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Contestation en Iran : la mobilisation des ouvriers du secteur pétrolier peut-elle faire plier le régime des mollahs ?

En 1978, c'est entre autres la mobilisation des salariés des raffineries qui a fait tomber le Shah d’Iran. Aujourd’hui, les mollahs risquent à leur tour de faire les frais de leur colère. Les ouvriers de la pétrochimie se sont joints en début de semaine à la contestation nationale qui a suivi la mort d’une jeune Iranienne il y a un mois.

Article rédigé par Valérie Crova
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
D'après les observateurs, la constestation en Iran s'étend désormais à tout le pays et toutes les classes sociales, 16 octobre 2022. (STEFANI REYNOLDS / AFP)

Un mois jour pour jour après la mort de Mahsa Amini, cette Kurde iranienne de 22 ans, morte trois jours après son arrestation par la police des mœurs, le mouvement de contestation ne faiblit pas en Iran malgré la répression qui a déjà coûté la vie à plus de 100 personnes et conduit à des centaines d’arrestations. Il prend même de l’ampleur avec la mobilisation du secteur pétrolier depuis le 10 octobre. Un secteur sensible qui fait l’objet d’une attention particulière de la part du régime des mollahs. 

Car au milieu de l'été 1978, le personnel de l'industrie pétrolière avait déclenché une grève pour soutenir la révolution islamique. Elle avait touché la plus grande raffinerie d'Iran, celle d'Abadan et précipité la chute du Shah d'Iran. Depuis, les ouvriers du secteur pétrolier sont choyés par les Gardiens de la révolution, lesquels contrôlent l'économie iranienne. "L'Iran a bénéficié de l'augmentation du prix du pétrole depuis le début de l'année à cause de la guerre en Ukraine, ce qui fait qu'il y a plus de recettes pétrolières pour l'Iran en 2022", note sur franceinfo Thierry Coville, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Or, depuis le 10 octobre, plusieurs milliers d’ouvriers du secteur pétrolier se sont mis en grève. Plusieurs raffineries sont touchées, à Assalouyeh (sud-ouest), à Abadan (ouest) ou Bouchehr (sud), d'après l'Iran Human Rights (IHR).

"C'est le premier secteur, l’un des plus importants en termes de nombre de personnes qui y travaillent.

 Thierry Coville, chercheur l'IRIS

à franceinfo

"Ceux qui font grève seraient ceux qui n'ont pas de contrat à plein temps, mais le régime est très vigilant, explique Thierry Coville. Il ne faudrait pas que le mouvement fasse tache d'huile. Or les ouvriers sont sans doute une des catégories sociales qui a le plus souffert de la crise économique et d'accélération de l'inflation depuis 2018. Donc, le mécontentement social est violent", observe le chercheur. Il y a aussi les instituteurs, les avocats... "Il n'y a pas une catégorie sociale qui est contente", assure Thierry Coville, selon qui, "il faut vraiment suivre ce qui va se passer dans les prochaines semaines".   

Toutes les classes sociales mobilisées dans la contestation

"Le mouvement touche tout le pays et toutes les classes sociales", confirme sur franceinfo Farid Vahid, le directeur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient à la Fondation Jean Jaurès. Ce n’était pas le cas avant, insiste le chercheur. "En 2009, c'était la classe moyenne, très éduquée, plutôt bourgeoise et en 2019, l’inverse, c’était les classes défavorisées, les régions périphériques. Aujourd'hui, c'est toutes les classes. Et depuis que Raïssi [président de la république islamique d'Iran] est élu [le 3 août 2021], il y a eu des signaux très inquiétants. Il y avait des propositions de projets de loi complètement surréalistes et très choquants pour beaucoup d'Iraniens". 

"Dans l'entourage du président, des conservateurs évoquaient, par exemple, la possibilité, avec l'intelligence artificielle, de mettre des amendes aux femmes qui ne seraient pas voilées dans leur voiture."

Farid Vahid, de la Fondation Jean Jaurès

à franceinfo

"Sur les femmes et le voile, il y a un retour aux principes fondamentaux de la République islamique. C'est leur programme et leur projet politique", résume Farid Vahid. Il estime cependant que le mouvement a déjà "abouti. Beaucoup de tabous sont déjà brisés en Iran. Beaucoup de filles aujourd'hui ne se voilent plus dans la rue, il y a des intellectuels qui prennent des positions qu'ils n'auraient jamais prises il y a encore quelques années. La société civile avance, la lutte continue. C’est la première phase. Après, si on veut imaginer un changement de régime, la deuxième phase, c'est de réussir à mobiliser tous les secteurs du pays, organiser des grèves générales, avoir une partie des forces de l'ordre, de l'armée qui, comme en 1979, lâche le système. Tout ça, on ne peut pas prédire. Le régime subit un coup dur, les opposants ont de plus en plus de courage dans leur action. C'est un long processus". 

La colère accumulée en Iran va-t-elle contribuer à un changement de régime ? La répression actuellement en cours ne laisse guère d'espoir à court terme. Samedi encore, de violents affrontements ont eu lieu à la prison d'Evine à Téhéran,un lieu de sinistres réputations où sont enfermés de nombreux opposants. Et l'Iran a déclaré dimanche que rien ne pouvait l'ébranler après le soutien apporté par Joe Biden aux protestations dans le pays. 

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