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Rwanda, ce pays africain qui a su organiser la résistance contre le Covid-19

Un an après le premier cas d'infection, l'efficacité de la stratégie des autorités rwandaises face à la pandémie fait peu de doute. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Un homme reçoit une dose de vaccin contre le Covid-19 le 5 mars 2021 à l'hôpital de Masaka, à Kigali, la capitale rwandaise. (JEAN BIZIMANA /REUTERS)

Le premier cas de Covid-19 a été enregistré au Rwanda le 14 mars 2020. Depuis, et même un peu avant, les autorités rwandaises ont organisé une résistance minutieuse contre le Sars-Cov-2. Résultat : le pays occupe la 6e place du classement mondial réalisé par The Lowy Institute, un think tank australien, qui a analysé la gestion de la pandémie dans une centaine de pays. Une nouvelle validation pour une stratégie qui est devenue un cas d'école. Le Boston College, aux Etats-Unis, vient d'ailleurs de lui consacrer une publication. 

Des études mais aussi des Etats reconnaissent la performance du Rwanda face au Covid-19. A la mi-juillet 2020, il était le seul pays d'Afrique subsaharienne dont les ressortissants pouvaient rentrer dans l'Union européenne. Aujourd'hui encore, il est le seul Etat du continent à figurer dans la liste européenne des pays qui ne sont pas concernés par les restrictions de déplacement. Au 14 mars 2021, le Rwanda comptait 43 nouvelles infections. Soit au total, depuis le début de l'épidémie, 20 186 cas enregistrés dont 18 566 guérisons et 280 décès. 

Ingéniosité socio-économique et technologique ont contribué à affûter les armes d'un pays qui, depuis le 5 mars 2021, a entamé l'une des étapes les plus importantes du combat contre le nouveau coronavirus : la vaccination. Le Rwanda, qui a vacciné à ce jour plus de 257 000 personnes sur une population estimée à quelque 12,3 millions d'habitants, dont plus de 80% vivent en milieu rural, n'a jamais vraiment relâché la pression. Un couvre-feu a été instauré de 20h à 4h du matin et les commerces sont fermés à 18h. Retour sur quelques-uns des choix sanitaires de ce pays d'Afrique de l'Est.

Le coup d'avance érigé en stratégie 

Dès janvier 2020, alors qu'un nouveau coronavirus est identifié le 31 décembre 2019 à Wuhan (province de Hubei) en Chine, des équipes médicales sont déjà en alerte aux postes-frontières rwandais. Et avant même que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne déclare le 11 mars 2020 que le Covid-19 est une pandémie, le pays annonce le 3 mars la mise en place d'un groupe de travail – Joint Task Force (JTF) qui sera opérationnel le 9 mars. La structure est en charge de préparer la riposte contre la maladie. 

Dans la même veine, le Rwanda est le premier pays africain à instaurer le 21 mars un confinement : frontières fermées, motos-taxis à l'arrêt, commerces clos à l'exception de l'alimentaire et des pharmacies. A l'époque, c'est une gageure pour les pays africains dont les ressources économiques sont limitées et dont les citoyens vivent souvent au jour le jour. Pour juguler les conséquences sociales, le Rwanda a organisé une distribution de vivres à ses populations

Enfin, comme le rapporte l'OMS, plusieurs campagnes de sensibilisation sont organisées dans le pays, telle " #GumaMuRugo un appel à rester chez soi et à sauver des vies – qui a fait le buzz grâce aux efforts et aux innovations de la police nationale rwandaise, du secteur de la santé et des autorités locales en matière de sensibilisation communautaire et de gestion des rumeurs". Il sera suivi d'une autre, "#NtabeAriNjye traduit approximativement par 'Que ce ne soit pas moi'–"  afin "de  relancer la lutte au niveau individuel lorsque la communauté a commencé à montrer des signes de complaisance et à lever le pied." A l'échelle internationale, le Rwanda se distingue encore dans ce domaine. "Défié" le 14 mars, le président Paul Kagame devient le premier président africain à relever le défi du #SafeHands (mains saines) Challenge lancé par le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, pour vulgariser l'un des principaux gestes barrières contre le Covid-19.

Ingéniosité médicale et pragmatisme

"Tester, tester et tester". La capacité du Rwanda à contenir l'épidémie dans ses premiers mois lui a permis d'appliquer ce leitmotiv de l'OMS en "privilégiant" une modalité de dépistage dont l'utilisation est possible quand la prévalence de la transmission du Covid-19 est faible : l'échantillonnage groupé. "Au lieu de tester une personne à la fois, les échantillons de plusieurs personnes sont rassemblés et testés en un seul groupe. Si le test groupé est négatif, tous les individus du groupe sont déclarés négatifs. Mais s'il est positif, chaque membre du groupe est alors testé à nouveau individuellement pour que la personne infectée soit identifiée", explique l'OMS.

La méthode ne fait pas l'unanimité, mais les tests groupés ont deux avantages majeurs. A savoir, "une réduction substantielle des coûts et une baisse importante du délai d'obtention des résultats, en particulier dans les environnements à capacité limitée", confiait en juillet 2020 à The Conversation le professeur Leon Mutesa qui a validé l'algorithme développé par son confrère, Wilfred Ndifon, pour appliquer cette technique au Rwanda. "Les méthodes de détection utilisées pour le dépistage du Sars-CoV-2 sont coûteuses, poursuit-il. Dans la plupart des pays, un test coûte entre 30 et 100 dollars. En regroupant, par exemple, 20 à 50 échantillons, on économise beaucoup de ressources."

Ainsi conduits, les tests PCR (Polymerase Chain Reaction en anglais ou réaction de polymérisation en chaîne) qui permettent de détecter la présence du virus plutôt que les anticorps démontrant l'infection au Sars-Cov-2 utilisent moins de réactifs."L'échantillonnage groupé est maintenant utilisé pour des tests en série rentables et à grande échelle au Rwanda afin de comprendre la propagation spatiale du Sars-CoV-2 au niveau national", précisait encore le professeur Leon Mutesa à The Conversation. 

Au final, "le résultat le plus frappant de notre approche est la rapidité avec laquelle le coût du dépistage de l'ensemble de la population diminue à mesure que la prévalence baisse, compte tenu de la baisse du taux de transmission", concluait le scientifique rwandais. 

(Une stratégie pour trouver les personnes infectées par le #SARS_CoV2 : optimiser l'échantillonnage groupé (quand la prévalence de l'infection est faible). L'optimisation des tests groupés, meilleure pratique au Rwanda)

A la pointe de la technologie 

Il n'y a pas que dans le domaine médical que les autorités rwandaises ont été attentives à toutes les possibilités techniques qui s'offraient à elles. "Les stratégies notables ont consisté à diffuser des informations publiques par le biais de drones, de robots pour le dépistage et les soins hospitaliers (capables d'examiner 50 à 150 personnes par minute, selon le ministère rwandais de la Santé, NDLR), et de communications officielles par le biais de plateformes de médias sociaux pour lutter contre la désinformation", souligne ainsi le Boston College dans la note consacrée à la démarche rwandaise. Dans la capitale Kigali, les nouvelles technologies ont aussi permis de "limiter l’usage du papier par les équipes de terrain lors de la détection et du traçage des cas suspects", indique l'OMS.  

Rwandair, la compagnie nationale rwandaise, a également annoncé le 23 février qu'elle serait "la première" du continent à tester le Travel Pass de l’Association internationale du transport aérien (IATA). Une plateforme digitale qui devrait aider les passagers à vérifier s'ils sont en conformité avec les obligations liées au Covid-19 pour voyager. 

"En prenant des décisions basées sur des preuves, en tirant les leçons du passé et en suivant l'exemple d'autres pays qui ont réussi, le Rwanda a défié les attentes et montré que tout pays peut assurer la sécurité de ses citoyens avec les bonnes stratégies et le bon leadership", résume l'ancienne ministre rwandaise de la Santé, Agnès Binagwaho, dans une analyse de la politique déployée par son pays publiée en janvier.

Cependant, la performance du Rwanda face au Covid-19 est quelque peu ternie par les préoccupations en matière de droits humains. Le pouvoir a encore été interpellé sur son bilan dans ce domaine en janvier 2021 par les Nations unies. Si partout dans le monde les mesures prises par les Etats pour limiter la propagation du Sars-Cov-2 menacent les libertés individuelles, le cas rwandais est l'un de ceux qui ont alerté les organisations de défense des droits humains. 

"Les autorités rwandaises ont réagi de manière rapide et agressive à la menace posée par la pandémie mondiale du Covid-19. La police a arrêté plus de 70 000 personnes pour des infractions liées aux mesures introduites en mars pour empêcher la propagation du Covid-19, dont un couvre-feu, la fermeture des bars et des restaurants et des restrictions en matière de déplacements. Les autorités ont accusé des personnes d’avoir enfreint ces mesures, les détenant parfois dans des stades sans procédure régulière ni autorité légale", pointe Human Rights Watch dans son rapport sur les droits de l'Homme au Rwanda en 2020.

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