Guerre en Ukraine : ce que l'on sait de l'offensive massive lancée par l'armée russe pour prendre le contrôle du Donbass
Moscou a ouvert une nouvelle phase de son invasion, après avoir échoué à prendre la capitale, Kiev, ces dernières semaines. En ligne de mire pour le Kremlin : les territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk, dans l'est du pays.
"Nous pouvons maintenant affirmer que les troupes russes ont commencé la bataille pour le Donbass." Dans un discours retransmis lundi sur Telegram, le président ukrainien a annoncé le début de l'offensive russe dans l'est du pays. "Une très grande partie de l'ensemble de l'armée russe est désormais consacrée à cette offensive", a précisé Volodymyr Zelensky.
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La Russie a confirmé, mardi 19 avril, qu'elle menait une offensive militaire d'ampleur dans les régions de Donetsk et Louhansk, réaffirmant sa volonté de "libérer" le Donbass. "L'armée russe exécute les tâches fixées par le chef des armées [Vladimir Poutine] pour l'opération militaire spéciale", a déclaré le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, qui ne s'était plus exprimé publiquement depuis fin mars.
Voici ce que l'on sait de cette nouvelle phase dans la guerre en Ukraine, 55 jours après le début de l'invasion de l'armée russe.
Des combats et des bombardements dans plusieurs villes du Donbass
"C'est l'enfer. L'offensive a commencé, celle dont on parle depuis des semaines", a déclaré sur Facebook Serguiï Gaïdaï, le gouverneur ukrainien de Louhansk, alors que le conflit entre forces gouvernementales et séparatistes prorusses fait rage depuis 2014 dans toute cette zone du pays.
"Il y a des combats à Roubijné et Popasna" et "des combats incessants dans d'autres villes pacifiques", a ajouté Serguiï Gaïdaï, affirmant que Kreminna était "malheureusement sous le contrôle des orques", le surnom péjoratif donné aux militaires russes. Cette ville, qui comptait environ 18 000 habitants avant la guerre, se trouve à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kramatorsk, la capitale ukrainienne du bassin houiller du Donbass. Le conseiller de la présidence ukrainienne, Oleksiy Arestovych, a toutefois assuré que "les occupants russes n'avaient pas encore conquis Kreminna" et que d'"intenses combats de rue" s'y déroulaient.
L'armée ukrainienne a également mis en garde lundi soir contre une menace élevée de bombardements dans la région de Mykolayiv, dans le Sud.
L'intense bataille de Marioupol se poursuit
Le conseil municipal de Marioupol a fait part, mardi matin, de bombardements sur l'usine d'Azovstal et assuré sur Telegram qu'"au moins 1 000 civils – la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées – se trouvent dans les abris souterrains" du complexe métallurgique. Selon l'envoyé spécial de France Télévisions Luc Lacroix, Azovstal est "la dernière poche de résistance ukrainienne". "Quand on s'en rapproche, c'est un véritable déluge de feu. (...) Cette bataille de Marioupol mobilise encore les forces russes et séparatistes. Elle les empêche de diriger toute leur puissance de feu plus au nord, toujours dans le Donbass, là où ils veulent mener leur grande offensive", explique-t-il. "Nos militaires y sont toujours. Ils combattront jusqu'au bout", a lancé le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal.
La conquête totale de la ville portuaire de Marioupol serait une prise stratégique majeure pour le Kremlin car elle permettrait aux Russes de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d'Azov en reliant le Donbass, en partie contrôlé par leurs partisans, à la Crimée, que Moscou a annexée en 2014.
Encore "beaucoup de civils" retranchés
Les autorités ukrainiennes appellent depuis plusieurs jours les habitants de ces régions à partir vers l'Ouest. Si cet appel a été entendu, beaucoup d'habitants ont aussi fait le choix de rester. Avec l'offensive qui s'intensifie, ces évacuations sont de plus en plus périlleuses. Au moins quatre civils ont été tués dans les bombardements russes pendant qu'ils tentaient de fuir Kreminna, selon le gouverneur Serguiï Gaïdaï, qui a exhorté la population à évacuer la région de Louhansk.
Aucun couloir d'évacuation des civils n'a pu être organisé mardi, faute d'accord avec la partie russe, et ce, pour le troisième jour consécutif, a regretté la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk. Elle avait demandé la veille à Moscou d'ouvrir des couloirs humanitaires à Berdyansk et Marioupol. "Votre refus d'ouvrir ces couloirs humanitaires servira, à l'avenir, d'éléments pour des poursuites en justice contre tous ceux impliqués dans des crimes de guerre", a-t-elle prévenu sur Telegram.
La présence militaire de la Russie renforcée
Selon un haut responsable du département de la Défense américain (en anglais), la Russie a augmenté de "onze bataillons" en une semaine sa présence militaire dans l'est et le sud de l'Ukraine, portant à 76 le total de bataillons dans le pays, dont 12 sont toujours mobilisés à Marioupol. Selon ce même responsable, environ 22 bataillons au nord de l'Ukraine sont probablement en cours de réapprovisionnement et de rééquipement. Ces unités sont composées d'armes de défense aérienne, de blindés, de véhicules tactiques, d'artillerie, d'hélicoptères et d'éléments de génie militaire et de soutien logistique.
"L'ennemi poursuit le transfert d'armes et d'équipements militaires vers l'Ukraine depuis des régions du centre et de l'est de la Fédération russe", a affirmé mardi l'état-major de l'armée ukrainienne. Des divisions de missiles anti-aériens Tor ont été transférés dans la région de Kharkiv (nord-est) et des systèmes antiaériens S-400 et S-300 ont été déployés dans la région russe de Belgorod, près de la frontière avec l'Ukraine, selon la même source.
Vladimir Poutine a besoin de résultats avant le 9 mai
"Le plan de libération des républiques populaires [autoproclamées] de Donetsk et de Louhansk est mis en œuvre", conformément à la volonté du Kremlin, a déclaré mardi le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou. Pourquoi lancer cette offensive dans ces territoires séparatistes maintenant ? Après avoir échoué à faire tomber la capitale, Kiev, "Vladimir Poutine et la Fédération de Russie ont besoin d'afficher une victoire quelconque après les échecs subis", a estimé mardi matin, sur franceinfo, Valéria Faure-Muntian, députée LREM et présidente du groupe d'amitié France-Ukraine à l'Assemblée.
Confronté depuis près de deux mois à la résistance acharnée des Ukrainiens, le président russe veut obtenir des avancées avant le défilé militaire du 9 mai, marquant la victoire soviétique sur les nazis, en 1945. "Il y a un sentiment d’urgence, car le Kremlin veut, pour des raisons politiques, une victoire à présenter rapidement à sa population, notamment pour justifier les pertes", souligne dans Le Monde Vincent Tourret, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.
"Vladimir Poutine joue son va-tout dans cette offensive" et a donc "besoin d'obtenir ce succès", analysait lundi sur franceinfo le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. "Cela va être une guerre de l'ancien monde avec de l'artillerie et des tirs un peu partout (...) Cela va être très, très violent, parce que là, l'armée russe ne peut plus reculer", prédisait aussi, début avril, le général Dominique Trinquand.
Les Etats-Unis renforcent leurs livraisons d'armes à l'Ukraine
Dans ce contexte, les Etats-Unis ont annoncé lundi que les premières cargaisons de leur nouvelle aide militaire (800 millions de dollars) à l'Ukraine venaient d'arriver aux frontières du pays. Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a précisé que des soldats déployés sur le flanc est de l'Otan depuis le début de l'invasion russe commenceront "dans les prochains jours" à former des militaires ukrainiens au maniement des canons M777 Howitzer, des pièces d'artillerie de dernière génération que les Etats-Unis ont décidé de remettre pour la première fois à l'armée ukrainienne.
Même si leur maniement n'est pas fondamentalement différent de celui de l'artillerie dont l'armée ukrainienne est familière, ces canons utilisent des obus de 155 mm, utilisés par les pays de l'Otan, alors que l'Ukraine ne dispose encore que d'obus de 152 mm, de fabrication russe. Le président américain, Joe Biden, va par ailleurs participer mardi à une réunion consacrée à l'offensive russe en Ukraine.
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