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Quel avenir pour l'opposant russe Mikhaïl Khodorkovski, tout juste libéré ?

L'ex-première fortune de Russie a donné une conférence de presse dimanche en début d'après-midi depuis Berlin. 

Article rédigé par franceinfo
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L'ex-oligarque russe Mikhaïl Khodorkovski, tout juste libéré, visite un musée consacré au Mur de Berlin, près de Check Point Charlie, le 22 décembre 2013.  (THOMAS PETER / REUTERS)

Il a retrouvé ses proches et peut maintenant regarder vers l'avenir. Le plus célèbre opposant au président Vladimir Poutine, l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, a rejoint l'Allemagne, vendredi 20 décembre, après sa libération surprise vendredi du camp de Russie où il était détenu depuis dix ans.

L'ex-première fortune de Russie a donné une conférence de presse, dimanche 22 décembre en début d'après-midi, depuis un lieu hautement symbolique, un musée consacré au Mur de Berlin, près de Check Point Charlie. Soit un mythique point de passage entre l'ouest et l'est de la ville à l'époque du rideau de fer. Il a remercié la chancelière allemande Angela Merkel pour avoir œuvré à sa libération et rappelé qu'il restait "d'autres prisonniers politiques" en Russie. "Je vais tout faire pour qu'il n'y en ait plus, faire tout ce que je pourrai", a-t-il ajouté, soulignant qu'il consacrerait son temps à cette activité, sous une forme qu'il ne pouvait encore préciser.

Pour la suite, ses intentions ont d'ores et déjà filtré dans les médias. 

Organiser sa défense 

"Je ne vais pas m'engager en politique et je ne vais pas me battre pour la restitution des actifs de (son ancien groupe pétrolier) Ioukos", déclare-t-il dans sa première interview, accordée au magazine d'opposition The New Times (en russe). L'ancien milliardaire, qui selon les estimations du site Gazeta.ru serait encore détenteur de centaines de millions de dollars sur des comptes étrangers, souligne ne pas savoir pour l'instant à combien s'élevait sa fortune restante. "Si j'avais besoin d'argent, je me lancerais dans les affaires, mais j'en ai à coup sûr suffisamment pour vivre", précise-t-il.

Selon Le Monde, un des points essentiels auquel l'homme d'affaires compte s'attaquer est la non reconnaissance de sa culpabilité, comme il l'a déjà précisé dans un message posté sur Facebook dès vendredi soir.

Dans un entretien à la télévision indépendante Dozhd, Mikhaïl Khodorkovski explique que le Président Poutine a tenté d'obtenir une reconnaissance de culpabilité en échange de sa libération, mais que cette condition était inacceptable. Il ajoute que c'est l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, qui œuvrait depuis des années pour sa libération, qui a suggéré l'idée d'une demande de grâce à titre humanitaire, en invoquant la santé de sa mère qui s'était dégradée. Atteinte d'un cancer, elle a été soignée il y a quelques temps en Allemagne.

Choisir son lieu de vie 

Beaucoup d'observateurs estiment que la voie qui se dessine devant Mikhaïl Khodorkovski est plus sûrement celle de l'exil. L'ex-oligarque affirme de toute façon qu'il ne peut rentrer en Russie en raison d'une condamnation au civil toujours valide d'un montant de 550 millions de dollars. Devant des journalistes russes, il a affirmé dimanche que si cette condamnation était levée par la Cour Suprême il considèrerait cela comme un "signe qu'il peut revenir en Russie".

Dans son interview au magazine The New Times, il indique toutefois qu'il ne rentrera au pays que s'il est "sûr de pouvoir en repartir si besoin". Il est "libre de revenir en Russie. Absolument", a assuré samedi un porte-parole de Vladimir Poutine.

"Les autorités (russes) peuvent dire en toute honnêteté qu'elles ne voulaient pas m'envoyer en exil et que c'est moi qui l'ait demandé. Mais connaissant la réalité russe, on comprend parfaitement qu'elles voulaient que je quitte le pays", corrige l'intéressé. Il reconnaît que son départ éclair a obéi à une mise en scène. "On n'aurait pas pu faire mieux si on avait voulu faire un film sur les années 70 et l'exil d'un dissident", souligne-t-il.

Pour une députée allemande qui l'a rencontée, un retour en Russie de l'ex-oligarque "n'est pas à l'ordre du jour". Du reste, si Mikhaïl Khodorkovski choisissait de rentrer, il serait de toute façon contraint de rester à l'écart de la scène politique. Pour les spécialistes, il jouerait davantage un rôle dans la société civile à l'écart de la lutte politique, plutôt que celui d'une figure de premier plan de l'opposition russe.

Ecrire des livres comme Soljenitsyne ?

Selon l'analyste allemand spécialiste de la Russie Alexander Rahr, Mikhaïl  Khodorkovski pourrait suivre la voie du dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne. L'auteur de L'Archipel du Goulag avait été contraint à l'exil et avait rejoint l'Allemagne en 1974, avant d'aller en Suisse puis aux Etats-Unis.

Il pourrait "écrire des livres, s'exprimer, penser au futur et penser évidemment à la Russie", ajoute l'analyste dans une interview à la chaîne satellitaire privée en langue russe RTVi, diffusée vendredi soir. 

Selon son fils Pavel Khodorkovski , 28 ans, qui a retrouvé son père à Berlin, l'opposant est loin de toutes ces conjectures pour l'instant. "Il ne planifie rien. Il attrape tout ce qu'il peut autour de lui", témoigne-t-il dans Le Monde. 

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