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Guerre en Ukraine : de quels moyens dispose l'armée française pour obtenir des renseignements sur ce qui se passe sur place ?

Le départ prématuré du directeur du renseignement militaire français, qui paie notamment pour des insuffisances dans l'analyse de la crise ukrainienne, interroge sur les capacités de renseignement hexagonales. Pourtant, la France est loin d’être démunie en la matière.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un Awacs sur la base 702 d'Avord dans le département du Cher, le 13 septembre 2019 (illustration). (PIERRICK DELOBELLE / MAXPPP)

Le directeur du renseignement militaire quitte son poste après sept mois de service, révélait mercredi 30 mars le journal L’Opinion. En interne comme en externe, il lui était reproché des insuffisances, des manques de précision et d'investissement depuis le début de la guerre en Ukraine. Ce sentiment datait déjà du contrat des sous-marins australiens perdu à l'automne, par exemple, ou des ratés sur l'évolution de la situation au Sahel.

Il y a presque un mois, le chef d'état-major des Armées avait regretté dans une interview que les analyses françaises sur l'Ukraine n'aient pas eu le niveau des américaines : le Pentagone avait en effet prévu l'invasion des troupes russes en Ukraine quasiment au jour près, tandis que les services français s’étaient montrés plus mesurés sur les intentions de Vladimir Poutine.

La France dispose d’importants moyens

Pourtant, en matière de renseignement militaire, la France est loin d’être démunie : elle dispose de satellites militaires et depuis l'espace, certains de ces engins peuvent voir le sol avec une résolution de moins de 50 centimètres. Chaque jour, des milliers de photos très précises sont prises. Encore faut-il pouvoir les analyser rapidement. Si autrefois traiter une image prenait plusieurs heures, l’intelligence artificielle permet aujourd’hui de réduire ce délai à quelques minutes. C’est ce que fait la société Preligens pour les armées : ses algorithmes détectent, et comptent par exemple les véhicules.

Mais compter ne suffit pas, précise Arnaud Guérin, cofondateur de Preligens : "Prenons l'exemple des avions, explique-t-il. On a entendu parler de missile hypersonique : ce type de missile ne peut pas être lancé de n'importe quel type d'avion. Il est donc important de pas juste détecter un avion sur une dizaine d'autres sur un aérodrome, mais pouvoir identifier le modèle pour pouvoir savoir dire quel est son niveau de dangerosité. Cela aura aussi un impact sur les moyens de défense qu'on va pouvoir mettre en place."

Le renseignement se fait aussi depuis les avions

Il existe une autre source : ce que l’on voit et entend depuis le ciel. En bordure des frontières ukrainiennes évoluent ainsi des Awacs (Airborne Warning & Control System), un avion de détection et de commandement développé par Boeing. Leur silhouette est bien connue : celle d'un Boeing 707, avec au-dessus, à l'arrière du fuselage, un immense disque radar, qui permet de voir tout ce qui vole. La France utilise aussi le C160G, dont le nom de code est "Gabriel" : ces avions ont le corps d'un Transall, un rustique avion de transport militaire, mais le cerveau et les oreilles d'un espion. "Il s'agit d'un Transall qui a été adapté pour écouter des signaux radio et des signaux radar, et qui permet de comprendre ce se passe sur un champ de bataille, précise le porte-parole de l'armée de l'Air, le colonel Stéphane Spet. Il permet de voir des unités qui sont en train d'émettre, et permet donc de déduire qu'il y a quelqu'un à tel endroit, ou qu'il y a des radars qui émettent des ondes. Cela nous permet d'avoir une bonne idée du dispositif qu'on souhaite écouter."

Et puis, il y a "sans doute" ce qui s'apprend depuis le sol, grâce au renseignement humain, opéré "sans doute" par des sources, des espions, des opérateurs des forces spéciales, des agents de la DGSE, qui sur le terrain collectent clandestinement des informations, même si aucune autorité française ne confirmera cette information.

Des ressources, jugées mal exploitées

Le renseignement militaire a donc des ressources, mais elles ont été jugées mal exploitées, ce que le général Vidaud a payé. Notons deux bémols : si le politique, qui décide en la matière, est très critique avec la DRM (direction du renseignement militaire), le sera-t-il autant avec la DGSE, le service d'espionnage français, qui a aussi montré des manques ? Second bémol : si le renseignement français s'est montré plus prudent, moins pointu dans ses analyses sur l'Ukraine que ses équivalents américain ou britannique, c'est aussi parce qu'en 2003, avant la deuxième guerre d'Irak, les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient instrumentalisé leurs services en mentant sur la présence d'armes de destruction massive.

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