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Guerre en Ukraine : ce que l'on sait de la mort d'Arman Soldin, un journaliste français tué près de Bakhmout

Le coordinateur vidéo de l'Agence France-Presse a été mortellement touché sur le front, à Tchassiv Iar, dans l'est du pays.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
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Le journaliste Arman Soldin, lors d'un reportage en Ukraine, le 3 mars 2022. (ARIS MESSINIS / AFP)

Il est le dixième journaliste tué pendant qu'il couvrait la guerre en Ukraine, d'après le décompte de l'association Reporters sans frontières. Arman Soldin, 32 ans, est mort mardi 9 mai près de Bakhmout, dans la région de Donetsk dans l'est du pays, a annoncé l'agence AFP, pour qui il travaillait depuis 2015. Né à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, et réfugié en France dès l'âge d'un an, ce journaliste reporter d'images s'était porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l'AFP dès l'invasion du pays par les troupes russes en février 2022. Après avoir occupé des postes à Rome puis Londres, Arman Soldin était devenu le coordinateur vidéo de l'agence dans le pays depuis septembre 2022 et avait l'habitude de se rendre sur le front. Voici ce que l'on sait de son décès.

Il a été touché par une roquette

Arman Soldin faisait partie d'une équipe de cinq reporters de l'AFP qui suivaient les militaires ukrainiens sur des zones de combats. Mardi, ils se trouvaient en reportage dans les environs de Tchassiv Iar, une ville proche de Bakhmout, visée régulièrement par des attaques russes, comme l'ont observé de nombreux médias, dont franceinfo. L'AFP précise que ses journalistes se rendent régulièrement dans cette zone pour rendre compte des affrontements dans la région, épicentre des combats en Ukraine depuis plusieurs mois.

Arman Soldin et ses collègues étaient avec des militaires ukrainiens lorsqu'ils ont été pris sous une salve de roquettes vers 16h30 (heure locale). Arman Soldin a été mortellement touché par un tir de roquette Grad (nom d'un type de lance-roquettes soviétique), alors qu'il s'était couché au sol pour tenter de se protéger, ont relaté ses collègues. Ces derniers s'en sont sortis indemnes.

"L'agence dans son ensemble est effondrée", a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l'AFP. "Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine."   

L'enquête s'annonce difficile

Le Parquet national antiterroriste a ouvert mercredi une enquête en France pour "crimes de guerre" afin de faire la lumière sur les circonstances entourant la mort du reporter. Elle a été confiée aux gendarmes de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine.

On ignore à ce stade si ce bombardement visait particulièrement l'équipe de journalistes, et qui l'a commandité. Dans un communiqué (en anglais), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une organisation basée aux Etats-Unis, a déclaré "ne pas pouvoir confirmer la source du tir de roquettes". Il appelle les autorités russes et ukrainiennes à enquêter sur les circonstances de la mort du jeune homme.

Il faudra "établir les circonstances et les responsabilités" de la mort d'Arman Soldin en Ukraine, a abondé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), interrogé sur franceinfo. Cette enquête sera difficile, reconnaît-il, tant "les services d'enquête ukrainiens sont absolument débordés". Mais RSF "essaye d'apporter sa pierre à l'édifice" dans ces circonstances similaires, "et il y a les enquêtes qui peuvent être faites grâce à l'aide internationale".

Le patron de l'ONG souligne en outre les risques auxquels font face les journalistes qui, comme Arman Soldin, filment "et qui sont obligés d'aller près du front, d'affronter une forme de danger qui parfois inflige la mort". Pour RSF, "ça ne justifie pas les tirs délibérés dont ils font trop souvent l'objet, ni les tirs de roquette ou d'autres armements contre des civils parmi lesquels se trouvent les journalistes".

Le monde entier a réagi à sa mort

"Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer", a salué Emmanuel Macron sur Twitter.  Au-delà du président de la République, la mort d'Arman Soldin a suscité de très nombreuses réactions en France et à l'étranger, chez les journalistes et au sein de la classe politique. Le Stade rennais, dont il avait porté les couleurs de 2006 à 2008 dans des équipes de jeunes, a aussi fait part de "sa grande tristesse" sur le réseau social.

Plusieurs responsables politiques internationaux ont réagi. Arman Soldin "a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde", a écrit le ministère de la Défense ukrainien sur Twitter, en présentant ses "sincères condoléances à sa famille et à ses collègues". "Le monde a une dette envers Arman Soldin", a aussi déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, tandis que le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'est dit "dévasté" par sa mort.

Arman Soldin est au moins le dixième journaliste à avoir été tué en Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte de RSF. D'après l'ONG, trois journalistes français sont morts dans ce conflit, après Frédéric Leclerc-Imhoff en mai 2022 et Pierre Zakrzewski en mars 2022. Le CPJ recense quant à lui au moins 15 professionnels de l'information tués en Ukraine.

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