Élection américaine : quatre questions sur ces grands électeurs qui vont désigner le prochain président des États-Unis
Qui sont ces grands électeurs que Donald Trump et Joe Biden doivent obtenir pour être élu ? Quel que soit le scénario, le prochain président des Etats-Unis ne sera officiellement élu que dans un peu plus d'un mois par un collège de grands électeurs.
Quelle que soit l'issue des décomptes des bulletins de vote et des procédures judiciaires potentielles, le 46e président des États-Unis ne sera officiellement pas désigné avant le lundi 14 décembre, date à laquelle les 538 grands électeurs du collège électoral se réuniront pour entériner les votes des citoyens dans chacun des Etats. Franceinfo revient sur le rôle de ces acteurs essentiels et très spécifiques de la démocratie américaine.
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À quoi servent-ils ?
L'élection américaine est bien différente de ce que l'on connaît en France pour la présidentielle. Même si les bulletins de vote portent les noms des candidats à la présidentielle, les électeurs ne votent pas directement pour l'un d'eux, mais, dans chaque Etat, pour une liste de grands électeurs affiliés à l'un ou l'autre des partis. C'est un suffrage universel indirect. Ce sont donc les grands électeurs qui désignent formellement le futur président des États-Unis et son vice-président, comme le prévoit la Constitution américaine. Et cela ne se fait pas au lendemain du vote des citoyens pour la présidentielle, qui a lieu tous les quatre ans, le mardi suivant le premier lundi de novembre. Ce n'est que dans un second temps que les grands électeurs, aussi appelés collège électoral, désignent le président : le premier lundi qui suit le deuxième mercredi de décembre.
C'est donc cette fois-ci le lundi 14 décembre que les grands électeurs se réuniront, dans leurs États respectifs et voteront pour désigner président et vice-président. Les votes seront ensuite transmis au Sénat des Etats-Unis, à Washington, qui procèdera au décompte des voix. Le candidat ayant obtenu la majorité absolue des voix des grands électeurs est élu président. Le Congrès tiendra ensuite, le 6 janvier une session pour déclarer le vainqueur de l'élection. L'investiture et la prestation de serment du président (Inauguration Day) auront lieu le mercredi 20 janvier.
Combien sont-ils ?
Ils sont au nombre de 538. Pour chaque Etat, le nombre de grands électeurs est calqué sur le nombre d'élus au Congrès (au Sénat et à la Chambre des représentants). Chacun des 50 Etats dispose, quelle que soit sa taille, de deux sénateurs, et en fonction de sa population, d'au moins un représentant à la chambre basse. C'est donc le même principe pour les grands électeurs : tous les Etats en comptent deux et au moins un de plus, en fonction de la population. Soit trois grands électeurs au minimum.
Les Etats les plus peuplés comptent donc le plus grand nombre de grands électeurs. La Californie en compte ainsi 55, le Texas, 38, New York et la Floride 29, la Pennsylvanie 20. Ces cinq Etats sont donc ceux qui pèsent le plus. A l'inverse, le Montana, le Delaware, l'Alaska, ou le Vermont ne comptent q ue trois grands électeurs chacun.
Pour être élu, le candidat doit obtenir les voix d'au moins 270 des 538 grands électeurs, soit la majorité absolue. Dans la plupart des États, le candidat qui obtient la majorité des voix, même de très peu, remporte tous les grands électeurs. C'est le système du winner-takes-all, "le gagnant remporte le tout". Seuls deux États n'appliquent pas cette règle et appliquent un système proportionnel : le Nebraska et le Maine.
Ce système électoral fait que la victoire peut se jouer dans un Etat clef (les fameux Etats pivots, ou swing states) ou que l'on peut arriver en tête en nombre de voix au niveau national mais perdre tout de même l'élection. En 2016, Hillary Clinton avait obtenu près de trois millions de voix de plus que Donald Trump. Mais en arrivant en tête dans plusieurs États clefs, le candidat républicain avait malgré tout dépassé le seuil de grands électeurs nécessaires : il en avait obtenu 306. En 2000, le républicain George W. Bush l'avait emporté alors qu'Al Gore, son rival démocrate, avait recueilli la majorité des suffrages populaires au niveau national (plus de 500 000 voix d'avance).
Comment sont-ils désignés ?
La Constitution américaine ne précise pas comment sont, avant l'élection, désignés les grands électeurs. Elle indique seulement qu'"aucun sénateur ou représentant", ni aucune personne ayant aux États-Unis "une charge de confiance ou de profit", ne peut être nommé grand électeur.
Souvent inconnus du grand public, les grands électeurs sont désignés par chaque parti politique au cours des mois qui précèdent l'élection et dans des conditions qui varient selon les États. La désignation peut par exemple avoir lieu lors des primaires, lors des Conventions nationales, ou être gérée par les comités de campagne des candidats à la présidence. Les grands électeurs peuvent être des responsables locaux ou des personnalités choisies par le parti pour leur implication ou pour services rendus.
Doivent-ils obligatoirement respecter le vote populaire ?
Ils sont en principe tenus de le faire mais il n'y a pas de mention à ce sujet dans la Constitution. Dans les faits des abstentions ou des changements de vote peuvent se produire. Dans 33 des 50 États et dans le district de Columbia, le vote des grands électeurs est encadré par des règles ou des lois et ceux qui s'affranchiraient du vote populaire peuvent parfois être passibles de poursuites pénales. La Cour Suprême américaine a d'ailleurs jugé, en juillet dernier, que sanctionner ainsi les grands électeurs était légal. Le contentieux portait sur des sanctions prises après le scrutin de 2016 par les États du Colorado et de Washington contre des grands électeurs "déloyaux" (en anglais "faithless electors").
En 2016, cinq grands électeurs avaient refusé de voter pour Hillary Clinton alors qu'elle était arrivée en tête dans leur État et deux avaient fait défection à Donald Trump. Il y a eu avant cela, de 1796 à 2016, 180 votes contraires aux attentes lors des élections présidentielles. Ces revirements n'ont jamais, à ce jour, eu d'incidence sur l'issue des scrutins. Une telle perspective a malgré tout été évoquée par certains magistrats de la Cour suprême l'été dernier. "Si un vote populaire donne une très courte victoire à un candidat, il pourrait y avoir des campagnes concertées pour changer le résultat en influençant certains grands électeurs", avait souligné le juge conservateur Samuel Alito.
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