Guerre au Proche-Orient : quatre questions sur l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens qu'Israël veut voir disparaître
L'UNRWA dans la tourmente. L'office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, au cœur de l'aide humanitaire à Gaza, a annoncé vendredi 26 janvier s'être séparée de plusieurs de ses employés, accusés d'être impliqués dans l'attaque sanglante du 7 octobre perpétrée par le Hamas sur le sol israélien.
Après cette annonce, plusieurs pays occidentaux ont décidé de suspendre toute aide supplémentaire à l'agence. Celle-ci a été notamment priée par plusieurs pays de mener une "enquête approfondie sur ces accusations". De son côté, l'Autorité palestinienne a estimé que le programme avait besoin d'"un soutien maximal" et "non qu'on lui coupe soutien et assistance". Franceinfo fait le point sur la polémique qui entache l'organisme onusien.
1 Qu'est-ce que l'UNRWA ?
Mise en place fin décembre 1949 par l'Assemblée générale de l'ONU, l'agence est un intervenant essentiel pour des millions de Palestiniens. Elle a été créée après le déclenchement du premier conflit arabo-israélien, au lendemain de la création de l'Etat hébreu en mai 1948. Plus de 700 000 Palestiniens avaient alors fui leurs terres entre avril et août 1948. Un épisode qu'ils nomment la "Nakba", ou catastrophe en arabe.
L'agence a depuis pour mandat de fournir une assistance humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens "dans l'attente d'une solution juste et durable à leur situation". Outre les territoires palestiniens, l'UNRWA opère au Liban, en Jordanie et en Syrie. Elle est, par défaut, le seul garant du statut international de ces réfugiés.
L'UNRWA compte plus de 30 000 employés, pour la plupart eux-mêmes réfugiés palestiniens "et un petit nombre d'employés internationaux, répartis dans deux bureaux centraux (Gaza et Amman), cinq bureaux extérieurs (Gaza, Liban, Syrie, Jordanie et Cisjordanie) et quatre bureaux de représentation (New York, Genève, Bruxelles et Le Caire)", peut-on lire sur le site internet de l'agence.
En tout, quelque 5,9 millions de Palestiniens sont enregistrés auprès de ce programme, ce qui leur permet de bénéficier de nombreux services en matière d'éducation, de soins de santé, de services sociaux ou d'aide d'urgence, y compris en période de conflit armé. Plus de 540 000 enfants étudient dans les 706 écoles de l'agence, qui gère également une soixantaine de camps de réfugiés, dont 19 en Cisjordanie occupée.
2 Quelles sont les accusations qui visent l'agence ?
Dans un communiqué publié sur son site vendredi, le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, a annoncé sa décision de se séparer de plusieurs employés de l'agence. "Les autorités israéliennes ont fourni à l'UNRWA des informations sur l'implication présumée de plusieurs employés de l'UNRWA dans les horribles attaques perpétrées contre Israël le 7 octobre", a-t-il déclaré, sans apporter plus de précisions sur le nombre de salariés concernés, ni sur les faits précis qui leur étaient reprochés.
"Afin de protéger la capacité de l'Agence à fournir une aide humanitaire, j'ai pris la décision de résilier immédiatement les contrats de ces membres du personnel et d'ouvrir une enquête afin d'établir la vérité sans délai" a ajouté Philippe Lazzarini, assurant que "tout employé de l'UNRWA impliqué dans des actes de terrorisme sera tenu responsable, notamment par le biais de poursuites pénales".
3 Quels pays ont suspendu leur financement ?
Quelques minutes après l'annonce de l'agence, Washington a annoncé "suspendre temporairement" tout financement additionnel à l'agence onusienne. Les Etats-Unis se sont dits "extrêmement préoccupés par les accusations selon lesquelles 12 employés de l'UNRWA pourraient avoir été impliqués dans l'attaque", a fait savoir le département d'Etat dans un communiqué. Anthony Blinken, chef de la diplomatie américaine, s'est entretenu avec le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres afin de "souligner le besoin d'une enquête rapide sur cette question", ont souligné ses services.
Après les Etats-Unis, d'autres donateurs comme le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, l'Italie, la Finlande et la France se sont également retirés. Antonio Guterres a appelé dimanche les pays ayant suspendu leurs dons à "au moins garantir" la poursuite des opérations de l'agence, essentielles à deux millions de civils gazaouis. La France "n'a pas prévu de nouveau versement au premier trimestre", a annoncé le même jour le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, et "décidera le moment venu de la conduite à tenir". La Norvège et l'Irlande ont de leur côté affiché sur leur soutien à l'UNRWA, déclarant que les financements continueraient.
De son côté, la Suisse a annoncé samedi qu'aucune décision concernant le versement de son aide à l'UNRWA ne serait prise, en attente de "plus d'informations". Une prudence partagée par la France, qui a simplement dit avoir "pris connaissance avec consternation de l'information communiquée (…) par l'UNRWA", sans préciser sa position sur l'aide financière à l'agence. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a enfin dit attendre "la pleine transparence" et des "mesures immédiates" avant toute décision.
L'enjeu est de taille pour le programme, financé quasi entièrement par des dons volontaires provenant d'Etats. Parmi ses principaux donateurs en 2022, figuraient dans l'ordre les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Union européenne, la Suède et la Norvège, indique l'agence sur son site. Les fonds provenant du budget ordinaire des Nations unies et les contributions d'autres entités onusiennes s'élevaient à 44,6 millions de dollars (41 millions d'euros) la même année. La France figure en septième place du classement des donateurs, avec près de 27 millions d'euros versés en 2022. Samedi, l'agence n'avait pas réagi aux annonces de suspension de fonds.
4 Quel avenir pour l'agence ?
Samedi, Israël a déclaré ne plus vouloir que l'UNRWA joue le moindre rôle à Gaza après le conflit. Le gouvernement israélien veut s'assurer que l'agence "ne fera pas partie" de la solution d'après-guerre dans ce territoire palestinien, a indiqué Israël Katz, ministre israélien des Affaires étrangères, espérant "faire cesser" toutes ses activités. Le diplomate a appelé les autres donateurs de l'UNRWA à suivre le mouvement de retrait et à favoriser des agences "sincèrement dédiées à la paix et au développement".
Après avoir salué le retrait de certains donateurs, le leader de l'opposition israélienne Yair Lapid a estimé sur X que le temps était venu de "créer une alternative qui n'éduquera pas des générations de Palestiniens à la haine". Le Hamas a demandé dans un communiqué "aux Nations Unies et organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage", accusant Israël de vouloir "couper les fonds et priver" les Gazaouis de toute aide internationale.
Cette affaire a été révélée vendredi, juste après que la plus haute juridiction de l'ONU a appelé Israël à empêcher tout acte éventuel de "génocide" à Gaza. Une "temporalité qui interroge forcément", a estimé Johann Soufi, avocat international et ex-directeur du bureau juridique de l'UNRWA à Gaza. "Sanctionner l'UNRWA, qui maintient difficilement en vie toute la population de Gaza, pour la responsabilité alléguée de quelques salariés, revient à punir collectivement la population gazaouie qui vit dans des conditions humanitaires catastrophiques", a-t-il alerté auprès de l'AFP.
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