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Afghanistan : "Ce qui s'annonce risque d'être terrible pour les privations de libertés", estime une journaliste

Alors que les talibans sont sur le point de prendre la capitale, Kaboul, Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice d'un reportage dans les zones afghanes administrées par les talibans, alerte sur le sort à venir des femmes dans le pays. 

Article rédigé par franceinfo
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Des Afghanes participent à un rassemblement à Kaboul, le 2 août 2021, contre les violations des droits des femmes par les talibans.  (SAJJAD HUSSAIN / AFP)

"Ce qui s'annonce, je pense, risque d'être terrible pour les privations de libertés, libertés religieuses et libertés des femmes", estime dimanche 15 août sur franceinfo la journaliste Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice du reportage Afghanistan : vivre en pays taliban (disponible sur Arte et France 24), alors que les talibans sont sur le point de prendre la capitale, Kaboul. "Contrairement à il y a vingt ans, les femmes sont quand même maintenant bien mieux éduquées. Ils vont rencontrer une grande résistance", ajoute-t-elle.

franceinfo : Dans votre reportage, vous avez rencontré des responsables talibans qui vous disent que la première chose qu'ils font quand ils arrivent dans un village, c'est de fermer les écoles et d'installer leur propre enseignement. Est-ce que c'est ce qui menace l'Afghanistan ?

Solène Chalvon-Fioriti : Non, on ne peut pas dire ça. D'une province à l'autre, les talibans ne sont pas les mêmes. Le haut commandement taliban essaie de nous faire croire qu'ils ont réussi à établir une politique d'harmonie au sein de leurs troupes, mais dans les faits, ce n'est pas du tout ce qui se passe. Vous pouvez effectivement vous retrouver face à des gens qui décident d'arriver dans un village, de fermer les écoles pour filles, au motif que dans cette école enseigne le programme du gouvernement. Et ce programme, à leurs yeux, n'est pas assez islamique. Mais il faut aussi parler de ces régions talibanes, où nous avons rencontré des enseignantes qui sont des femmes. Il y a même des médecins qui sont des femmes. Nous avons rencontré une femme médecin à côté de Kaboul, dans une zone sous contrôle taliban depuis douze ans, qui nous a expliqué que quand elle a voulu travailler chez les talibans, la seule chose qu'ils lui ont demandé, c'était son diplôme de médecin. Donc, si vous voulez, ça montre bien à quel point, justement, d'une zone à l'autre, on n'a pas du tout affaire aux mêmes groupes.

Cela veut dire que l'on peut imaginer que les talibans, une fois rentrés dans Kaboul, laissent les femmes travailler comme elles le font aujourd'hui ?

Non, c'est impossible de dire ça non plus. Les talibans disent qu'ils protégeront les femmes afghanes et protégeront leurs droits dans le cadre de la loi islamique. Qu'est-ce que cela veut dire ? On ne le sait pas très bien. Ce qui est certain, c'est qu'il y a un principe sur lequel ils se sont toujours accordés, c'est la séparation des sexes, la séparation la plus stricte.

"Quand je parle de séparation, c'est que les hommes et les femmes ne passent même pas par les mêmes portes, ne se croisent pas de la journée."

Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice d'un reportage dans les zones talibanes

à franceinfo

Il est possible qu'ils laissent les femmes travailler à Kaboul. En revanche, ce sera dans une structure où les hommes et les femmes ne se mélangent pas du tout. Les talibans ne se sont pas cachés, dans plusieurs districts qu'ils ont déjà conquis, de demander aux femmes de sortir accompagnées d'un homme de leur famille, sous peine de ne pas pouvoir sortir. Ils ont également imposé la burqa dans plusieurs districts. Donc, il ne faut pas être trop optimiste non plus. Il y a quand même de grandes chances que ça se passe mal à Kaboul. Mais contrairement à il y a vingt ans, les femmes sont quand même maintenant bien mieux éduquées dans les villes. Ils vont rencontrer une grande résistance.

Comment voyez-vous l'Afghanistan de demain par rapport à ce que vous avez pu voir sur le terrain ?

Je ne sais pas, parce que là, je suis comme tout le monde, je suis sous le choc de cette avancée complètement spectaculaire. C'est-à-dire que même nous, il y a encore trois jours, quand nous étions en contact avec les talibans, ils ne nous ont jamais dit qu'ils arriveraient à Kaboul aussi vite. Ce qui s'annonce, je pense, risque d'être terrible pour les privations de libertés, libertés religieuses et libertés des femmes. Je rappelle que les femmes ne sont pas une minorité, qu'elles représentent plus de la moitié de la population afghane. Ce qui les attend est absolument terrible parce qu'il n'y a aucune raison que demain, les talibans acceptent la mixité, acceptent des femmes fonctionnaires que nous avons contribuées à former. On les laisse complètement derrière le carreau. Est-ce qu'on imagine une seconde que les talibans vont laisser les femmes fonctionnaires travailler ? Cela n'a aucun sens. Donc il y a un sentiment d'abandon qui est absolument terrible dans les villes, et il est totalement justifié.

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