Ces trois Occidentaux ont tout quitté pour combattre l'Etat islamique
L'Australien Ashley Johnston et les Américains Matthew VanDyke et Brett Royales se sont engagés avec les Kurdes en Syrie et les chrétiens en Irak afin de freiner l'avancée des jihadistes. L'un d'eux l'a déjà payé de sa vie.
Combien sont-ils ? Difficile à savoir. Des Français ont-ils rejoint leurs rangs ? Aucune trace. Et quand bien même, cela se résume "à l'écume des vagues", indique le ministère de l'Intérieur au Parisien. Pourtant, une poignée d'Occidentaux ont tout plaqué pour partir combattre les jihadistes de l'Etat islamique, en Syrie ou en Irak. Animés ou non d'un esprit de croisade, ils agissent en francs-tireurs. Voici les portraits de trois d'entre eux.
Ashley Kent Johnston, le kurdophone tombé au combat
Ashley Johnston est connu pour être le premier Occidental à être mort en combattant l'Etat islamique. Ancien réserviste de l'armée australienne pendant sept ans, le jeune homme rejoint les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes le 4 janvier 2014. Sur place, tout le monde l'appelle Heval Bagok Serhed.
Le 30 décembre, il annonce à sa mère qu'il est au Moyen-Orient "pour aider les Kurdes". Quand elle lui demande ce qu'il a fait de sa journée, il répond benoîtement : "Bah aujourd'hui, j'ai sauvé un chien. Il s'était pris dans un fil." Rien ne filtre sur les réelles activités du jeune homme. Ses motivations restent floues. "L'Etat islamique est un problème mondial", aurait-il déclaré à une camarade kurde, le jour où la photo ci-dessous a été prise. "Je ne pouvais pas laisser les femmes et les enfants se faire massacrer, alors je suis venu au Kurdistan." Le colosse australien apprend la langue locale.
Le 25 février, les Kurdes progressent vers la ville syrienne de Tal Hamis, qu'ils cherchent à reprendre aux jihadistes. Ashley circule en camion avec sept compagnons d'armes, près du village de Gassan. Selon le récit livré par l'YPG, le véhicule est contraint de s'arrêter, encerclé par l'Etat islamique. Ashley descend du camion et tente un tir de couverture. Mais il est touché par une balle et meurt dans la fusillade. Les Kurdes poursuivent leur progression. Quelques jours plus tard, ils reprennent la ville aux jihadistes.
De très nombreux comptes affiliés à l'YPG lui rendent hommage, avec une photo sur fond jaune. Un courrier est même adressé à la famille du jeune Australien, relayé par le porte-parole Redur Xelil. A cette occasion, sa mère apprend les réelles activités de combattant de son fils. Aux Etats-Unis, à Washington, des militants de la cause kurde déposent des fleurs devant l'ambassade australienne. Ashley Johnston devient un symbole pour les soldats kurdes, qui cherchent à mobiliser l'opinion internationale.
Seule une poignée d'occidentaux combattent pourtant avec l'YPG, qui compte entre 15 000 et 40 000 combattants. "Je pense que son cœur se trouvait au bon endroit, mais je n'encouragerais jamais quelqu'un à l'imiter", résume sa mère.
Matthew VanDyke, le guerrier en costume-cravate
Il s'aime beaucoup et les médias l'adorent. Dans un genre très différent, voici l'Américain Matthew VanDyke, 35 ans, à la tête de la société privée Sons of Liberty International. Celle-ci vient de former une milice de chrétiens assyriens baptisée Unité de protection de la plaine de Ninive (NPU), en Irak. Au total, une centaine d'hommes chargés de défendre ce territoire qui a vu l'exode de 200 000 personnes, à l'été 2014, selon des chiffres assyriens (en anglais), après l'offensive de l'Etat islamique.
Battalion of Nineveh Plain Protection Units (#NPU) graduates basic training provided by Sons of Liberty International pic.twitter.com/Wo7YyyoNV9
— Matthew VanDyke (@Matt_VanDyke) 21 Février 2015
Les motivations de Matthew VanDyke sont assez erratiques, entre son appétit certain pour la guerre et sa défense revendiquée de la chrétienté. En costume-cravate, Matthew VanDyke répond aux questions de Fox News (en anglais), en direct depuis Erbil, le 23 février 2015. "Le futur des chrétiens reste très incertain en Irak", témoigne-t-il. Il indique avoir créé un centre de formation secret à une vingtaine de kilomètres de la ligne de front, dans la région de Mossoul.
"VanDyke le révolutionnaire", s'est-il surnommé lui-même sur son site officiel. Avant cela, en 2011, ce franc-tireur a déjà enfilé le treillis au côté des rebelles libyens. L'expérience lui a valu de passer cinq mois dans les geôles de Mouammar Kadhafi. Après trois années passées à travers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, Matthew réalise un documentaire, Point and Shoot, avec lequel il décroche un prix au festival de Tribeca, à New York. Cet engagement en Irak, c'est "l'extension de mon travail de révolutionnaire", explique Matthew VanDyke à l'AFP, le 1er mars, autour d'un cappuccino dans un café d'Erbil.
Pour développer sa milice, il prévoit de rentrer aux Etats-Unis pour récolter des fonds, via une structure qu'il a créée, Sons of Liberty International. S'il a déboursé 12 000 dollars (10 700 euros) de sa poche, l'essentiel des fonds (250 000 dollars) provient de l'Organisation américaine mésopotamienne. Cette dernière, depuis, lui a coupé les vivres, l'accusant de l'utiliser à des fins promotionnelles. Cela ne devrait pas freiner Matthew. Show must go on.
Brett Royales, le défenseur des chrétiens d'Irak
"Tu viens quand tu veux, tu repars quand tu veux." Voici ce qu'a déclaré l'Américain Brett Royales à l'une de ses recrues, le Britannique Tim Locks. A 28 ans, Royales, vétéran de l'armée américaine, aurait déjà convaincu plusieurs Occidentaux à rejoindre la milice chrétienne Dwekh Nawsha, terme assyrien qui signifie "futurs martyrs". Celle-ci est basée à Al-Qosh, une ville irakienne à majorité chrétienne. La plupart des habitants ont dû fuir la cité au début du mois d'août 2014 en raison de l'avancée des jihadistes de l'Etat islamique.
"Je n'ai pas peur d'être tué, ni d'être capturé", explique-t-il au micro de Radio Free Iraq (en anglais). Avec un tatouage de mitrailleuse sur le bras gauche et de Jésus dans une couronne d'épines sur le droit, Brett Royales joue volontiers les gros bras. Malgré son jeune âge, il revendique quatre ans de service dans l'armée américaine, dont une mission en Afghanistan en 2012. Il décrit lui-même sa mission actuelle comme patriotique. "Si l'Etat islamique est toléré en Irak, il y aura aussi des violences aux Etats-Unis. Donc je suis aussi en train de protéger mon pays."
Mais Brett Royales semble également défendre une forme de croisade, en multipliant les références religieuses, comme ce 14 janvier sur Facebook, où il publie une photo de croix en sang, avec pour commentaire "Amen". "Je ne veux pas venir ici pour me battre. Je veux venir pour défendre cette terre et que les gens puissent revenir." Les positions des jihadistes sont toutes proches, comme dans la ville de Batnaya.
Brett et ses camarades refusent d'être décrits comme des mercenaires, car ils assurent qu'ils ne reçoivent pas d'argent dans leur combat au côté des chrétiens assyriens. Au passage, le jeune Américain prend ses distances avec les combattants kurdes. "Si j'avais voulu me battre pour de l'argent, j'aurais rejoint l'Unité de protection du peuple (YPG)", lâche-t-il, sur fond de rivalité entre groupes opposés à l'Etat islamique. En février, lors d'un reportage au sein de cette milice, l'AFP expliquait que de nombreux étrangers de Dwekh Nawsha étaient aussi rebutés par la supposée fibre socialiste des Kurdes des YPG.
Brett Royales estime qu'une trentaine d'Américains se trouvent au Kurdistan irakien. Très loin des 5 000 combattants étrangers qui ont rallié la cause jihadiste.
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