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Désaccords sur le terrorisme, tensions franco-américaines et bouderie de Trump : ce qu'il faut retenir du sommet du 70e anniversaire de l'Otan

Le président américain est parti fâché et précipitamment de ce sommet, qui se tenait près de Londres, après la diffusion d'une vidéo où Justin Trudeau semble rire de lui. 

Article rédigé par franceinfo
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Les dirigeants des pays de l'Otan, avec au premier plan le président américain Donald Trump et le président turc Recep Tayyip Erdogan,  lors de la traditionnelle photo de famille, le 4 décembre 2019, à l'occasion du sommet du 70e anniversaire de l'Otan, à Londres. (MUSTAFA KAMACI / ANADOLU AGENCY / AFP)

Les fêtes de famille peuvent parfois tourner au règlement de comptes. Pour le sommet du 70e anniversaire de l'Otan, les 29 membres de l'Alliance atlantique ont peiné à afficher leur cohésion face aux défis qui émergent, trois décennies après la fin de la guerre froide. Piqué au vif par de supposées moqueries venues de ses alliés, Donald Trump est même parti vexémercredi 4 décembre, de cette réunion organisée sur un golf de luxe à Watford (Royaume-Uni), dans la banlieue de Londres. Voici ce qu'il faut en retenir. 

Une vidéo sème la zizanie entre Trump et Trudeau

Après une journée de réunions parfois tendues, l'ambiance se voulait plus détendue mardi soir entre les dirigeants des pays de l'Otan réunis dans les salons de Buckingham Palace, à Londres. Seules quelques images autorisées devaient sortir de ce rendez-vous organisé autour de la reine Elizabeth II. Mais une vidéo d'un échange volé a très vite retenu l'attention. Les images montrent le président français, Emmanuel Macron, en pleine discussion, manifestement amusante, avec les Premiers ministres canadien, britannique et néerlandais, Justin Trudeau, Boris Johnson et Mark Rutte, et la princesse Anne (fille d'Elizabeth II).

La chaîne canadienne CBC (lien en anglais) a décrypté quelques bribes de la conversation et a diffusé les images sous-titrées. "C'est pour ça que vous êtes en retard ?" demande le Premier ministre britannique à Emmanuel Macron. Justin Trudeau, qui vient de rencontrer le président américain, parle d'une "conférence de presse de 40 minutes inattendue" : "Oh, oui, oui, il a annoncé... poursuit le Premier ministre canadien en souriant. On pouvait voir son équipe qui tombait des nues." 

Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, a expliqué par la suite qu'il parlait à ce moment précis de son entretien avec Donald Trump et que l'annonce qui avait fait "tomber des nues" l'équipe du président était l'organisation du prochain G7 dans la résidence gouvernementale de Camp David, dans le Maryland, à la place de son golf de Miami, comme prévu un temps. "J'étais content de leur raconter comment cela s'était passé, a-t-il expliqué, assurant avoir une "très bonne relation avec le président Trump."

Ces images ont été aussitôt abondamment partagées et commentées comme le symbole d'un président américain isolé et moqué par ses alliés, au moment où il est pourrait être menacé par une procédure de destitution dans son pays. "Trudeau, il a deux visages. C'est un gars sympa, très gentil même. Je représente les États-Unis et il devrait payer plus qu'il ne paie. Je peux imaginer qu'il n'est pas si heureux, mais c'est comme ça", a lâché Donald Trump alors qu'il se trouvait en compagnie de la chancelière allemande Angela Merkel. Il avait déjà eu des échanges difficiles avec Justin Trudeau après le G7 de 2018. Contrarié, le président américain a annulé sa conférence de presse finale. Puis, il est reparti précipitamment dans la soirée pour Washington.

Un échange tendu entre Macron et Trump 

Le sommet de l'Otan avait déjà débuté sur fond de tensions diplomatiques. Donald Trump avait ouvert les hostilités dès sa première intervention, mardi, en qualifiant de "très insultants" les propos d'Emmanuel Macron, qui avait jugé l'Otan en état de "mort cérébrale" le mois dernier. C'est un jugement "très, très méchant à l'adresse de 28 pays", a estimé le président américain. 

Personne n'a besoin de l'Otan plus que la France.

Donald Trump

De son côté, le président français a répété "assumer totalement" ses propos : "Ils ont permis de soulever un débat qui était indispensable." Ces tensions prennent racine dans l'intervention lancée par la Turquie en octobre dans le nord-est de la Syrie, contre des combattants kurdes alliés des Occidentaux, sans en informer les autres membres de l'Alliance atlantique. La rencontre entre les présidents américain et français, qui s'est tenue sur fond de désaccords commerciaux, a donné lieu à une échange tendu. Donald Trump a proposé, non sans ironie, à son homologue français de récupérer les "beaux combattants de l'État islamique". La suggestion a provoqué un léger agacement d'Emmanuel Macron qui, de marbre, a répondu : "Soyons sérieux." 

Le président français a ensuite expliqué que les jihadistes européens n'étaient qu'une toute petite partie du problème, ce qui a provoqué un nouveau tacle du président américain : "C'est pour ça que c'est un grand homme politique, parce que c'était l'une des meilleures non-réponses que je n'ai jamais entendues", a-t-il dit ironiquement au sujet d'Emmanuel Macron.

Des désaccords franco-turcs sur le terrorisme

Un autre point de discorde est apparu entre les alliés sur la question du terrorisme. Emmanuel Macron a affirmé ne "pas voir de consensus possible" avec la Turquie sur la définition du terrorisme. "Il est clair que nous ne sommes pas d'accord pour classer comme groupe terroriste les forces des Unités de protection du peuple [YPG, des combattants kurdes]. Nous combattons le PKK et tous ceux qui mènent des activités terroristes contre la Turquie, mais nous ne faisons pas ce raccourci ou cette agrégation que la Turquie souhaite entre ces différents groupes politiques ou militaires", a précisé le président français au cours de sa conférence de presse.

Il y a un désaccord et il n'est pas levé.

Emmanuel Macron

Mais Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan, le président turc (qui avait copieusement insulté le président français la semaine dernière), ont finalement approuvé la déclaration finale. Le texte condamne le terrorisme "sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations" et le considère comme "une menace persistante pour nous tous", a indiqué le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. Ce dernier a reconnu que des désaccords se sont exprimés au cours du sommet : "Cela serait très étrange autrement."

Une déclaration commune qui cible la Chine 

Dans leur déclaration commune, les 29 membres de l'Otan ont reconnu pour la première fois la montée en puissance de la Chine comme un "défi". Le texte relève ainsi "l'influence croissante et les politiques internationales de la Chine comme des opportunités et des défis, auxquels nous devons répondre ensemble en tant qu'Alliance".

La Chine n'a pas apprécié.  En réponse, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a estimé devant la presse que "la croissance de la puissance chinoise est celle d'une puissance pacifique". Sans nommer les Etats-Unis, elle a assuré que "la plus grande menace actuelle pour le monde est celle de l'unilatéralisme et de l'intimidation".

De son côté, le secrétaire général de l'Otan a rappelé que Pékin est accusée de monter des cyberattaques contre l'Europe et de recourir à l'espionnage industriel, ce qui a des "conséquences pour la sécurité des pays de l'Alliance".

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