COP28 : énergies fossiles, bilan de l'accord de Paris, financements... Les cinq enjeux de la conférence pour le climat qui se déroule à Dubaï

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
La consommation des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) est responsable de 70% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)
Les pays du monde entier sont réunis aux Emirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre, pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Franceinfo décrit cinq points chauds des négociations.

Elle est annoncée comme la plus grande conférence pour le climat jamais organisée. Après une année de records de températures et de catastrophes climatiques dans le monde entier, la COP28 rassemble à Dubaï (Emirats arabes unis) les parties, autrement dit les signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, soit 197 Etats et l'Union européenne. Cette édition, particulièrement scrutée de par son hôte pétrolier, est cruciale. Du 30 novembre au 12 décembre, elle doit en effet s'accorder sur le premier bilan officiel de l'accord de Paris, afin de déterminer si les politiques au niveau mondial ont permis, ou non, de placer l'humanité sur une trajectoire qui permettra de limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Et exposer noir sur blanc les mesures nécessaires pour corriger le tir. Franceinfo résume les différents enjeux de cet événement, étape-clé dans la lutte contre le changement climatique.

1 Etablir un premier bilan de l'accord de Paris

Sur le bilan de l'action passée, peu de suspense. "On n'y est pas", résument les observateurs. L'ONU a publié, début septembre, un premier bilan technique (en PDF) de la mise en œuvre de l'accord de Paris. "Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d'atténuation (...) compatibles avec l'objectif de température de l'accord de Paris, et les possibilités de relever le niveau d'ambition (...) s'amenuisent rapidement", est-il écrit. Ce document doit maintenant servir de base indiscutable lors des négociations de Dubaï.

Les pays devront s'accorder sur un texte, retranscription politique de ces conclusions techniques. "Quel message politique la COP28 va-t-elle réussir à envoyer afin que tout le monde, en 2024, prépare de nouveaux engagements ?", questionne Lola Vallejo, directrice du programme climat de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). La délégation française veut garder coûte que coûte l'objectif de limiter à 1,5°C le réchauffement. "Ce qu'on veut, c'est informer les parties sur ce qu'il faut faire le plus vite possible pendant cette décennie critique. Il nous reste une fenêtre d'opportunité qui se réduit de jour en jour pour rester à 1,5°C", défend Stéphane Crouzat, ambassadeur climat de la France.

"Chaque fraction compte. Dans son rapport spécifique, le Giec nous a montré qu'un monde à +2°C est très, très différent d'un monde à +1,5°C."

Stéphane Crouzat, ambassadeur chargé des négociations climatiques internationales

à franceinfo

L'objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C s'éloigne de plus en plus, l'ONU ayant estimé, mi-novembre, que les engagements actuels des pays allaient mener à 2% de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des 43% préconisés pour ce faire. Et vers un réchauffement allant jusqu'à 2,9°C au cours de ce siècle, bien au-delà des limites fixées par la communauté internationale.

2 Afficher des objectifs clairs sur l'énergie

La consommation des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) est responsable de 70% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, comme le détaille le site du ministère de la Transition énergétique. Leur remplacement progressif est donc au cœur des discussions des COP, année après année. A Dubaï, trois objectifs énergétiques seront particulièrement discutés : le triplement de la capacité des énergies renouvelables installées dans le monde, le doublement de l'amélioration de l'efficacité énergétique (c'est-à-dire le rendement lors de la consommation finale) et, enfin, la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles. Ce paquet pourrait se retrouver dans le texte final de la COP.

"Le troisième objectif est le plus contentieux. Il met beaucoup de pays dans l'embarras et il y a un risque que la COP se mette d'accord sur les deux premiers objectifs sans avoir le troisième", explique Lola Vallejo. Un scénario qui s'est déjà produit les années précédentes. En 2021, seule la réduction massive du charbon avait été adoptée à la COP26 de Glasgow. L'avenir du pétrole et du gaz, lui, n'a jamais été mis à l'agenda. "Pour l'instant, on est donc dans une phase d'addition des capacités énergétiques, il n'y a pas vraiment de transition mondiale", complète la chercheuse. Nombre de pays, dont ceux de l'Union européenne, poussent donc pour la quasi-élimination des combustibles brûlés sans captage ni stockage du carbone. A quelle date ? A quel rythme ? Chacune de ces questions promet d'être âprement débattue.

Plusieurs rapports publiés avant la COP doivent nourrir les réflexions. L'ONU a par exemple mis en garde, le 7 novembre, contre les projets d'expansion de production de pétrole, de gaz et de charbon, projets menaçant l'objectif de l'accord de Paris. "Dans l'état actuel des choses, la demande de combustibles fossiles devrait rester bien trop élevée" pour contenir la hausse des températures à 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, exposait peu avant l'Agence internationale de l'énergie dans son rapport annuel.

3 Impliquer le secteur pétrolier dans la transition

Pour organiser la nécessaire sortie des énergies fossiles, objectif cité ci-dessus, les défenseurs de l'environnement ont vivement critiqué le choix du pays hôte de cette COP28, les Emirats arabes unis. De même que celui d'en confier la présidence au patron de la compagnie pétrolière émiratie, Sultan al-Jaber. "De nombreuses ONG ont dit que c'était une dissonance cognitive énorme, comme si on mettait un cigarettier à la tête de l'OMS", compare Lola Vallejo. D'autres, en revanche, y voient l'occasion de parler concrètement de la transition énergétique. "Le fait d'être un pétrolier, de connaître ce milieu parfaitement, d'une certaine façon, c'est un avantage", avance Stéphane Crouzat.

Face à ces doutes, le président de la COP28, par ailleurs accusé d'avoir profité de son poste pour conclure des marchés dans les énergies fossiles, a tenté de rassurer : "La réduction des énergies fossiles est inévitable." Reste à savoir comment cette phrase sera retranscrite dans le document final de la COP28 et quelle place sera accordée aux solutions de captage et stockage de carbone, jugées par le Giec nécessaires dans une petite proportion mais encore peu matures et accusées d'être une justification pour l'extension de la production de combustibles fossiles au lieu de privilégier les alternatives.

La présence des lobbyistes des énergies fossiles sera également scrutée, alors que leur nombre avait battu des records à la COP27 et avait participé à aboutir à un texte peu ambitieux qui ne mentionnait pas la sortie de ces énergies émettrices de gaz à effet de serre. "Tous les points de vue sont les bienvenus et tous les points de vue sont nécessaires", a d'ailleurs affirmé Sultan al-Jaber. Et cela inclut lobbys et grands pétroliers, jusque dans les délégations nationales.

4 Organiser le fonds pour les pertes et dommages

Ce fut le grand résultat de la COP égyptienne de Charm-el-Cheikh, en 2022 : la création d'un fonds pour compenser les "pertes et dommages" des pays victimes de désastres climatiques. Mais sa mise en place se faisait désirer. Qui doit payer : les pays développés, responsables historiques du réchauffement, ou bien aussi la Chine et les pays du Golfe ? Qui seront les bénéficiaires : les pays en développement, Chine comprise, ou seulement les "plus vulnérables" ? Où installer ce fonds ? Au sein de la Banque mondiale, accusée d'être aux mains des Occidentaux ou dans une structure indépendante mais longue à mettre en place ? Dès le jour d'ouverture, jeudi, la COP28 a réussi à répondre à un grand nombre de questions en adoptant un texte de mise en œuvre

Ce texte était issu des travaux d'un comité de transition, composé de 24 membres du Nord et du Sud chargés toute l'année de trouver des recommandations. "Début novembre, Dieu soit loué, nous avons trouvé un consensus sur les modalités de création de ce fonds, la localisation, les pays récipiendaires, la base des donateurs...", s'était félicité Stéphane Crouzat, rassuré. 

5 Débloquer les financements promis

La finance est l'un des thèmes transversaux mis en avant par la présidence émiratie de la COP. Plusieurs enveloppes seront discutées à Dubaï. D'abord les 100 milliards de dollars d'aide par an promis en 2009 par les pays riches pour financer à la fois l'adaptation au réchauffement et les réductions d'émissions dans les pays en développement. Le montant n'a atteint que 83 milliards de dollars, selon les chiffres les plus récents de 2020 fournis par l'OCDE. Cette dernière source a toutefois déclaré, mi-novembre, que les pays riches avaient "probablement" atteint en 2022 leur promesse de financement, avec deux années de retard.

Par ailleurs, cette aide doit être rehaussée en 2025. "On a promis 100 milliards par an jusqu'en 2025. Mais il va falloir se décider sur la suite. Combien ? Pour englober quoi ? La finance privée aussi ? etc. Ce débat-là devra aboutir à la COP29, mais sera discuté dès la COP28. Il y aura une volonté de la part des pays en développement d'avoir des assurances, un objectif quantifié à la hauteur de leurs espérances", expose encore le diplomate. Autre enveloppe défaillante : la promesse faite à Glasgow en 2021 de doubler les financements d'adaptation entre 2019 et 2025, pour atteindre 40 milliards d'euros par an. "Les pays en développement vont nous demander où on en est", prévoit l'ambassadeur français pour le climat.

Autant de montants, même additionnés, qui restent encore loin du compte : un groupe d'experts des Nations unies avait en effet estimé, fin 2022, que des dépenses de plus de 2 000 milliards de dollars seraient nécessaires chaque année d'ici à 2030 pour financer l'adaptation au changement climatique et le développement de ces pays. Ils ont donc appelé la COP28 à promouvoir un "changement radical".

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