François. Faire le lien spontané entre orientation homosexuelle d’un enfant et psychiatrie donne le signal que l’homosexualité est potentiellement pathologique. Et on ne peut pas laisser passer une chose pareille.

Toutes les associations LGBT vous diront que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne voit plus l’homosexualité comme un trouble depuis les années 1990 [précisément, le 17 mai 1990]. Que des personnes aient besoin d’un accompagnement psychologique car elles sont homosexuelles ou que leur enfant est homosexuel, pas de souci.

Que des personnes homosexuelles aient spontanément besoin de consulter car c’est un désordre ou quelque chose qu’il faut combattre, on ne peut pas laisser passer ça.

Anthony Favier, coprésident de l'association LGBT+ chrétienne David et Jonathan

à franceinfo

Je nuancerais juste car selon le verbatim que j’ai sous les yeux, tout n’est pas négatif. Il dit que "le silence" n'est pas un "remède" : on comprend que les enfants sont incités à faire leur coming out à leurs parents. On peut saluer le fait qu’il dise qu'il faille être en vérité avec l'orientation sexuelle de ses enfants. Il invite aussi à ne pas renier ses enfants ["donner une place au fils ou à la fille"].

Ses propos ne vous ont-ils pas d'autant plus surpris que le pape François avait jusqu'à présent plutôt tenu un discours d'ouverture envers les personnes homosexuelles ?

Vous savez, c’est un moment très, très difficile pour le pape qui va en Irlande [rencontrer des victimes de prêtres pédophiles]. Il y a aussi les accusations de l'archevêque Carlo Maria Vigano [cet ex-ambassadeur du Vatican accuse le pape d'avoir couvert les abus sexuels d'un cardinal américain]. Il faut prendre en compte le contexte. Doit-il donner des gages au clergé, en montrant qu’il n’est pas trop indulgent ?

Le pape François répond aux questions des journalistes dans l'avion qui le ramène d'Irlande, le 26 août 2018. (POOL NEW / REUTERS)

On ne peut pas juger tout un pontificat sur une phrase. Ses propos d'aujourd'hui n’invalident pas tout ce qu’il a dit précédemment, comme le "Qui suis-je pour juger ?"  lancé à son retour des Journées mondiales de la jeunesse au Brésil, en 2013. Ça reste le pape des deux synodes sur la famille – on n'a jamais eu des textes aussi ouverts sur ce sujet – et d'amoris laeticia (PDF) [en faveur de l'amour dans les familles], qui appelle à un certain accueil des homosexuels. Ça reste le pape qui a reçu des personnes homosexuelles assumées.

Mais il n'a jamais changé le catéchisme de l’Église catholique, pour qui l’homosexualité est toujours un désordre qui ne doit pas se matérialiser dans les actes. Lui est cohérent avec cette doctrine que, nous, on aimerait bien voir changer. Mais l’Église catholique est une institution complexe, mondiale, qui comporte des millions de fidèles dans des pays très différents.

Malgré tout, avez-vous l'impression que l’Église catholique progresse dans l'acceptation des personnes homosexuelles en son sein ?

Oui ! Un tiers des diocèses catholiques en France ont désormais des groupes de dialogue avec des familles d'homosexuels et des homosexuels. Il y a des diocèses où il y a des pèlerinages pour les personnes homosexuelles. On est beaucoup dans l'accompagnement et l’écoute, encore peu dans le changement de doctrine.

Il y a du mieux, il pourrait encore y avoir du mieux. Mais ça va beaucoup mieux que sous Benoît XVI : on respire un autre air avec le pape François.

Anthony Favier, coprésident de l'association LGBT+ chrétienne David et Jonathan

à franceinfo

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