: Reportage "Il n'y a plus d’hommes politiques de ce genre" : à Moscou, la très longue file d'attente pour se rendre sur la tombe d'Alexeï Navalny
Devant le cimetière de Borisovo, dans le sud de Moscou, dimanche 3 mars 20204, la queue pour accéder à la tombe d'Alexeï Navalny a mesuré jusqu'à un kilomètre. Des gens de tous âges, toutes conditions, loin de la caricature faite parfois des navalnistes, nécessairement jeunes et appartenant aux classes moyennes, sont venus par milliers fleurir la tombe de l'opposant mort le 16 février en prison.
"Au fond, ce qui est important, ce n’est pas tant de se rendre sur sa tombe mais de sentir qu’on n’est pas seul, qu’il y a des gens complètement différents qui partagent les mêmes idées ou tout simplement des gens qui se sont souciés de lui, confie Pavel, un étudiant. C’est formidable qu’il y ait des personnes d’âges différents, des enfants, des personnes âgées".
"C'est entièrement notre faute"
Mais si, depuis deux jours, certains se sentent renforcés par cette démonstration de force des opposants au pouvoir, qui sortent par milliers rendre hommage à Alexeï Navalny, beaucoup au cimetière étaient en larmes, comme cet homme. "J’ai les larmes aux yeux, c’est très dur, je n’ai pas de mots."
"Pour moi, le dernier grand romantique russe s’en est allé, un homme qui pouvait faire quelque chose."
Un opposant russeà franceinfo
"C’est notre faute, entièrement notre faute. La mienne encore plus, bien que j’ai participé à toutes ses manifestations pendant de nombreuses années. Excusez-moi, c’est difficile", prend-il congé, effondré.
Mélange de tristesse infinie et de désespoir, ce dernier adieu ressemblait aussi à l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui l'opposition russe et qu'exprimait Konstantin, un retraité à la sortie du cimetière. "Le dernier grand homme a quitté notre pays. Il n’y a plus d’hommes politiques de ce genre et je n’en vois pas à l’horizon. J’ai beaucoup perdu. Je pense que ce pouvoir ne disparaîtra pas de façon pacifique. Le pays n’est pas prêt, le pays ne veut pas de changement. Les gens sont effrayés, ont peur. Malheureusement".
Non loin de lui, Alia confiait avoir, elle aussi, perdu tout espoir de changement. "Nous avons compris et beaucoup de gens n’iront pas voter aux élections parce que tout est déjà connu d’avance". À deux semaines de la présidentielle, le pouvoir russe avait allégé la présence policière dimanche autour du cimetière, comme pour mieux montrer qu'il avait la situation en main.
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