Syrie : ce que l'on sait de l'opération militaire menée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni
Les trois pays ont mené des frappes aériennes contre plusieurs cibles syriennes, en réponse à l'attaque chimique présumée menée par le régime de Bachar Al-Assad à Douma. L'opération est terminée et aucune nouvelle frappe n'est prévue dans l'immédiat.
Une opération militaire a été menée contre la Syrie par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 avril. Ces trois pays entendent punir le régime de Bachar Al-Assad, qu'ils accusent d'avoir mené une attaque à l'arme chimique contre des civils dans la Ghouta orientale. "Une opération conjointe est en cours avec la France et le Royaume-Uni, nous les remercions tous les deux", a déclaré Donald Trump, qui s'exprimait à la Maison Blanche vendredi soir.
Au moment même où le président américain s'exprimait, plusieurs détonations ont été entendues à Damas, selon des correspondants de Reuters et de l'AFP sur place. Des témoins disent à l'AFP avoir vu des colonnes de fumée s'élever du nord-est de Damas. Cette vague de frappes, dont il reste à déterminer le nombre, est terminée, ont ajouté les autorités américaines moins d'une heure plus tard.
Quelle est l'ampleur des frappes menées en Syrie ?
L'intervention a visé "des cibles multiples" avec "des types de munitions divers", a indiqué un responsable américain, qui a notamment évoqué le recours à des missiles de croisière Tomahawk. "Des frappes occidentales ont visé des centres de recherche scientifique, plusieurs bases militaires et des locaux de la Garde républicaine à Damas et ses environs", a pour sa part rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Le chef du Pentagone a déclaré que ces frappes des Etats-Unis et de leurs alliés ont plus lourdement frappé la Syrie que lors des tirs de missiles d'avril 2017, contre une base militaire syrienne.
La ministre française des Armées, Florence Parly, a affirmé samedi matin lors d'une conférence de presse que les frappes ont visé "le principal centre de recherche" et "deux centres de production" du "programme clandestin chimique" du régime de Bachar Al-Assad.
Les Etats-Unis et leurs alliés lancent des frappes ciblées en Syrie. Le point complet ici ➡️ https://t.co/vfeFX43HBx #AFP pic.twitter.com/7q16eeZATk
— Agence France-Presse (@afpfr) 14 avril 2018
Londres a annoncé que des frappes britanniques ont visé un "complexe miliaire" près de Homs. Selon le ministère britannique de la Défense, quatre avions de combat Tornado ont pris part aux frappes. Des missiles Shadow ont été utilisés contre un site militaire situé à 24 km à l'ouest de la ville de Homs et éloigné de tout groupement d'habitations de population civile.
Quel a été le rôle des forces françaises ?
Le président français Emmanuel Macron a annoncé dans un communiqué avoir "ordonné aux forces armées françaises d’intervenir" avec une réponse "circonscrite aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques". Une courte vidéo diffusée dans la nuit sur le compte Twitter de l'Elysée montre le décollage de plusieurs avions de chasse Rafale d'une base qui n'est pas identifiée.
Décollage, cette nuit, des forces armées françaises qui interviennent contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien. Déclaration du Président de la République @EmmanuelMacron : https://t.co/HNSK0FmZIO pic.twitter.com/DEAW7R50aC
— Élysée (@Elysee) 14 avril 2018
La ministre des Armées, Florence Parly, a pour sa part diffusé sur son compte Twitter la photo d'un Rafale en phase de décollage. Les Rafale sont dotés de missiles Scalp.
Cette nuit, sur ordre du Président de la République, les armées françaises, en étroite coordination avec les armées américaines et britanniques, ont mené une opération en Syrie. pic.twitter.com/gAvclwA8r3
— Florence Parly (@florence_parly) 14 avril 2018
Lors d'une conférence de presse conjointe, Jean-Yves Le Drian et Florence Parly ont donné des précisions sur cette opération. Le principal centre de recherche du programme chimique syrien et deux centres de production ont été frappés, a indiqué la ministre.
"Cette opération combinait des moyens navals et aériens, a précisé la ministre des Armées. Des frégates multimunitions, accompagnées de bâtiments de protection et de soutien, ont été déployées en mer Méditerranée. Dans le même temps, un raid aérien est parti en début de nuit depuis plusieurs bases aériennes en France afin de rejoindre les côtes de la Syrie. Ces différents moyens ont tiré des missiles de croisière sur les objectifs prévus, en étroite synchronisation avec nos alliés américains et britanniques", a poursuivi la ministre.
Quel est le message de Washington, Paris et Londres ?
Donald Trump a affirmé que l'objectif des opérations "était d'établir une dissuasion forte contre la production, la prolifération et l'emploi d'armes chimiques". Il a exhorté Moscou "à quitter la voie sinistre" du soutien à Bachar Al-Assad. Le président américain a également déclaré que la Russie avait "trahi ses promesses" de 2013 sur l'élimination des armes chimiques syriennes.
Par ailleurs, Donald Trump a mis en garde l'Iran et la Russie, qui ont déployé des milliers d'hommes et du matériel pour aider Bachar Al-Assad à reconquérir le pays, contre leurs liens avec la Syrie. Il a aussi estimé que le sort des pays de la région était entre les mains de leurs habitants, et qu'aucune intervention militaire américaine ne pourrait, à elle seule, apporter une "paix durable".
"Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l'emploi d'armes chimiques, qui est un danger immédiat pour le peuple syrien et pour notre sécurité collective", a pour sa part estimé Emmanuel Macron, dans un communiqué de l'Elysée. La Première ministre britannique, Theresa May, a affirmé qu'il n'y avait "pas d'alternative à l'usage de la force".
De nouvelles frappes sont-elles prévues ?
Cette première vague de frappes est terminée, ont annoncé les autorités américaines moins d'une heure après le début des opérations, et il n'y a pas d'autres frappes prévues pour l'instant, a ajouté le ministre américain de la Défense, James Mattis. Tout en dénonçant les attaques chimiques "monstrueuses" menées par le régime de Damas, Donald Trump a promis que l'intervention comprenant des "frappes de précision" durerait "aussi longtemps qu'il le faudrait".
Côté français, Emmanuel Macron a précisé que, "conformément à l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Parlement sera informé et un débat parlementaire sera organisé, suite à cette décision d'intervention de nos forces armées à l'étranger".
Comment réagissent la Syrie et la Russie ?
"La défense anti-aérienne syrienne" est entrée en action contre "l'agression américaine, britannique et française", a affirmé la télévision d'Etat syrienne, ajoutant que treize missiles avaient été abattus au sud de Damas. Plus généralement, les médias d'Etat dénoncent une "agression et une violation flagrante du droit international". Cette opération militaire occidentale est "vouée à l'échec", a par ailleurs martelé le régime syrien.
La Russie n'a pas été prévenue à l'avance de ces frappes, a indiqué le chef d'état-major américain, Joe Dunford, qui ajoute que les alliés ont pris soin d'éviter de toucher les forces russes, massivement présentes dans le pays. La ministre française des Armées, Florence Parly, a toutefois affirmé que la Russie avait au contraire été prévenue de ces frappes.
Moscou est rapidement montée au créneau après cette intervention. L'ambassadeur russe à Washington, Anatoli Antonov, estime que ces frappes sont une "insulte au président russe", dans un communiqué. "Nous avions averti que de telles actions appelleraient des conséquences (...). Nos mises en garde ont été ignorées."
Quelles sont les autres réactions ?
Ils soutiennent. Samedi matin, le Canada, Israël et la Turquie ont apporté leur soutien à l'opération. Dans un communiqué, le ministère turc des Affaires étrangères estime que ces frappes constituent "une réaction appropriée" à l'attaque chimique présumée de Douma. Justin Trudeau a, lui, soutenu "la décision des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France de prendre des mesures pour diminuer la capacité du régime de lancer des attaques par armes chimiques contre ses propres citoyens".
Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, a, lui aussi, salué l'opération : "Je soutiens les actions prises par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France contre les installations et capacités d'armes chimiques du régime syrien", a-t-il exprimé par le biais d'un communiqué.
Ils condamnent. L'Iran, principal allié régional de Damas, condamne "fermement" les opérations contre la Syrie et lance une mise en garde contre "leurs conséquences régionales". Le ministère iranien des Affaires étrangères, sur le canal Telegram de son porte-parole, a affirmé que "les Etats-Unis et leurs alliés, sans aucune preuve et avant même une prise de position de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), ont mené cette action militaire [...] contre la Syrie et sont responsables des conséquences régionales de cette action aventuriste".
Le guide suprême iranien, l'ayattolah Ali Khamenei, a lui aussi dénoncé les frappes sur son Telegram : "L'attaque menée ce matin contre la Syrie est un crime. Je déclare franchement que le président américain, le président français et la Première ministre britannique sont des criminels [...], ils n'obtiendront rien et ne tireront aucun bénéfice".
Il s'inquiète. Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, a quant à lui appelé les Etats membres à "faire preuve de retenue dans ces circonstances dangereuses et à éviter tous les actes qui pourraient entraîner une escalade de la situation et aggraver les souffrances du peuple syrien". Le secrétaire général a décidé de reporter un voyage prévu en Arabie saoudite.
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