De quoi vont discuter Boris Johnson et Emmanuel Macron lors de leur première rencontre officielle ?
Avant l'ouverture du sommet du G7 à Biarritz, le Premier ministre britannique va être accueilli par le président français à l'Elysée. Le Brexit devrait occuper une bonne part des discussions.
Ils vont se rencontrer pour la première fois. Le Premier ministre britannique Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron se sont donné rendez-vous jeudi 22 août. Au menu des discussions, notamment, le Brexit, et en particulier la question du "backstop". Ce filet de sécurité prévoit que, faute de meilleure solution à l'issue d'une période transitoire, et pour éviter le retour d'une frontière entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande, le Royaume-Uni tout entier devra rester dans un "territoire douanier unique" avec l'Union européenne après sa sortie le 31 octobre. Mais cette option n'est pas envisageable pour les partisans d'un Brexit dur comme Boris Johnson. Ce dernier accuse le "backstop" d'empêcher son pays de mener une politique commerciale indépendante. De son côté, l'UE a répété qu'elle n'était pas prête à renégocier l'accord de Brexit.
A quelques jours du sommet du G7, qui débute samedi à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), Boris Johnson a commencé ses premières visites diplomatiques en tant que Premier ministre du Royaume-Uni. Mercredi, il a rencontré Angela Merkel, avec qui il a discuté du Brexit. Aujourd'hui, il déjeune à l'Elysée avec Emmanuel Macron, tenant d'une ligne encore plus inflexible que la chancelière allemande dans cet épineux dossier. Pour comprendre les enjeux de cette rencontre, franceinfo a interrogé Christian Lequesne, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des relations diplomatiques européennes.
Franceinfo : Que peut-on attendre de cette rencontre alors que Boris Johnson et Emmanuel Macron sont radicalement opposés sur le Brexit et ses conditions d'application ?
Christian Lequesne : Chacun va répéter ses positions, qui sont connues. D'un côté, Boris Johnson va expliquer être contre le "backstop" et demandera aux Européens d'offrir un traité de sortie sans ce filet de sécurité. De l'autre, Emmanuel Macron répondra que c'est impossible. Je pense que le chef de l'Etat sera assez franc avec le Premier ministre britannique, comme il l'a montré récemment avec son homologue russe Vladimir Poutine. Il n'a aucun intérêt à ne pas l'être avec un personnage comme Boris Johnson.
A partir de ce moment, les deux parties essaieront de réfléchir à une solution réaliste de gestion d'une sortie sans accord. Mais en diplomatie, c'est un jeu bien connu, ils vont surtout évoquer ce qu'ils souhaitent faire ensemble de façon positive et ensuite évoquer les dossiers sur lesquels ils butent.
En quoi la diplomatie de Boris Johnson est-elle différente de celle de Theresa May ? Qu'est-ce que cela change pour les relations franco-britanniques ?
Theresay May était prête à accepter un compromis avec l'Union européenne, elle était sur une ligne politique dans laquelle il fallait trouver un accord, mais elle a échoué à trois reprises. Elle voulait absolument éviter le "No deal", la sortie sans accord. Boris Johnson, lui, est prêt à assumer cette option. Par ailleurs, il est flou dans ce qu'il propose. Il veut trouver des solutions alternatives au "backstop", mais qu'est-ce que cela veut dire ?
C'est un coup politique qui consiste à faire croire à l'opinion publique britannique que c'est l'Union européenne qui ne veut pas trouver d'accord. Autrement dit, Boris Johnson se dédouane des conséquences de l'option du "No deal" en essayant de faire porter cette responsabilité aux Européens. Le jeu, c'est de faire en sorte que si le Royaume-Uni sort sans accord – ce qui va probablement se passer –, ce soit de la faute de l'autre partie.
Quels seront les autres sujets abordés durant cette rencontre ?
La France comme le Royaume-Uni ont intérêt à maintenir de bonnes relations bilatérales sur des domaines comme la sécurité ou la politique étrangère. Sur le dossier iranien, par exemple, la position de Londres est plus proche de celle de Berlin et Paris que de celle de Washington. Lorsque Boris Johnson était ministre des Affaires étrangères, il était sur la ligne de l'Union européenne concernant les sanctions économiques appliquées à l'Iran. Sur ce sujet, le Royaume-Uni continuera de suivre la France et l'Allemagne, notamment.
Boris Johnson va se retrouver dans une position délicate de grand écart : il va en permanence rappeler, d'un côté, la relation spéciale de son pays avec les Etats-Unis et, de l'autre, la coopération avec l'Europe, sinon le Royaume-Uni s'isolera et il n'est pas prêt à avoir une politique étrangère minimaliste. Mais, pour le moment, il faut surtout être patient, car la rentrée des parlementaires britanniques n'est prévue que le 3 septembre, ce qui est tard compte tenu de la date du Brexit, le 31 octobre. Certains députés ont même envoyé une lettre à Boris Johnson pour dire qu'ils voulaient revenir plus tôt afin de s'atteler au dossier des négociations sur le "No deal". Une demande que le Premier ministre va sûrement refuser.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.