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Guerre en Ukraine : ce que l'on sait du bombardement du théâtre de Marioupol

Le théâtre de cette ville portuaire du sud du pays a été visé mercredi par une frappe aérienne, selon la mairie. Des civils s'étaient retranchés à l'intérieur. Le bilan est pour l'instant inconnu.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
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Le Théâtre d'art dramatique de Marioupol, en Ukraine, a été détruit par une frappe aérienne le 16 mars 2022, d'après la mairie. (EYEPRESS NEWS / AFP)

La terreur s'intensifie à Marioupol, ville portuaire stratégique située dans le sud-est de l'Ukraine, donnant sur la mer d'Azov. Dans le centre-ville, le théâtre d'art dramatique régional de Donetsk a été la cible de bombardements, mercredi 16 mars. L'Ukraine a accusé la Russie d'être responsable, assurant que "plus d'un millier" de civils s'y étaient réfugiés.

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Une semaine auparavant, le 9 mars, le bombardement d'une maternité dans cette même ville de 430 000 habitants avait suscité l'émoi de la communauté internationale. Selon les autorités ukrainiennes, plus de 2 000 personnes ont été tuées à Marioupol depuis le début de la guerre, même si un décompte des victimes est compliqué à établir.

Une explosion a "détruit" le bâtiment

"Une bombe" lâchée "sur le théâtre d'art dramatique dans le centre-ville" a "détruit" l'immeuble, a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, mercredi 16 mars. Plus tôt dans la journée, des responsables ukrainiens ont posté une photo semblant montrer ce bâtiment de trois étages en flammes, dévasté par une explosion. Dmytro Kuleba, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, a publié des photos saisissantes avant et après l'explosion. 

Ces images montrent la partie centrale du théâtre complètement détruite, avec une épaisse fumée blanche qui s'en échappe. Cet édifice au toit rouge, construit après la Seconde Guerre mondiale, entouré d'espaces verts et situé sur une large place, n'est mitoyen d'aucun autre bâtiment, ce qui interroge sur la possibilité d'une erreur de tir.

Des civils s'y étaient réfugiés

"Le nombre de morts n'est pas encore connu", a déclaré le président ukrainien. Mais la mairie de Marioupol a affirmé, dans la nuit de mercredi à jeudi, sur son compte Telegram, que "plus d'un millier" de personnes se trouvaient dans le théâtre au moment où il a été frappé. "Nous ne pardonnerons jamais cela", a ajouté la municipalité sur la messagerie.

L'ONG Human Rights Watch a affirmé avoir besoin de davantage d'informations pour évaluer la situation à Marioupol. "Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d'une cible militaire ukrainienne dans la zone du théâtre, mais nous savons que le théâtre abritait au moins 500 civils", a expliqué la chercheuse Belkis Wille, évoquant de "sérieuses préoccupations" concernant la cible. Deux personnes interrogées par l'ONG, un médecin et un bénévole en logistique ayant fui la ville, ont confirmé qu'environ 500 à 800 civils étaient retranchés dans le théâtre.

Une vidéo mise en ligne le 10 mars par le régiment Azov, un groupe militaire d'extrême droite ukrainien, et repérée par le New York Times, montre l'intérieur du théâtre une semaine avant les faits. Sur ces images visionnées par franceinfo, des femmes, des enfants, des bébés et des hommes apparaissent cachés derrière des fenêtres obstruées, dans la pénombre. Le groupe indiquait lors de la publication que le vestiaire était "un lieu de distribution de nourriture" et "les acteurs eux-mêmes" venaient "en aide aux réfugiés dans leur ville natale"

L'entrée de l'abri semble désormais bloquée par les débris provoquée par l'explosion. Les informations sur les victimes sont "en cours de vérification", a précisé la mairie de Marioupol.

Le mot "enfants" était inscrit sur le trottoir

Une photo du théâtre, consultée et analysée par l'AFP, montre que le mot "enfants" était écrit sur le trottoir, en immenses lettres blanches et en russe, à l'avant et à l'arrière du bâtiment. C'est aussi ce que montre un cliché satellite partagé par la société américaine de technologies spatiales Maxar Technologies. Selon l'entreprise, il a été pris le 14 mars. Sur la base de cette image, l'association Humans Right Watch affirme que "le mot russe signifiant 'enfants' apparaît clairement sur le sol, inscrits deux fois en énormes caractères cyrilliques"

Le mot "enfants" est visible sur la photo aérienne du théâtre de Marioupol prise par l'entreprise américaine Maxar lundi 14 mars. (EYEPRESS NEWS / AFP)

Une autre photo, récupérée par l'ONG auprès d'une médecin locale et publiée sur Twitter, montre les mêmes inscriptions visiblement faites au ruban adhésif destinées à avertir qu'il s'agissait d'un abri pour des populations civiles. 

La Russie dément être à l'origine de l'attaque

"L'aviation russe a sciemment lancé une bombe", a affirmé Volodymyr Zelensky. "Le monde doit finalement admettre que la Russie est devenue un Etat terroriste", a-t-il assené. Pour le maire de Marioupol, Vadym Boïchenko, cette attaque est une "effroyable tragédie""Le seul mot pour décrire ce qui s'est passé aujourd'hui est génocide, le génocide de notre nation, de notre peuple ukrainien", a-t-il ajouté.

Le ministère russe de la Défense a démenti un bombardement de la ville par ses troupes et affirmé que l'immeuble avait été détruit par le bataillon nationaliste ukrainien Azov. L'ambassade de Russie à Washington a par ailleurs affirmé qu'il s'agissait d'une campagne de désinformation. 

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Moscou a déjà rejeté sur cette unité militaire la responsabilité du bombardement d'une maternité à Marioupol le 9 mars, qui a causé la mort d'au moins trois personnes

Joe Biden a condamné cette frappe

A Washington, répondant à une journaliste après l'annonce de l'événement, le président américain Joe Biden a accusé son homologue russe Vladimir Poutine d'être "un criminel de guerre". Des propos jugés "inacceptables et impardonnables" par le Kremlin.

>> On vous explique la notion de crime de guerre, accusation récurrente dans le conflit en Ukraine

"C'est l'horreur absolue, a de son côté déclaré le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel. Effectivement, je pense que la justice internationale devra faire la lumière, parce que l'impunité ne peut pas être une option."

Dimanche, le Comité international de la Croix-Rouge avait déjà tiré la sonnette d'alarme, mettant en garde contre "un scénario du pire" dans la ville assiégée et se disant "prêt à agir comme intermédiaire neutre pour faciliter le dialogue entre parties sur ces questions humanitaires""Le temps est compté pour les centaines de milliers de personnes piégées dans les combats. L'histoire jugera avec horreur ce qui est en train de se passer à Marioupol", insiste le communiqué de l'ONG"La souffrance humaine est immense", souligne-t-il, précisant que la population est forcée de se réfugier dans des abris souterrains sans chauffage et doivent risquer leur vie lors de brèves sorties pour chercher de la nourriture et de l'eau.

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