Attaque terroriste près de Moscou : ce que l'on sait de l'attentat dans une salle de concert, revendiqué par le groupe Etat islamique

Une enquête pour "acte terroriste" a été ouverte par les autorités russes. La présidence ukrainienne assure n'avoir "rien à voir" avec cette attaque, qui a fait 133 morts et une centaine de blessés.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des membres des services de secours russes interviennent au Crocus City Hall de Krasnogorsk, dans la banlieue de Moscou, le 23 mars 2024 après une attaque terroriste meurtrière survenue dans cette salle de concert. (RUSSIAN EMERGENCY MINISTRY / AFP)

Les sirènes ont résonné une bonne partie de la nuit dans Moscou. Au moins 133 personnes ont été tuées dans une attaque contre une salle de concert située dans une banlieue de la capitale russe, vendredi 22 mars. Une enquête a été ouverte pour "acte terroriste", a annoncé le Comité d'enquête russe, alors que le Kremlin a annoncé samedi l'arrestation de onze personnes, dont quatre soupçonnées d'avoir directement participé à l'attentat.

Celui-ci a été revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI), via la messagerie Telegram, quelques heures après les premiers coups de feu. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de cette attaque meurtrière.

Le bilan provisoire est de 133 morts

L'attaque a causé la mort de 133 personnes, selon un bilan provisoire communiqué samedi par le Comité d'enquête sur Telegram. "Les opérations de recherche se poursuivent", ajoutent les enquêteurs. Un précédent état des lieux faisait état de 115 décès et d'une centaine de blessés. 

Onze personnes interpellées, dont quatre assaillants, selon le Kremlin

Les autorités russes ont arrêté onze personnes, dont quatre soupçonnées d'avoir directement participé à l'attentat, a annoncé le Kremlin sur Telegram samedi. Les services de sécurité affirment que les suspects de l'attaque meurtrière avaient des "contacts" en Ukraine et comptaient y fuir. Des suspects ont été arrêtés dans une région russe frontalière de l'Ukraine, a ajouté le FSB. 

Le président russe, Vladimir Poutine, a aussi assuré samedi que "les quatre auteurs" de l'attaque avaient été arrêtés alors qu'ils "se dirigeaient vers l'Ukraine". "Ils se dirigeaient vers l'Ukraine où, selon des données préliminaires, une 'fenêtre' avait été préparée pour qu'ils franchissent la frontière", a-t-il accusé, avant d'assurer que "ceux qui sont derrière ces terroristes seront punis" et qu'ils "n'auront pas un destin enviable".

Le groupe Etat islamique revendique l'attaque

Sur l'un de ses comptes Telegram, le groupe jihadiste Etat islamique a revendiqué être à l'origine de l'attaque : des combattants de l'EI "ont attaqué un grand rassemblement de chrétiens (…) dans les environs de la capitale russe Moscou", est-il écrit dans le message relayé par l'organe de propagande de l'organisation. Ces assaillants "se sont retirés dans leurs bases en toute sécurité", a également assuré le groupe terroriste.

Samedi, le groupe terroriste a de nouveau revendiqué la tuerie, ajoutant que l'attaque s'inscrivait "dans le contexte (…) de la guerre faisant rage" entre le groupe et "les pays combattant l'islam".

L'EI a déjà ciblé la Russie par le passé et a notamment revendiqué l'attaque ayant blessé 13 personnes en décembre 2017 dans un supermarché de Saint-Pétersbourg. L'EI et la Russie "ont un long contentieux et il y a, entre guillemets, une "dette de sang" qui remonte à plusieurs années, à la guerre en Syrie ou à la Tchétchénie", a rappelé au micro de franceinfo Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste du jihadisme. 

Des armes automatiques utilisées par les assaillants

Les services de secours, cités par l'agence russe Interfax, ont fait état d'un "groupe de deux à cinq personnes non identifiées portant des uniformes tactiques et armées d'armes automatiques" qui ont "ouvert le feu sur les agents de sécurité à l'entrée de la salle de concert" puis "commencé à tirer sur le public". Une description de l'attaque que confirme un journaliste de l'agence de presse publique Ria Novosti. Selon lui, des individus en tenue de camouflage ont fait irruption dans la salle de concert avant d'ouvrir le feu et de lancer "une grenade ou une bombe incendiaire, ce qui a provoqué un incendie".

"L'attaque a été menée par quatre combattants de l'EI armés de mitrailleuses, d'un pistolet, de couteaux et de bombes incendiaires", a de son côté affirmé l'EI sur l'un de ses comptes Telegram.

Les chaînes Telegram d'actualités Baza et Mash, réputées proches des forces de l'ordre, ont publié des vidéos montrant au moins deux hommes armés avançant dans le hall. Sur ces images, on peut également voir des corps au sol et des groupes de personnes se précipitant vers la sortie. 

Washington avait récemment alerté sur un risque d'attaque

L'ambassade américaine en Russie avait averti au début du mois ses citoyens que des "extrémistes ont des projets imminents de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts". Elle leur recommandait dans cette note du 7 mars "d'éviter les grands rassemblements au cours des prochaines 48 heures".

Les Etats-Unis avaient en outre mis en garde la Russie contre ce risque, a fait savoir la Maison Blanche dans la nuit de vendredi à samedi. D'après Washington, Joe Biden a appliqué une politique de longue date de "devoir d'alerte", en vertu de laquelle les Etats-Unis préviennent les pays visés lorsqu'ils reçoivent des renseignements sur des menaces d'enlèvements ou d'assassinats.

Le gouvernement du Royaume-Uni avait également mis en garde ses ressortissants en mars face à un risque "très probable" d'attaque terroriste sur le sol russe, leur conseillant sur son site officiel d'éviter entre autres les grands rassemblements comme les concerts.

Le lieu visé est une salle de concert

L'attaque a eu lieu au Crocus City Hall, une salle de concert située à Krasnogorsk, une banlieue située juste à la sortie nord-ouest de la capitale russe. Le groupe de rock russe Piknik devait s'y produire. Un vaste incendie s'est déclaré dans le bâtiment au cours de l'attaque.

"Aujourd'hui, une tragédie s'est produite à la salle de concert Crocus, dont nous ne pouvons pas encore évaluer l'ampleur. Nous suivons la situation en attendant les informations officielles. Les musiciens et le management du groupe sont vivants et en sécurité", a réagi vendredi le groupe Piknik sur Instagram.

"Il reste encore quelques foyers mais l'incendie a été pratiquement circonscrit", a déclaré dans la nuit sur Telegram le gouverneur de la région de Moscou. Les travaux de déblayage y ont commencé "et vont durer toute la journée", a précisé le responsable dans la matinée, en précisant que 477 secouristes étaient déployés sur les lieux.

Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a annoncé l'annulation de tous les évènements publics dans la ville samedi et dimanche, tout comme plusieurs autres régions russes en signe de solidarité. Sur la messagerie Telegram, les autorités locales ont demandé aux Moscovites de ne pas ouvrir les fenêtres et de ne pas sortir de chez eux.

Vladimir Poutine dénonce un acte "terroriste barbare"

Lors de sa première allocution télévisée depuis l'attaque, le président russe a dénoncé samedi un acte "terroriste barbare""J'exprime mes plus sincères condoléances à ceux qui ont perdu leurs proches (...). Je déclare le 24 mars jour de deuil national", a déclaré le chef d'Etat, en fustigeant un "massacre sanglant".

A aucun moment, il n'a mentionné la revendication du groupe jihadiste Etat islamique, intervenue dès vendredi soir alors que Kiev a démenti avec véhémence toute implication.

L'Ukraine dément toute implication

La présidence ukrainienne assure n'avoir "rien à voir" avec cette attaque et accuse le Kremlin et ses services spéciaux d'avoir orchestré l'attaque meurtrière pour pointer du doigt l'Ukraine et justifier une "escalade" de la guerre. "L'attentat terroriste de Moscou est une provocation planifiée et délibérée des services spéciaux russes sur ordre de Poutine", avait affirmé le GUR, le renseignement militaire ukrainien, avant que l'Etat islamique ne revendique l'attaque. "Son objectif est de justifier des frappes encore plus dures contre l'Ukraine et une mobilisation totale en Russie."

La légion Liberté de la Russie, l'unité de combattants russes anti-Kremlin à l'origine de plusieurs incursions armées à la frontière russe ces derniers mois, nie également toute implication. "La Légion ne combat pas les civils russes", assure le groupe.

Paris, Bruxelles et Washington dénoncent l'attaque

La Maison Blanche est "en pensées aux côtés des victimes de la terrible attaque", affirme un porte-parole de la présidence américaine, évoquant des "images horribles et difficiles à regarder". Elle assure par ailleurs n'avoir "pas d'indication à ce stade que l'Ukraine ou des Ukrainiens soient impliqués". Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres condamne lui "dans les termes les plus forts l'attaque terroriste" qui a eu lieu à Moscou, a annoncé son porte-parole adjoint dans un communiqué.

L'Union européenne se dit "choquée et consternée" après "l'attaque terroriste" à Moscou, selon un porte-parole de l'UE sur X. Emmanuel Macron a "condamné fermement" cette "attaque terroriste revendiquée par l'Etat islamique". "La France exprime sa solidarité avec les victimes, leurs proches et tout le peuple russe", a affirmé le chef de l'Etat, selon l'Elysée.

Le président chinois Xi Jinping a présenté ses "condoléances" à Vladimir Poutine, en assurant que la Chine "soutient fermement les efforts du gouvernement russe pour maintenir la sécurité et la stabilité" en Russie. Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, proche de Moscou, a par ailleurs annoncé sur Telegram l'annulation de toutes les manifestations publiques dans sa république. Les drapeaux seront mis en berne demain en Tchétchénie.

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