Présidentielle américaine : pourquoi les républicains sont coincés avec Donald Trump
Après la diffusion de propos obscènes du milliardaire, un énième scandale dans la campagne, des républicains appellent le parti à changer de candidat à la Maison Blanche. Un scénario hautement improbable.
Rarement une campagne avait été aussi imprévisible. A quelques heures du deuxième débat présidentiel, dimanche 9 octobre, Donald Trump est lâché par les siens, après la diffusion d'une vidéo enregistrée en 2005, dans laquelle le candidat républicain à la Maison Blanche tient des propos obscènes à l'égard des femmes et évoque un comportement assimilable à une agression sexuelle. La goutte de trop pour de nombreux cadors du parti, déjà excédés par les outrances du milliardaire, un outsider de la politique dont l'ascension a surpris l'establishment républicain.
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Après cet énième scandale, ils sont nombreux à lui avoir retiré leur soutien, à moins d'un mois du scrutin. Certaines voix s'élèvent même pour demander son abandon pur et simple. "Donald Trump doit se retirer et [son colistier] Mike Pence devenir notre candidat de façon immédiate", a ainsi estimé John Thune, membre de l'équipe de direction des républicains du Sénat. Mais malgré l'ampleur de la polémique, un tel scénario a très peu de chances de se produire.
Parce que Donald Trump refuse d'abandonner
L'article 9 des règles du Comité national républicain (PDF, en anglais), l'instance dirigeante du parti, prévoit bien la possibilité de remplacer un candidat investi à l'élection présidentielle. Parmi les cas de figure prévus, la mort évidemment, mais aussi l'abandon du dit candidat. Visiblement, cette option n'est pas au programme pour Donald Trump. Le milliardaire n'a pas été très bavard depuis la révélation de ce nouveau scandale, mais il a tout de même pris la peine d'afficher sa détermination auprès de deux journaux.
Aucune chance que j'abandonne. Je n'abandonne jamais.
"Je ne me retirerai jamais, jamais de la vie", assure-t-il au Washington Post (en anglais), à l'origine de la diffusion de ses vieux propos obscènes. "Non, je n'abandonnerai pas cette élection. J'ai un soutien phénoménal." La plupart des figures du parti républicain l'ont pourtant désavoué. "Les gens m'appellent et me disent 'ne pense à rien d'autre qu'à faire campagne', fanfaronne le candidat. Les gens n'ont aucune idée du soutien [que je reçois]."
Le milliardaire affirme avoir reçu "des milliers et des milliers" de courriers et d'e-mails de soutien depuis la publication de l'article du Washington Post. Certes, la polémique affecte sa campagne, mais à l'entendre, ce n'est qu'une épreuve parmi tant d'autres. "J'ai déjà vécu ça, explique Donald Trump. Je comprends la vie et la façon de s'en sortir. Vous traversez des épreuves. J'en ai traversé beaucoup. Ça s'appelle la vie. Et c'est toujours intéressant."
Parce que les règles du parti ne sont pas prévues pour gérer une telle situation
Mis à part en cas d'abandon ou de mort du candidat investi, les règles du parti républicain ne sont pas très claires. Dans l'article sur son éventuel remplacement, un mot est sujet à interprétation : "Otherwise". Autrement dit, d'autres cas de figure sont bien envisagés, mais pas précisés. A priori, à en croire les spécialistes interrogés par les médias américains, cette formulation ne permettrait cependant pas aux républicains de remplacer Donald Trump juste parce que le milliardaire ne les satisfait plus.
"L'intention, c'était de permettre au parti d'avoir toute latitude pour remplacer quelqu'un dans l'incapacité d'accomplir sa tâche, sans pour autant qu'il ne soit mort ou qu'il n'ait abandonné, explique Josh Putnam, professeur de science politique à l'université de Géorgie, au New York Times (en anglais). [La règle] ne dit pas quoi faire si quelqu'un a fait des commentaires controversés sur un enregistrement il y a 11 ans et si on veut le remplacer maintenant."
"Cette phrase donne seulement le pouvoir au Comité national républicain de pourvoir les postes vacants, pas de les créer, abonde Jim Bopp, un avocat conservateur proche du parti, interrogé par Politico (en anglais). Le pouvoir de créer une vacance est un pouvoir séparé et indépendant (…) et il devrait être confié au Comité par une règle spécifique, qui n'existe pas." Et il est trop tard pour songer à changer les règles : elles peuvent bien être amendée par un vote, mais dans un délai de 30 jours, explique la BBC (en anglais).
Parce que c'est trop tard pour faire machine arrière
Les noms de Donald Trump et de Mike Pence figurent déjà sur les bulletins préparés à l'occasion du scrutin du 8 novembre et de nombreux Américains ont déjà voté en avance. Près de 400 000 voix ont déjà été enregistrées, à en croire un décompte cité par le Washington Post (en anglais). Faire un changement de dernière minute ouvrirait la voie à de nombreuses procédures judiciaires, affirme Benjamin Ginsberg, un avocat qui a travaillé sur les campagnes présidentielles des républicains Mitt Romney et George W. Bush : "Il faudrait monter une armée d'avocats et les envoyer dans chaque Etat du pays."
"C'est irréaliste et politiquement risqué d'aller supplier 50 secrétaires d'Etat différents pour faire modifier les bulletins de vote, reconnaît un membre du Comité national républicain, interrogé par CNN (en anglais). Nous sommes coincés, tout comme Mike Pence [le colistier de Donald Trump]." "Sérieusement, ce n'est pas une option, abonde un autre. Les bulletins sont imprimés, les gens ont commencé à voter."
On va juste devoir faire avec.
Parce que de toute façon, qui choisir à la place ?
Au sein du parti républicain, certains voix évoquent la possibilité de remplacer Donald Trump par son colistier, Mike Pence. Mais ce dernier ne deviendrait "pas automatiquement le candidat investi", rappelle Nathaniel Persily, expert en droit constitutionnel à l'université de Stanford, interrogé par le New York Times. Le spécialiste évoque par exemple le nom de Ted Cruz, sénateur ultraconservateur et candidat malheureux aux primaires républicaines.
Si les républicains souhaitaient remplacer Donald Trump avant l'élection, les membres du Comité national devraient se mettre d'accord sur un nouveau nom, ou convoquer une nouvelle convention, comme celle organisée en juillet pour investir le milliardaire. Reste une dernière possibilité : convaincre les "grands électeurs", chargés de formellement élire le président américain après le scrutin du 8 novembre, de ne pas voter pour Donald Trump mais pour un autre candidat.
Là encore, un tel scénario relève davantage de la science-fiction que de la réalité politique : il semble difficile d'en convaincre une majorité, 270, de choisir un autre homme que celui sélectionné par les électeurs américains. Dans certains Etats, les grands électeurs sont contraints de voter pour le candidat dont le nom apparaît sur le bulletin, précise le New York Times, même si les sanctions en cas de non-respect de cette règle sont loin d'être claires. Quoi qu'il en soit, Donald Trump a eu "son mot à dire dans le choix de ces grands électeurs", rappelle l'avocat Benjamin Ginsberg. "Vous demandez à des gens loyaux à son égard de soutenir quelqu'un d'autre que lui." Pour le spécialiste, tout cela relève du "coup de billard à trois bandes".
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