Cet article date de plus de six ans.

Le Maroc a le soutien du Golfe après la rupture de ses relations avec l’Iran

Le roi du Maroc a rompu le 1er mai 2018 ses relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran. Un geste de Rabat pour dénoncer la proximité tactique et stratégique du Hezbollah libanais pro-iranien avec le Front Polisario au Sahara Occidental. Téhéran et le «parti de Dieu» ont démenti l’accusation et les pétromonarchies du Golfe ont aussitôt apporté leur soutien à la décision marocaine.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Devant le mur d'enceinte de l'ambassade d'Iran au Maroc, le 2 mai 2018, au lendemain de l'annonce de l'expulsion du chargé d'affaires iranien par Rabat en raison de liens présumés entre le Hezbollah et le Front Polisario. (FADEL SENNA/AFP)

De manière aussi spectaculaire que surprenante, le Maroc a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran qu’il accuse d’avoir facilité la livraison d’armes au Front Polisario par l’intermédiaire du Hezbollah, la milice chiite libanaise pro-iranienne.

«Des preuves irréfutables» de la connivence entre Polisario et Hezbollah, selon Rabat 
«Une première livraison d’armes a été récemment fournie au Polisario via un élément à l’ambassade iranienne à Alger», a affirmé le ministre marocain des Affaires étrangères, ciblant par la même occasion le soutien d’Alger au mouvement indépendantiste au Sahara Occidental.
 
«Le Maroc dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah, contre les intérêts suprêmes du Royaume», a encore précisé en conférence de presse Nasser Bourita.
 
Selon lui l’ambassadeur du Maroc à Téhéran a quitté le pays le jour même et «je vais demander au chargé d’affaires de l’ambassade d’Iran de quitter le royaume sans délai», a-t-il ajouté.
 
Le chef de la diplomatie marocaine a toutefois pris soin d’indiquer que cette décision n’avait rien à voir avec les tensions actuelles au Proche-Orient, en particulier celles opposant l’Arabie Saoudite, sunnite, et la République Islamique d’Iran, chiite.

Pas la première rupture entre Rabat et Téhéran 
Pour lui il s’agit d’une nouvelle initiative bilatérale. Le Maroc avait déjà rompu ses relations avec l’Iran en 2009, pour protester contre «l’activisme» religieux de Téhéran dans le royaume. Les relations avaient été rétablies en 2014.
 
Cette rupture rendue officielle après le retour de Nasser Bourita de Téhéran, où il avait tenu informé son homologue iranien, Javad Zarif, de la décision, intervient quelques jours après le renouvellement du Mandat de la Mission des Nations Unies au Sahara Occidental (MINURSO) pour six mois.
 
La résolution du 27 avril 2018 a en effet prolongé jusqu'au 31 octobre cette mission qui compte environ 400 personnes pour un budget annuel de 52 millions de dollars (43 M EUR). Le dernier round de négociations entre le Maroc et le Front Polisario remonte à 2008.
 
Les deux organisations incriminées ont aussitôt démenti les accusations du royaume. Pour Mhamed Khaddad, un haut responsable du Front indépendantiste, «le Polisario n'a jamais eu de relations militaires avec le Hezbollah et l'Iran».
 
«C'est un mensonge grotesque pour impliquer le Maghreb dans la crise du Moyen-Orient», a-t-il déclaré à l'AFP à Alger, accusant Rabat de vouloir «se dérober au processus de négociations auquel vient d'appeler le Conseil de sécurité» sur le Sahara occidental.

Le Hezbollah et l'Iran dénoncent les pressions de Washington, Tel Aviv et Ryad 
De son côté, le Hezbollah libanais a rejeté les accusations marocaines et imputé la décision de Rabat à des «pressions» des Etats-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite, trois pays en crise ouverte avec l’Iran.
 
«Cette affaire est totalement dénuée de fondement» s’est offusqué le ministère iranien des Affaires étrangères, dénonçant un «prétexte» à rupture diplomatique. Dans son communiqué, la diplomatie iranienne assure que «la République islamique avait toujours eu comme ligne de conduite le respect de la souveraineté et la sécurité» des pays avec lesquels elle entretient des relations.
 
En revanche, l’Arabie saoudite, a condamné «fermement l'ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la "milice terroriste" du Hezbollah, qui entraîne les éléments du "soi-disant groupe" Polisario, en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité» du royaume chérifien.
 
Dans la foulée, les Emirats Arabes Unis, le Bahrein et même le Qatar, qui s’efforce de maintenir de bons rapports avec Téhéran, ont apporté leur soutien au Maroc. La diplomatie qatarie a rappelé «l’importance du respect des principes régissant les relations entre les Etats» ainsi que «la non ingérence dans leurs affaires intérieures».
 
L'Iran sous pression acculé à démentir
Cette crise inattendue est également concomitante de la remontée des tensions entre Washington et Israël d’une part et l’Iran de l’autre, autour du programme nucléaire de la République islamique.
 
Pris entre Donald Trump qui menace de sortir de l’accord et le premier ministre israélien qui dénonçait la veille un plan secret de Téhéran pour se doter de l’arme nucléaire, le régime iranien, sous pression, est acculé à démentir.
 
Qualifiant Benjamin Netanyahu de «menteur invétéré en panne d’idées», le ministère iranien des Affaires étrangères a dénoncé des allégations «éculées, sans intérêt, et honteuses». Celles de «dirigeants sionistes [qui] ne voient pas d'autres moyens pour assurer la survie de leur régime illégal que de menacer les autres en usant d'un bluff ressassé», indique le communiqué.
 
 
 
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.