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Guerre en Ukraine : pourquoi la demande de Kiev d'adhésion accélérée à l’Union européenne a peu de chance d'aboutir

Après l'invasion militaire russe, le président Volodymyr Zelensky demande une adhésion rapide de l'Ukraine à l'UE. Une requête jugée impossible à court terme par la plupart des spécialistes. 

Article rédigé par franceinfo - Eloïse Bartoli
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, applaudit le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d'une session plénière spéciale du Parlement européen, à Bruxelles, le 1er mars 2022. (JOHN THYS / AFP)

Il demande une intégration à l’Union européenne "sans délai". Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a répété, mardi 1er mars, devant le Parlement européen, sa volonté d'adhésion accélérée à l'UE, alors que l'Ukraine fait face à une attaque de la Russie. 

Cette adhésion rapide "n'est pas possible" pour le moment, a reconnu lundi 28 février sur franceinfo Pascal Canfin, eurodéputé membre du groupe Renaissance. "À court terme, ce n'est qu'un message, et une perspective politique à moyen terme", a-t-il tranché. Franceinfo vous en explique les raisons. 

De nombreux critères à remplir

Pour rejoindre les Vingt-Sept, il est nécessaire de respecter les conditions établies par l’article 49 du traité sur l’Union européenne. La demande d’adhésion est soumise au Conseil de l’UE, puis la Commission européenne fournit un avis officiel. Le Parlement doit ensuite approuver ou non cette demande, ainsi que le Conseil de l'UE. L’Ukraine devra également montrer patte blanche sur de nombreux critères : économie de marché,  règles environnementales... Elle devra obligatoirement mettre à plat des milliers de règlements. "Il y a tout un parcours d'obstacles institutionnel, puis des vérifications des critères d’adhésion. Ça prend beaucoup de temps, la Turquie est candidate depuis des années (2005) et la situation n'a toujours pas abouti", souligne Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes et internationales, enseignant à Sciences Po. 

"Au plus tôt, il faudra entre un à deux ans, à condition que les critères soient remplis."

Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes

à franceinfo

Depuis 2017, un accord d'association, qui inclut un accord de libre-échange, est tout de même en vigueur entre l'Ukraine et l'UE. Ce dernier fonctionne comme un préalable à une adhésion et joue donc en faveur de sa candidature.

"Une nouvelle procédure spéciale" ?

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté, lundi, l'Union européenne à intégrer son pays rapidement "via une nouvelle procédure spéciale""Je suis sûr que c'est juste. Je suis sûr que c'est possible", a-t-il affirmé. Dans les textes législatifs, pourtant, ce processus d'adhésion spécial n’existe pas. Mais l'Union pourrait-elle faire une exception pour l'Ukraine, dans ces circonstances exceptionnelles ? "On ne passera pas sur des critères fondamentaux. Il est possible d'accélérer, notamment sur l'adhésion de l'opinion, mais ce n’est pas un club de pétanque, c’est une institution très complexe", estime Mario Telo, professeur de sciences politiques, de relations internationales et d'études de l'Union européenne à l'université libre de Bruxelles (ULB). 

Les politiques sont également de cet avis"Nous allons soutenir aujourd'hui au Parlement européen le passage de l'Ukraine au statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne. A ne pas confondre avec le fait de demander son adhésion immédiate, ce qui n'est pas possible", a tweeté l'eurodéputé Pascal Canfin, du groupe Renaissance (libéraux). 

La présidente de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen, déclarait pourtant dans une interview à Euronews : "Nous avons de nombreux sujets sur lesquels nous travaillons en étroite collaboration [avec les Ukrainiens] et, au fil du temps, ils sont des nôtres et nous voulons qu'ils soient à l'intérieur" de l'UE. Ses propos ont été précisés par son porte-parole, lors du point presse lundi. Ursula von der Leyen "a exprimé son point de vue en tant que présidente de la Commission", mais "il y a un processus" et "ce n'est pas elle seule qui décide", a affirmé Eric Mamer.

Les propos de la présidente de la Commission européenne s'inscrivent avant tout dans une démarche symbolique, sans implications concrètes, analyse Mario Telo. "Elle le fait pour donner des gages, pour montrer la solidarité en Europe et pour assumer un profil de leader."

Des embûches à cette adhésion

L’adhésion à l’Union européenne nécessite un accord unanime des 27 pays membres et il y a "différentes opinions et sensibilités" parmi eux à ce sujet, a insisté lundi le président du Conseil européen, Charles Michel. La situation économique du pays pourrait ainsi refroidir certains membres de l'Union. "En Ukraine, il y a un revenu par tête qui est un quart du revenu le plus pauvre de l'Union européenne : la Roumanie. C’est un facteur de complication objective", insiste Mario Telo.

L’évolution de la guerre en Ukraine est un autre facteur d'incertitude. "Dans le scénario du pire, l’Ukraine pourrait accepter un statut subordonné. L'adhésion deviendrait alors bien plus compliquée. Nous ne pouvons pas faire venir des pays non-libres dans l’Union européenne", détaille le chercheur. "Un pays qui est en guerre n’est plus en situation de rejoindre l'Union européenne", abonde Patrick Martin-Genier. Reste aussi à savoir si les velléités européennes de l'Ukraine ne pourraient pas aggraver encore le conflit avec la Russie.

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