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RDC : l'assassinat de l'ambassadeur Luca Attanasio illustre l'impuissance de l'ONU à sécuriser l'est du pays

Voilà plus de vingt ans que les Casques bleus de la Monusco sont présents sans parvenir à rétablir la paix dans tout l'est de la République démocratique du Congo.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un Casque bleu de la Monusco escorte une ambulance non loin du village de Kibumba dans le Kivu, là où Luca Attanasio, ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo, a été tué le 22 février 2021. (ALEXIS HUGUET / AFP)

On ignore qui sont les assaillants et, sans doute, le saura-t-on jamais. Luca Attanasio, ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo (RDC), a été tué le 22 février 2021, alors qu'il venait évaluer une mission du Programme alimentaire mondial (PAM), une agence onusienne, dans le Nord-Kivu. Cette attaque, qui a fait trois morts, illustre l'insécurité permanente qui règne dans tout l'est de la RDC, dans les régions du Kivu, mais aussi de l'Ituri et du Tanganyka. Elle met également en lumière l'incapacité des Nations unies à ramener la paix dans la région, alors même qu'elle y déploie son plus important contingent depuis plus de vingt ans. D'abord sous le mandat de la Monuc en novembre 1999, puis de la Monusco depuis le 1er juillet 2010.

Des Casques bleus présents depuis l'an 2000

Les effectifs et les moyens mis en œuvre sont considérables. A ce jour, 17 467 personnes, dont près de 15 000 soldats et policiers. Le budget alloué s'élève à plus d'un milliard de dollars par an. L'essentiel du personnel est déployé dans cette région, entre Nord-Kivu et Sud-Kivu, provinces les plus instables du pays, mais aussi en Ituri et au Tanganyka.

Des Casques bleus uruguayens de la Monusco arrivent à leur base de Fataki dans la région de l'Ituri en RDC, le 14 septembre 2020. (ALEXIS HUGUET / AFP)

Initialement, la présence des Casques bleus en RDC remonte à la chute du maréchal Mobutu en mai 1997. A l'époque, le nouveau maître du pays, Laurent-Désiré Kabila, a eu besoin des pays voisins Rwanda, Ouganda, Angola et de leurs armées respectives pour installer son pouvoir. Mais il aura beaucoup de mal à se débarrasser de cette tutelle.

La deuxième guerre du Congo

Durant cinq années, le pays va traverser une longue période d'instabilité, entretenue par les puissances étrangères. La deuxième guerre du Congo (la première faisant suite au génocide au Rwanda en 1994) est en fait la plus grande guerre entre Etats dans l'histoire de l'Afrique post-coloniale. Neuf pays et pas moins d'une trentaine de groupes armés sont impliqués.

La population va payer un lourd tribut. Un décompte très parcellaire fait état de 183 000 morts. Les massacres se comptent par milliers dans un conflit sans ligne de front, ni engagement militaire massif. En fait, les groupes armés mènent la danse : tuant, violant et pillant au gré de leur humeur.

Début 2000, un contingent de 5 500 soldats de la paix est déployé pour superviser un premier cessez-le-feu. Dans le même temps, les belligérants commencent à négocier. D'accords de cessez-le-feu en signatures de traités de paix, la situation se stabilise en 2002. Les troupes étrangères, notamment rwandaises, quittent enfin le Congo.

Mission impossible ?

Dans ce contexte, la mission de la Monuc est colossale. Elle doit aider à "la réunification, la pacification, la reconstruction du pays, la restauration de l’intégrité territoriale du pays et l’instauration de l’autorité de l’Etat à travers le pays", selon les termes du mandat.

Renommée Monusco en 2010, la nouvelle mission de paix de l'ONU entérine un travail à moitié achevé. Certes, le pays est réunifié, le pouvoir démocratique réinstallé, mais l'est du pays (notamment les deux Kivu) est toujours une vaste zone d'insécurité où sévissent des bandes armées.

Patrouille des Casques bleus de la Monusco  sur une route d'Ituri le 15 septembre 2020. (ALEXIS HUGUET / AFP)

En 2013, le Conseil de sécurité des Nations unies va même créer une "brigade d'intervention". Trois bataillons d'infanterie, une compagnie d'artillerie, une force spéciale, afin de "neutraliser les groupes armés". Tout cela prend une allure de plus en plus guerrière, même si "les principes convenus du maintien de la paix" sont réaffirmés. En d'autres termes, l'ouverture du feu notamment ne se fait que dans le cadre de la riposte.

La Monusco sur la sellette

Aujourd'hui des voix s'élèvent, notamment dans l'opposition congolaise, pour dénoncer l'inefficacité de la Monusco. En 2015, le gouvernement du président Kabila réclamait purement et simplement son départ, assurant pouvoir sécuriser la région par ses propres moyens !

Les critiques vis-à-vis du rôle des Casques bleus ne sont pas nouvelles et ne se limitent pas à la RDC. Selon le chercheur Thierry Vircoulon, "dans de nombreux cas, les missions de maintien de la paix n’ont tout simplement pas de stratégie de résolution du conflit". Ces missions sont donc condamnées à l'enlisement et à l'inefficacité.

C'est malheureusement le constat qui s'applique pour la Monusco. L'assassinat de l'ambassadeur italien vient rappeler une triste réalité. Le dernier rapport du baromètre sécuritaire du Kivu (KST) dénombre 122 groupes armés dans tout l'est de la RDC, dont 113 dans les deux Kivu. 5,5 millions de personnes ont été déplacés dans tout le pays, fuyant l'insécurité.

"Une grande partie de la violence dans l'est du Congo est motivée par le besoin des groupes armés de survivre en extrayant des ressources et de se battre pour conserver le contrôle de leur territoire", note le rapport. Des caractéristiques persistantes. En ce qui concerne l'efficacité de la Monusco, l'analyse du KST est sans appel. "Dans le secteur de la sécurité, son impact est largement limité à son effet dissuasif, en particulier dans et autour des grands centres urbains. Malgré le mandat agressif sous lequel sa Brigade d'intervention de la force opère, la Monusco n'a pas voulu ou pu mener des opérations anti-insurrectionnelles à grande échelle."

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