Guerre entre Israël et le Hamas : "Nous sommes à un jour de suspendre toutes nos activités, car nous n'avons plus de carburant", alerte la porte-parole de l'UNRWA
Les Nations unies bientôt impuissantes à Gaza ? L'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, a prévenu lundi 13 novembre que les "opérations humanitaires cesseront sous 48 heures, aucun carburant n'étant autorisé" à être livré à Gaza. Sans camion, l'acheminement d'eau potable pourrait par exemple prendre fin brutalement pour plus de 200 000 personnes, selon l'agence onusienne.
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A moins de 24 heures de l'arrêt de cette aide cruciale, alors que les combats continuent entre le Hamas et l'armée israélienne autour et au sein de l'enclave, franceinfo s'est entretenu avec Tamara Alrifai, porte-parole de l'UNRWA, pour mieux comprendre l'urgence de la situation.
franceinfo : Avez-vous des informations précises sur les déplacés à Gaza ? Où sont-ils installés et dans quelles conditions vivent-ils ?
Tamara Alrifai : Aujourd'hui, on parle de 1,6 million de personnes déplacées sur une population totale à Gaza de 2,2 millions. En termes mathématiques, cela représente entre 70 et 80 % de la population de Gaza qui se trouve déplacée pour la plupart depuis la zone nord jusqu'à la zone sud. Près de 800 000 personnes se trouvent aujourd’hui dans les écoles et les abris de l'UNRWA, (l'agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine).
Ils sont dans des conditions humanitaires vraiment déplorables, même dans les abris des Nations unies.
Tamara Alrifai, porte-parole de l'UNRWAà franceinfo
Il faut bien se dire qu’il y a un encombrement très important dans ces abris. Près de 800 000 personnes sont logées dans 154 écoles, pour la plupart des bâtiments qui n'étaient pas prêts à recevoir des réfugiés. Il n’y a pas assez de places, pas de toilettes ou de douches suffisantes. Il n'y a pas non plus assez de nourriture ou d'eau potable à distribuer. Les conditions au quotidien sont vraiment très éprouvantes.
franceinfo : Avez-vous des nouvelles des civils qui sont restés dans le nord de Gaza ?
Beaucoup sont restés chez eux et de nombreuses familles se retrouvent dans une cinquantaine d'écoles de l'UNRWA. Nous n'avons pas accès à ces personnes depuis que nous sommes partis du Nord vers le Sud. Beaucoup n’ont pas voulu quitter Gaza car ils ne voulaient surtout pas être déplacés. Ces Palestiniens nous disent souvent qu'il sont "les descendants des réfugiés de 1948, on sait qu’ils ne sont jamais revenus et donc on ne veut pas partir maintenant vers le sud ou ailleurs et ne jamais revenir".
Il y a aussi des personnes qui, physiquement, ne peuvent pas faire ce voyage. Ce sont soit des personnes avec un handicap, des femmes enceintes ou encore des personnes âgées qui ne peuvent pas faire un trajet de plusieurs kilomètres à pied. On a vu ces images de mères avec trois ou quatre enfants dans leurs bras, un sac en plastique avec de la nourriture, un bidon avec de l'eau. Ce sont des voyages très difficiles.
Les autorités israéliennes accusent le Hamas d’utiliser des sites de l’ONU, des écoles et des hôpitaux, comme des bases militaires ou des caches d’armes. Que répondez-vous à cela ?
Nous sommes responsables de nos installations et de nos écoles au-dessus de la terre. On fait des inspections à l'intérieur de nos écoles de façon très routinière, une fois par trimestre, pour s'assurer qu'elles sont neutres et conformes aux standards des Nations Unies. [En revanche], nous ne sommes pas en mesure de savoir ce qui se passe en dessous de nos écoles [...] On va encore plus loin, puisque l'on inspecte et on s’assure du profil de tous nos employés.
On partage les coordonnées GPS de toutes nos installations avec les autorités israéliennes et avec le Hamas [...], pour s'assurer que tout le monde sait où se trouvent ces immeubles onusiens.
Tamara Alrifai, porte-parole de l'UNRWAà franceinfo
Nous avons aussi des contacts directs avec les autorités israéliennes. Si elles ratent le drapeau bleu, elles savent avec les coordonnées GPS que les écoles, les installations, les entrepôts sont là. Nous sommes en communication continue avec les autorités israéliennes sur les opérations de tous les jours : le mouvement de nos camions, notre lecture de la situation humanitaire.
Comment le siège de Gaza affecte-t-il l'aide que vous apportez ?
Nous sommes à un jour de suspendre toutes nos activités, car nous n'avons plus de carburant pour faire fonctionner nos camions, nos usines de dessalement d'eau, nos générateurs pour l'électricité, les boulangeries que nous soutenons. À partir de demain, nous ne pourrons plus fonctionner, et ça, c'est quelque chose qu'on partage aussi avec les autorités israéliennes.
Avez-vous des informations concernant la situation à l’hôpital al-Chifa ?
Nous savons ce qu'a dit l'Organisation mondiale pour la santé : depuis trois jours, cet hôpital ne fonctionne plus. Nous étions en contact avec cet hôpital avant son arrêt de fonctionnement parce que, comme les autres agences des Nations unies et le CCR, nous considérons l'hôpital al-Chifa comme un pilier de la santé publique à Gaza.
C'est un hôpital iconique. C'est probablement le plus vieil hôpital de la bande de Gaza et celui qui a survécu à moult guerres. C'est aussi celui qui reçoit pendant tous les conflits le plus grand nombre de blessés de guerre. Le fait que cet hôpital cesse de fonctionner est pour nous une dégradation très, très grave de l'état de la santé dans son sens large à Gaza.
Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?
Il faut un cessez-le-feu immédiat. On a beaucoup entendu parler de "pause" ou de "trêve humanitaire", mais c'est vraiment insuffisant. C'est d'ailleurs un thème que le président français a utilisé, et nous lui en sommes vraiment très redevables. À partir de ce cessez-le-feu humanitaire, il faut que le flot d'aide humanitaire qui entre à Gaza soit suffisant. Aujourd'hui, on a au mieux une cinquantaine de camions qui passent par l'Égypte depuis le passage de Rafah, qui est très restreint.
Logistiquement, c'est un passage limité qui n'a jamais été conçu pour faire passer plus d'une cinquantaine de camions par jour. Or, avant cette guerre et malgré le blocus, entre 500 et 600 camions de biens commerciaux arrivaient tous les jours à Gaza pour alimenter les épiceries, les commerces... [...] Utiliser exclusivement ce passage n'est donc pas logique. Nous, ce qu'on demande, c'est pouvoir considérer d'autres passages, y compris le passage à l'intérieur d'Israël, Kerem Shalom, qui permet un passage de plusieurs centaines de camions.
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