"Elle ne mérite pas de mourir" : la famille d'une jihadiste française retenue en Syrie compte porter plainte contre deux ministres
Les proches de la jeune femme accusent les ministres de la Justice et des Affaires étrangères de ne pas lui avoir porté secours, ainsi qu'à ses enfants, détenus dans un camp kurde en Syrie.
"Il faut qu'un responsable d'Etat prenne la responsabilité", déclare Pascale D. Cette mère d'une Française partie rejoindre l'Etat islamique (EI) en Syrie avec ses enfants compte déposer plainte devant la Cour de justice de la République contre les ministres Nicole Belloubet et Jean-Yves Le Drian, a annoncé son avocat, vendredi 18 octobre.
Depuis plusieurs mois, la fille de Pascale D. et ses quatre enfants, âgés de 10 ans, 7 ans, 5 ans et 18 mois, sont détenus par les forces kurdes dans le camp d'Al Hol, en Syrie. "Ils n'ont pas de médicaments, pas de matières premières, pas d'eau potable. Mes petits-enfants sont malades les uns après les autres et le risque sanitaire s'accroît avec le conflit", affirme Pascale D. à franceinfo.
Plainte pour "omission de porter secours"
Son avocat, Emmanuel Daoud, assure à franceinfo qu'il déposera "vraisemblablement mardi" une plainte contre les ministres de la Justice et des Affaires étrangères, notamment pour "omission de porter secours" et "atteinte à la liberté individuelle". "Un ministre a eu connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, d'une privation de liberté illégale et s'est abstenu d'y mettre fin ou de faire intervenir une autorité compétente pour le faire", affirme l'avocat. "Cette femme et ces enfants sont détenus dans des camps qui sont dirigés par les forces syriennes kurdes, qui ne représentent aucun Etat [au regard de la France]. Ils n'ont pas été présentés immédiatement à un juge."
Selon l'avocat, Nicole Belloubet a obligation, en tant que garde des Sceaux, de protéger les enfants puisqu'elle est garante du respect des conventions internationales sur la protection de l'enfance signées par la France. "Cette famille est détenue illégalement et de façon arbitraire, et il y a une privation de soin et d'éducation", soutient Me Emmanuel Daoud.
Il faut que ces ministres sachent qu'ils porteront personnellement la responsabilité juridique, morale, du décès du moindre enfant français dans ces camps. Ils auront du sang sur les mains.
Emmanuel Daoud, avocatlors d'une conférence de presse
L'avocat de la famille envisage aussi de déposer une plainte pour "complicité par fournitures de moyens". Il cherche à prouver qu'il y aurait eu des flux financiers entre la France et les Kurdes pour que la détention se poursuive.
"On veut leur faire payer tous les attentats"
La fille de Pascale D., originaire du Pas-de-Calais, est âgée de 31 ans. Elle s'était converti à l'islam à 17 ans et a rencontré son mari dans le sud de la France. C'est lors de cette rencontre, selon Pascale D., qu'elle "change de caractère" et coupe toutes les communications. "Et puis un jour, plus de réponse téléphonique. Ni de lui ni de ma fille. J'ai pensé à un accident ou à un départ dans un autre pays du Maghreb", raconte-t-elle.
Pendant un an, elle n'a pas de nouvelles et finit par apprendre qu'elle se trouve avec ses enfants près de Raqqa, ancien fief de l'Etat islamique. Elle est remariée, ne combat pas, est enfermée dans une maison de femmes et a un quatrième enfant.
"Les femmes ne combattaient pas. Ma fille doit être jugée, mise en prison certainement et rendre des comptes, mais elle ne mérite pas de mourir, déplore Pascale D. Il faut les soigner, les sauver, c'est inhumain. C'est comme si c'était la loi du talion, on veut leur faire payer tous les attentats qu'il y a eu."
Contacté par franceinfo, le ministère de la Justice n'a pas souhaité faire de commentaire. Egalement sollicité, le ministère des Affaires étrangères n'avait pas encore réagi vendredi soir.
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