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Ukraine : l'offensive de l'armée russe dans l'Est "va être très violente, parce que l'armée russe ne peut plus reculer", selon le général Dominique Trinquand

"Le gouvernement ukrainien a raison de faire évacuer la population tout de suite parce que cela va être une guerre de l'ancien monde avec de l'artillerie et des tirs un peu partout", estime sur franceinfo l'ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU à New York, sur franceinfo, mercredi 2 mars 2022. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

L'offensive de l'armée russe dans l'est de l'Ukraine "va être très violente, parce que l'armée russe ne peut plus reculer", a affirmé mercredi 6 avril sur franceinfo le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, alors que les bombardements se poursuivent dans l'est de l'Ukraine. Les autorités ukrainiennes ont demandé aux populations d'évacuer ces régions. Selon le général Dominique Trinquand, on est entré dans "la troisième phase" de la guerre. Mais il ne croît pas que Vladimir Poutine veuille envahir tout le pays. L'armée russe "n'a pas les moyens de conquérir l'Ukraine."

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franceinfo : On parle d'une offensive majeure imminente dans l'est du pays. Est-ce que cela vous inquiète ? À quoi faut-il s'attendre ?

Dominique Trinquand : La première chose, c'est que c'était prévisible. Il y a dix jours, l'état-major russe a précisé qu'il allait concentrer son effort sur le Donbass. C'est ce qu'il a fait. Il a retiré des troupes, en particulier du Nord, de façon à pouvoir concentrer tous les efforts sur le Donbass. Donc il faut s'attendre à une attaque majeure. Le gouvernement ukrainien a raison de faire évacuer la population tout de suite parce que cela va être une guerre de l'ancien monde avec de l'artillerie et des tirs un peu partout.

Est ce qu'on peut parler d'un changement de tactique côté russe ?

Oui, complètement. On est à la troisième phase. La première phase, c'était la prise surprise de Kiev qui n'a pas fonctionné. Au bout de deux jours on s'en est aperçu. Ensuite, cela a été l'attaque sur quatre fronts différents : le Nord, Kharkiv, le Donbass et le Sud. Et le seul endroit où cela a progressé, c'est vers le Sud et le Donbass. C'est le renforcement de ce qui a été considéré comme un succès par les Russes. Donc cela me paraît une stratégie normale. Cela ne veut pas dire que les bombardements arrêteront ailleurs, mais cela veut dire que l'ensemble des forces russes sera concentré sur cette partie pour que le président Poutine puisse prononcer une victoire après la prise de Marioupol et peut-être une reconquête d'une partie du Donbass.

Selon le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, le président russe Vladimir Poutine n'a pas renoncé à sa volonté de s'emparer de toute l'Ukraine. Et la guerre risque de durer des mois, voire des années. Est-ce que c'est votre avis ?

Peut-être le président Poutine peut-il y penser. Mais il n'a absolument pas les moyens de s'emparer de l'Ukraine et il le sait. Donc cela veut dire que s'il remporte une victoire en conquérant les territoires entre la Crimée et le Donbass, il pourra clamer victoire, provisoire peut être, entamer des négociations et peut-être mener une prochaine guerre dans cinq ans, comme cela a été le cas au Donbass. Je rappelle qu'il y a huit ans, il y avait eu une première guerre. Nous en sommes à la deuxième.

Le secrétaire général de l'Otan dit aussi qu'il n'y a aucune indication selon laquelle Vladimir Poutine aurait changé son objectif de contrôler l'ensemble de l'Ukraine.

Je ne sais pas quelle indication a le secrétaire général de l'Otan. Il n'y a qu'à voir l'attrition de l'armée russe et le peu de réserves dont elle dispose pour se rendre compte qu'il n'a pas les moyens de conquérir et encore moins occuper l'Ukraine.

"La Russie a réuni à peu près 200 000 hommes, des forces considérables, pour envahir l'Ukraine. Elle en a perdu 20% en trois semaines."

Dominique Trinquand

à franceinfo

Et aujourd'hui, lorsque l'on voit les forces qu'elle est train de concentrer pour son offensive majeure dans le Donbass, elle est obligée d'aller rechercher des forces qui ont déjà été engagées pendant cinq semaines, qui ont perdu 20% de leur potentiel, d'aller chercher les réservistes, d'aller chercher des combattants syriens, des combattants de Wagner de Libye, d'aller chercher des forces qui sont actuellement sur le Pacifique. Donc, on voit bien que tout ceci est un peu du bricolage pour y arriver. Cela ne veut pas dire qu'aujourd'hui, l'objectif qu'il s'est assigné, c'est à dire le Donbass, il ne puisse pas le conquérir. Mais la conquête de l'Ukraine me paraît totalement illusoire.

Est-ce que cette offensive s'annonce plus violente que ce que les Ukrainiens ont connu depuis le début de la guerre ?

Oui, cela va être très, très violent, parce que là, l'armée russe ne peut plus reculer. On a bien vu qu'à Kiev, elle s'est aperçue de ses limites et elle est partie en disant que finalement, ce n'était pas son objectif. Mais là, c'est clairement son objectif. Donc elle ne peut plus reculer. Donc coûte que coûte, en martelant chaque pouce de terrain du Donbass, elle conquerra des ruines, mais elle conquerra le Donbass. Et l'armée ukrainienne a deux risques majeurs. La première, c'est que les forces qui sont au contact sur le Donbass puissent se faire tourner par des forces qui viennent du Nord. La deuxième est simplement de se faire détruire sur place. Cela va être un combat extrêmement violent.

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