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Guerre en Ukraine : "C'est bien un objectif de changement de régime qui se confirme", selon un spécialiste

Pour Elie Tenenbaum, spécialiste des relations internationales, l'invasion de l'Ukraine par la Russie joue sur l'"effet de surprise, de sidération" pour "frapper l'adversaire à la tête dans ce qu'on appelle une action de décapitation".

Article rédigé par franceinfo
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle tous les Européens aguerris au combat à venir aider l'Ukraine à se défendre contre l'invasion russe, le 25 février 2022. (HANDOUT / UKRAINE PRESIDENCY VIA AFP)

"C'est bien un objectif de changement de régime qui se confirme ici par la ruée sur Kiev", estime vendredi 25 février après-midi Elie Tenenbaum, directeur du centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales.

franceinfo : La Russie a déjà des forces militaires, des parachutistes dans Kiev. Qu'est-ce que ça implique?

Elie Tenenbaum : D'abord, ça indique le plan des forces armées russes. Il est bien d'aller directement à la capitale pour avoir un impact politique sur le conflit, et vraisemblablement défaire ou démettre le gouvernement actuel, qui est jugé par Moscou comme entièrement responsable de la situation, aussi paradoxal que cela puisse paraître. C'est bien un objectif de changement de régime qui se confirme ici par la ruée sur Kiev. Il ne s'agit pas d'une prise de gage militaire. Il s'agit d'avoir un effet sur les trois premiers jours du conflit dans le moment. C'est un effet de surprise, de sidération, immédiatement frapper l'adversaire à la tête dans ce qu'on appelle une action de décapitation.

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Le président ukrainien dit que l'armée fait "ce qu'elle peut" : ça témoigne du déséquilibre ?

Il y a un déséquilibre qui était déjà présent sur le papier, qui se renforce encore plus par la manœuvre russe, qui a consisté tout d'abord à frapper à peu près partout dans le pays les sites de défense aérienne. La Russie s'est assurée dans les premières heures du conflit de la supériorité aérienne quasi-totale au-dessus du ciel ukrainien. Ça veut dire aussi la domination en termes de renseignement : les Ukrainiens aujourd'hui sont non pas sourds, aveugles et muets, mais ont de gros problèmes à communiquer et à comprendre la situation, donc à planifier leur défense. Ensuite, le choix du président ukrainien actuel de privilégier jusqu'au bout une approche de désescalade a pu parfois donner l'impression d'une armée ukrainienne qui ne se préparait pas effectivement à la guerre, ou alors seulement dans les toutes dernières semaines.

Volodimir Zelensky demande aux Européens aguerris de venir se battre aux côtés des ukrainiens : on passe un cap ?

Derrière ces déclarations, il y a la préparation de ce qui sera une seconde ou une troisième phase de la guerre, qui sera sans doute beaucoup plus compliquée pour la Russie. Elle consistera à occuper et contrôler une partie de ce vaste territoire, l'Ukraine étant l'État le plus grand d'Europe continentale, avec une population relativement hostile aujourd'hui à cette arrivée des troupes russes. À ce moment-là, c'est une autre guerre, une guerre de partisans, de guérilla, avec des poches de résistance qui se maintiendront sans doute dans l'Est. Là, on passera sur quelque chose d'un peu différent où, effectivement, l'action de volontaires étrangers, mais aussi de combattants ukrainiens qui passeraient sous forme de maquis, aurait d'autres méthodes pour prolonger le combat.

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