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Le Parlement européen approuve l'accord sur le Brexit : "C'est le début d'un processus qui sera rythmé par beaucoup de disputes"

Article rédigé par franceinfo - Fabien Jannic-Cherbonnel
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Michel Barner, le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, lors du débat sur l'accord commercial avec le Royaume-Uni au Parlement européen, le 27 avril 2021. (OLIVIER HOSLET / AFP)

Même si les eurodéputés se sont exprimés sur l'accord commercial conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, de nombreuses questions n'ont toujours pas été tranchées et risquent de compliquer les relations avec le Royaume-Uni, selon la chercheuse Elvire Fabry.

Le point final du Brexit ? Le Parlement européen a voté mardi 27 avril sur l'accord commercial de l'UE avec le Royaume-Uni. A l'issue du scrutin, organisé mardi soir, 660 députés ont approuvé le texte, 5 s'y sont opposés et 32 se sont abstenus, sur 697 votants. Les points de tensions entre Londres et Bruxelles restent cependant nombreux. Et le Brexit est loin d'être une affaire réglée, explique à franceinfo Elvire Fabry, spécialiste du Brexit et chercheuse à l'Institut Jacques Delors.

Franceinfo : L'adoption de l'accord commercial entre l'UE et le Royaume-Uni vient-elle clore le chapitre du Brexit ?

Elvire Fabry : Non, c'est une étape importante, mais ça n'est que le début des négociations entre l'UE et le Royaume-Uni. Ce que l'on voit depuis début janvier, c'est que l'on est entré dans une nouvelle phase. C'est le début d'un processus qui sera rythmé par beaucoup de disputes et de procédures juridiques. 

On l'a vu sur la question de l'Irlande du Nord, avec la décision britannique de prolonger de façon unilatérale la période de grâce sur l'application des contrôles sur les échanges commerciaux entre le territoire et le reste du Royaume-Uni. Rappelons que l'accord commercial maintient l'Irlande du Nord dans le marché unique, cela veut donc dire que toutes les exportations britanniques vers ce territoire devront faire l'objet de contrôles. 

Cette décision de prolongation de la part de Londres a fait l'objet de deux procédures engagées par l'Union européenne. C'est préoccupant, parce que la question de la frontière irlandaise et du respect des accords de paix, est certainement l'un des sujets les plus sensibles de cet accord.

Dans quel état se trouvent les relations entre l'UE et le Royaume-Uni ?

Cet épisode n'a fait qu'éroder, encore un peu plus, la confiance qu'ont les Européens dans la façon dont les Britanniques vont mettre en œuvre cet accord. Il y a encore beaucoup de sujets qui n'ont pas été tranchés par cet accord. Notamment les questions de politique étrangère et de sécurité, pour lesquelles Londres a refusé d'avoir un cadre commun. Tout cela se fait sur fond de méfiance croissante, avec un Royaume-Uni qui se montre en forte appétence de divergence, et qui ne donne aucun gage quant à sa volonté de rester aligner sur les normes européennes.

"Je pense que les Européens ne parient pas à court terme sur une relation très apaisée et très constructive."

Elvire Fabry, chercheuse à l'Institut Jacques Delors

à franceinfo

Quels sujets risquent de devenir des points de blocage ?

On voit que la pêche est d'ores et déjà un sujet problématique. Le Royaume-Uni, selon les termes de l'accord, devait garantir l'accès à sa zone de pêche exclusive, mais n'a pas encore donné son autorisation aux bateaux européens. Il y a une pression forte sur ce sujet, notamment du côté de la France. Et s'il y a une mauvaise volonté du gouvernement britannique, il est probable que les Européens se montrent peu conciliants sur la question des services financiers qui sont toujours en suspens.

Pourquoi le Royaume-Uni cherche-t-il à diverger autant de l'UE ?

Je pense qu'il y a un intérêt évident du côté de Boris Johnson, le Premier ministre britannique, d'essayer de minimiser l'impact négatif du Brexit et de rejeter la faute sur les Européens. C'est une façon de maintenir une rhétorique qui est à son avantage, alors qu'il a été très critiqué sur la gestion de la pandémie et son coût économique. 

"Ce qui est analysé, côté européen, comme de la mauvaise foi sur la question de l'Irlande du Nord est décrite, côté britannique, comme de la rigidité purement européenne."

Elvire Fabry, chercheuse à l'Institut Jacques Delors

à franceinfo

Boris Johnson a indéniablement choisi une stratégie du "tout sauf l'Europe". Tout ce qu'il esquisse actuellement comme stratégie post-Brexit se situe loin de la localisation géographique réelle du Royaume-Uni et est tourné vers l'indo-pacifique et les Etats-Unis. Mais en vérité, le Royaume-Uni dépend très largement du marché unique européen. La moitié des échanges commerciaux se font avec l'UE et ne peuvent pas être substitués par des partenaires très lointains.

Doit-on s'attendre à ce que l'UE se détourne elle aussi du Royaume-Uni ?

Il y a un très net détournement de l'attention, parce que les Européens ont été rassurés par la signature de l'accord. S'ils sont agacés par l'attitude des Britanniques, ils se sont recentrés sur les priorités de l'agenda européen, notamment la gestion de la pandémie, mais aussi l'application du plan d'investissement et la politique industrielle. On voit qu'il y a un investissement politique moindre, mais pas moins de vigilance pour autant.

Cependant, le Royaume-Uni reste un pays important. C'est
 un acteur majeur de la région avec lequel il faudra coopérer, surtout en matière de défense. Les Européens se préparent à être patients avec le gouvernement de Boris Johnson.

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