Cet article date de plus de deux ans.

Guerre en Ukraine : ce que l'on sait de la situation de la centrale de Tchernobyl, après sa capture par l'armée russe

Des affrontements ont fait rage autour du site protégé, théâtre d'une catastrophe nucléaire en 1986. Les autorités de sûreté nucléaire ukrainiennes et européennes appellent à la plus grande vigilance.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des véhicules blindés de l'armée russe sur le site de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl, dans le nord de l'Ukraine, le 24 février 2022. (EYEPRESS NEWS / AFP)

Des niveaux de radioactivité en hausse. C'est le constat inquiétant tweeté par le Parlement ukrainien, vendredi 25 février (lien en anglais). Selon l'institution, les taux limites de radioactivité "ont été dépassés dans un grand nombre d'endroits" de la zone d'exclusion de Tchernobyl, dans le nord de l'Ukraine. Ce site protégé, qui abrite l'ancienne centrale nucléaire soviétique victime d'un grave accident en 1986, est passé sous contrôle de l'armée russe jeudi en début de soirée.

>> Suivez l'évolution du conflit russo-ukrainien dans notre direct

Forces en présence, dangerosité du site, risques pour la santé : franceinfo vous résume les enjeux de ces combats, qui préoccupent jusqu'à l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). 

Le site est tombé aux mains de l'armée russe après de lourds combats

Peu avant 19 heures jeudi, la présidence ukrainienne a annoncé que l'ancienne centrale nucléaire avait été prise par les soldats de l'armée russe. "Après des combats acharnés, nous avons perdu le contrôle sur le site de Tchernobyl", a déclaré Mikhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence, cité par l'AFP. 

Un peu plus tôt dans la journée, Kiev avait fait état de combats près du dépôt des déchets nucléaires du site. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, affirmait que des militaires ukrainiens y "sacrifiaient leur vie" pour éviter une catastrophe comme en 1986. D'importantes destructions de matériel militaire et différents bilans humains ont été rapportés par les deux camps, sans qu'il soit pour l'instant possible de les vérifier. 

La zone reste très dangereuse, plus de trente ans après le pire accident nucléaire de l'histoire

L'ancienne centrale soviétique et ses environs ont été déclarés hostiles à l'activité humaine après le terrible accident du 26 avril 1986, lors duquel le réacteur n°4 de l'installation avait explosé avant d'entrer en fusion. Les rejets radioactifs de ce désastre ont depuis causé des milliers de décès directs et indirects, ainsi que plus de 6 000 cancers de la thyroïde chez des enfants, estime la Croix-Rouge, qui continue d'assister les populations environnantes

Au total, la zone d'exclusion de Tchernobyl concerne une zone immense, plus de 2 200 km² dans le nord de l'Ukraine et 2 600 km² dans le sud de la Biélorussie. Le site nucléaire en lui-même, désaffecté en décembre 2000, comporte une énorme arche de confinement posée sur le réacteur accidenté – ainsi que 20 000 m³ de déchets radioactifs, "solides et liquides", rappelle l'IRSN dans une note publiée le 25 février.

Des relevés automatiques sont toujours en cours de vérification

Dans son rapport transmis au Parlement ukrainien, le Centre pour la sûreté nucléaire du pays dit avoir observé une hausse des niveaux de radiation vendredi matin à partir de 6 heures (heure locale). Au total, 21 voyants ont viré au rouge, sur la cinquantaine de balises automatiques que compte la zone d'exclusion côté ukrainien. Dans l'enceinte même de la centrale, quatre des six capteurs actifs ont enregistré un dépassement des taux limites. Prudent, le Parlement ukrainien a précisé vendredi qu'il était "encore impossible d'établir les causes de ces changements (...) à cause de l'occupation [russe] et des combats militaires dans la zone".

De son côté, Moscou a rejeté ces analyses, assurant que tout était sous contrôle. "Le niveau de radiations autour de la centrale nucléaire reste dans ses limites", a déclaré dans un communiqué (en anglais) le major général Igor Konashenkov, porte-parole du ministère russe de la Défense. L'armée russe a par ailleurs certifié que les équipes de la centrale continuaient à s'occuper des lieux et à en surveiller la radioactivité. Sont-elles prises en otage, comme s'en est inquiétée jeudi soir Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, lors d'une conférence de presse ? Aucune de ces informations n'a pour l'instant pu être infirmée ou confirmée par l'agence ukrainienne Sauezm, en charge du site. 

Si l'augmentation de la radioactivité sur le site fait débat, les raisons du phénomène évoqué par Kiev font, elles aussi, l'objet de conjectures. S'agirait-il de fuites causées par des bombardements, sur les zones de stockage de déchets par exemple ? Ou d'une propagation de la contamination dans l'air, causée par le passage des chars militaires ? Dans sa note du 25 février, l'IRSN se dit dans l'incapacité d’infirmer ou de confirmer ces informations concernant "l'augmentation de l'ambiance radiologique autour du site""Il convient de rester très prudent sur ces mesures à ce stade", rappelle l'institut. 

Les vigies européennes du nucléaire restent aux aguets

Alors que la Russie semble avoir verrouillé son emprise sur Tchernobyl, et continue son implacable avancée sur le territoire ukrainien, l'heure est à la vigilance concernant de possibles rejets radioactifs causés par les combats dans la zone d'exclusion. Le réseau européen de surveillance de la radioactivité (Eurdep), créé au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, repose sur plus de 5 500 stations automatiques réparties dans 39 pays partenaires, avec des relevés qui peuvent être actualisés toutes les heures en cas d'urgence. 

"Aucune augmentation de radioactivité n’a été détectée dans les pays européens", a assuré vendredi l'IRSN, qui fait partie de ce réseau. Côté français, la carte générée à partir du système de surveillance Teleray faisait état vendredi soir de niveaux de radioactivité bien en dessous des seuils de dangerosité établis par l'IRSN, dont une majorité de relevés inférieurs à la moyenne journalière. Même constat au niveau européen, d'après la carte interactive fournie par la Commission européenne.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.